51e (IN)DEPENDANCE DU KONGO, RUPTURE OU CONTINUITE ?

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Par Alterinfo

Il est difficile de dissocier la question de l’organisation politique, territoriale et administrative du Congo de celle de la dĂ©centralisation. En effet, les lois qui rĂ©gissent ces deux matiĂšres sont la plupart du temps les mĂȘmes. La question proposĂ©e comme thĂšme principal d’oĂč dĂ©coule mon exposĂ© de ce jour est la suivante: IndĂ©pendance du Congo, rupture ou continuitĂ©? Je fais remarquer, d’entrĂ©e de jeu, qu’elle soulĂšve en moi quelques apprĂ©hensions et me met devant un choix dialectique tout en m’enfermant dans une voie sans alternative.

Dis, en passant, elle me renvoi au fameux « Avant l’indĂ©pendance Ă©gal aprĂšs l’indĂ©pendance. La RD Congo paierait aujourd’hui, comme HaĂŻti, le prix d’avoir fait un choix non nĂ©gociĂ© avec l’ancienne mĂ©tropole. A qui la faute ? Etant donnĂ© que tel n’est pas le sujet de mon exposĂ©, je rĂ©fĂšre la question aux autres chercheurs qui s’intĂ©resseraient Ă  la problĂ©matique. Cependant, je pense, s’agissant du thĂšme central du cycle de confĂ©rences de l’Union Royale belge des pays d’outre mer, UROME, en sigle, que la question plausible aurait Ă©tĂ© celle de savoir, quelle nouvelle perspective le Congo indĂ©pendant aurait-il imprimĂ©e Ă  son organisation politique, territoriale et administrative, de façon Ă  permettre aux uns et aux autres de procĂ©der mutuellement Ă  un « droit d’inventaire ».

En tout Ă©tat de cause, je dis que la question principale soulĂšve des apprĂ©hensions parce qu’en toute logique, l’ancienne colonie Congo Belge devenue RĂ©publique du Congo, puis RĂ©publique DĂ©mocratique du Congo, RĂ©publique du ZaĂŻre par la suite, et enfin, Ă  nouveau RĂ©publique DĂ©mocratique du Congo, avait changĂ© de statut depuis le 30 juin 1960 et que ce changement impliquait naturellement rupture avec les formes d’organisation Ă©tatique destinĂ©es Ă  l’expansion et Ă  l’exploitation coloniales, lĂ  oĂč celles-ci ne correspondaient plus aux enjeux nationaux et aux objectifs d’un pays souverain et en dĂ©veloppement. Cela ne veut pas dire que l’on devrait inventer l’eau chaude. Mais, cela signifie simplement qu’un effort de crĂ©ativitĂ© et d’inventivitĂ© devrait ĂȘtre fait par les Ă©lites congolaises dans le sens de la rĂ©habilitation rĂ©flĂ©chie de la perspective historique relative Ă  l’organisation des sociĂ©tĂ©s prĂ© coloniales et de l’appropriation maĂźtrisĂ©e du destin commun Ă  imprimer au cadre Ă©tatique national nĂ©cessairement endogĂšne. Des auteurs plus compĂ©tents ont pris position sur ce sujet ; certains ont recommandĂ© de naviguer entre deux eaux, d’autres ont suggĂ©rĂ© de respecter l’historicitĂ© de la SociĂ©tĂ© africaine en expĂ©rimentant les structures des Etats multi ethniques en vue de restaurer ou d’emprunter certains Ă©lĂ©ments pertinents des nations prĂ©coloniales appelĂ©es communĂ©ment « ethnies ». Ce sont les auteurs tels que Mudimbe, Ki Zerbo, Ngoma Binda, Achille MBembe, Tshiyembe Mwayila, Elikia Mbokolo, Mamoudou Gazibo ou autres Zeleza.

Au lieu de faire un survole historique harassant des multiples rĂ©formes entreprises depuis 1960 dans ce pays, je vais complĂ©ter les analyses pertinentes de bien de chercheurs en m’efforçant de rĂ©sumer les contextes, les enjeux, les approches et les objectifs qui ont prĂ©sidĂ©s aux diffĂ©rentes tentatives de modernisation de l’administration territoriale en RD Congo, Ă  partir du 30 juin 1960. A cet effet, ma monographie est subdivisĂ©e comme suit : 1. Etat des lieux (Avant propos ; De la Loi constitutionnelle et des Lois sur l’organisation politique, territoriale et administrative du Congo ; Enjeux et dĂ©fis de la nouvelle organisation politique, territoriale et administrative et de la dĂ©centralisation en RD Congo[1] ; Quelle perspective pour la dĂ©centralisation congolaise ? Recommandations, stratĂ©gie et actions Ă  mener) ; 2. Conclusion ; 3. RepĂšres bibliographies.

II. ÉTAT DES LIEUX

2.1. Avant propos
De l’Etat IndĂ©pendant du Congo, de 1885 Ă  1908, Ă  la renaissance de la RĂ©publique DĂ©mocratique du Congo en mai 1997, par suite de nombreux bouleversements d’ordre politique, le pays a changĂ© plusieurs fois de dĂ©nomination. A chaque dĂ©nomination du pays correspond non seulement une pĂ©riode particuliĂšre de son Ă©volution politique, mais surtout aux bouleversements trĂšs profonds qui ont marquĂ© son histoire chahutĂ©e. L’organisation de la pĂ©riode de telle dĂ©nomination ne ressemble qu’en peu d’élĂ©ments Ă  celle de la pĂ©riode prĂ©cĂ©dente, tellement les rĂ©formes ont Ă©tĂ© diverses et parfois, profondes.
Un principe Ă©lĂ©mentaire de management public voudrait que de la conjonction de l’accomplissement des devoirs et de la jouissance de droits, des uns et des autres, rĂ©sulte le bon fonctionnement des institutions territoriales. Qu’en a-t-il Ă©tĂ© au Congo indĂ©pendant, c’est la question Ă  laquelle, je vais tenter de rĂ©pondre ci-aprĂšs ?
L’organisation territoriale que le Congo Belge a lĂ©guĂ©e Ă  la RD Congo en 1960, comprenait les circonscriptions administratives dĂ©concentrĂ©es : les provinces, les districts et les territoires, et les circonscriptions administratives dĂ©centralisĂ©es : les circonscriptions indigĂšnes dans le milieu rural et les centres prĂ© urbains d’une part et les villes et les communes, dans le milieu urbain d’autre part. La dĂ©centralisation territoriale avait Ă©tĂ© introduite formellement dans l’organisation administrative de notre pays d’abord lors de l’institution des « Centres Extra=coutumiers » par le DĂ©cret du 23 novembre 1931 et ensuite dans le milieu rural lorsque les circonscriptions indigĂšnes ont Ă©tĂ© instituĂ©es en 1933 par le dĂ©cret du 6 dĂ©cembre 1933. Mais, la dĂ©centralisation appliquĂ©e Ă  ces entitĂ©s administratives « pour les indigĂšnes », rĂ©gies depuis le 10 mai 1957 par un seul texte, Ă©tait limitĂ©e ; elle Ă©tait en fait hybride. Par la suite, la dĂ©centralisation territoriale fut appliquĂ©e dans tous ses principes fondamentaux aux agglomĂ©rations urbaines lors de l’institution des villes composĂ©es des communes en 1957, comme entitĂ©s administratives dĂ©centralisĂ©es de droit commun et surtout lors de la rĂ©forme du statut des villes et des communes rĂ©alisĂ©e par le dĂ©cret du 13 octobre 1957. Les villes et les communes congolaises ont Ă©tĂ© donc le premier champ d’expĂ©rimentation de la vĂ©ritable dĂ©centralisation territoriale dans notre pays, depuis 1957.

Au regard de diffĂ©rentes tentatives de rĂ©formes effectuĂ©es en RD Congo, l’organisation politique de la RĂ©publique du Congo, du 30 juin 1960 au 31 juillet 1964 et celle de la RĂ©publique DĂ©mocratique de Congo, du Ier aoĂ»t 1964 au 24 novembre 1965, n’ont pas survĂ©cu aux bouleversements continuels et nombreux des institutions politiques de la RĂ©publique du ZaĂŻre pendant la IIĂšme RĂ©publique jusqu’au 17 mai 1997. Depuis le 27 mai 1997, l’organisation politique rĂ©sultant du DĂ©cret-loi constitutionnel n°003 du 27 mai 1997 relatif Ă  l’organisation et Ă  l’exercice du pouvoir en RĂ©publique DĂ©mocratique du Congo Ă©tait tout Ă  fait diffĂ©rente de celle que nous avait lĂ©guĂ©e la IIĂšme RĂ©publique. Par contre, l’organisation administrative et territoriale hĂ©ritĂ©e de la colonisation a rĂ©sistĂ© et survĂ©cu aux nombreuses rĂ©formes administratives tant opportunes qu’inopportunes opĂ©rĂ©es depuis le 30 juin 1960. La rĂ©sistance aux rĂ©formes inopportunes est plus marquante lorsqu’il s’agit de l’adaptation de l’organisation territoriale hĂ©ritĂ©e du Congo Belge Ă  l’organisation politique inspirĂ©e par des considĂ©rations idĂ©ologiques qui ont caractĂ©risĂ© particuliĂšrement la IIĂšme RĂ©publique. Cette rĂ©sistance est essentiellement constituĂ©e par les institutions urbaines et communales. L’avant avant derniĂšre rĂ©forme des structures territoriales du pays qui a fait l’objet de la loi n° 95-005 du 20 dĂ©cembre 1995 portant dĂ©centralisation territoriale, administrative et politique de la RĂ©publique du ZaĂŻre pendant la (premiĂšre) pĂ©riode de la transition permet, comme vous le verrez, de confirmer cette observation. Cette loi a Ă©tĂ© publiĂ©e au journal officiel n°1 du Ier janvier 1996, mais diffusĂ©e Ă  la fin de l’annĂ©e 1996. La derniĂšre rĂ©forme de l’organisation territoriale pendant la (deuxiĂšme) pĂ©riode de la transition consacrĂ©e par le DĂ©cret-loi n° 081 du 2 juillet 1998 portant organisation territoriale et administrative de la RĂ©publique DĂ©mocratique du Congo corrobore aussi cette affirmation. Il faudrait aussi noter que l’influence persistante du modĂšle administratif colonial n’est pas caractĂ©ristique de la seule RĂ©publique DĂ©mocratique du Congo. Elle est observĂ©e, Ă  de degrĂ©s divers, de par le monde, dans tous les pays ayant connu dans leur histoire, la colonisation sous une forme ou sous une autre.
Dans l’ensemble, les rĂ©formes de l’administration territoriale de l’Etat IndĂ©pendant du Congo Ă  1998 paraissent inspirĂ©es de maniĂšre gĂ©nĂ©rale par des motivations Ă©conomico/politiques que par des mobiles d’ouverture dĂ©mocratique ou de la prise en compte de la participation du souverain primaire aux dĂ©cisions le concernant. L’on observe, par ailleurs, du « yo-yo » dĂ©routant dans les choix de dĂ©coupages territoriaux et du changement quasi permanent d’appellations. C’est dire que toutes ces rĂ©formes ont Ă©tĂ© abordĂ©es suivant des approches juridico structurelles et ne procĂ©daient pas d’une dĂ©marche endogĂšne. Leur ancrage social indispensable dans les milieux dans lesquels elles sont opĂ©rĂ©es n’est pas prouvĂ©. Il est donc normal qu’elles n’aient apportĂ© aucun changement, dĂšs 1965, dans le vĂ©cu quotidien du peuple qui ne s’y reconnaĂźt pas nĂ©cessairement.

2.2. De la Loi constitutionnelle et des Lois sur l’organisation politique, territoriale et administrative du Congo[2]
2.2.1. Si il est admis par principe que la matiĂšre relative Ă  l’organisation politique, territoriale et administrative ou de ce que l’on qualifie communĂ©ment de politique de « dĂ©centralisation » d’un pays relĂšve d’une loi, il est aussi Ă©tablit que les principes de son Ă©diction soient levĂ©es dans la Loi fondamentale. C’est ce qui s’est toujours ou souvent passĂ© en RD Congo. Notez que dans ce domaine, en cinquante ans d’indĂ©pendance, la RD Congo a battu, nĂ©anmoins, tous les records d’instabilitĂ© et a consommĂ© 11 constitutions au total, soit une moyenne d’au moins deux constitutions tous les cinq ans :

*De 1960 Ă  1967, deux constitutions. La loi fondamentale du 19 mai 1960 relatives aux structures du Congo et La constitution du 1er aoĂ»t 1964, appelĂ©e constitution de Luluabourg. C’est cette constitution qui a donnĂ© la dĂ©nomination : « RĂ©publique DĂ©mocratique du Congo » Ă  notre pays.
*Du 24 juin 1967 au 5 juillet 1990, trois constitutions rĂ©visĂ©es pratiquement suivant l’humeur du MarĂ©chal (24 juin 1967 et 15 aoĂ»t 1974, Ier janvier 1983 et la derniĂšre constitution de la 2Ăšme RĂ©publique est celle rĂ©sultant de la loi controversĂ©e du 5 juillet 1990, lors du dĂ©marrage du processus dĂ©mocratique)
*De 1992 Ă  2003, l’organisation de l’exercice du pouvoir pendant la pĂ©riode de la transition a Ă©tĂ© rĂ©gie par 5 constitutions successives (3 lors de la premiĂšre partie de la transition et 2 durant le pouvoir de l’Alliance des forces de libĂ©ration du Congo et 1+4).
*En 2006, il s’est agit de la onziĂšme constitution de la RD Congo, la loi fondamentale Ă©laborĂ©e par les Belges comprise et la deuxiĂšme qui a Ă©tĂ© adoptĂ©e par rĂ©fĂ©rendum, aprĂšs celle de Luluabourg en 1964.

Les conditions dans quelles conditions ce rĂ©fĂ©rendum s’est dĂ©roulĂ© avaient soulevĂ© des critiques virulentes des constitutionnalistes et autres politologues. Auguste Mampuya Kanuk’a Tshiabo, professeur de droit de son Ă©tat, pense par exemple que les options constitutionnelles retenues en 2006 Ă©loignent la RDC du seuil d’un Etat de droit, atteint depuis la CNS en 1992 et que les textes adoptĂ©s ont pour mission de cristalliser et de fixer pour longtemps encore, dans les normes autant que dans les mĂ©canismes constitutionnels, des pratiques contraires aux principes dĂ©mocratiques et Ă©thiques (sĂ©paration et limitation du pouvoir, contrĂŽle parlementaire et juridictionnel, bonne gouvernance et Ă©thique politique); Sa peur est de voir, pour une niĂšme fois, Ă©laborĂ© une constitution pour en avoir une, mais qui ne sert qu’à . On se contente, d’aprĂšs lui, du formalisme constitutionnel pour sacrifier aux apparences. DĂšs lors, il conclut que ce simple Ă©dulcorant, ce placebo, ne peut guĂ©rir le mal sans s’attaquer Ă  ses racines, ses vraies causes>.

2.2.2. Par rapport aux rĂ©formes territoriales amorcĂ©es depuis son accession Ă  la souverainetĂ© nationale et internationale, on peut estimer que la RĂ©publique du zaĂŻre redevenue RĂ©publique DĂ©mocratique du Congo a connu des fortunes diverses en ce qui les concerne. Les contextes prĂ©cis des processus de rĂ©formes des premiĂšres annĂ©es d’indĂ©pendance et de la deuxiĂšme RĂ©publique sont ceux de la guerre froide, du chaos administratif provoquĂ© par le dĂ©part prĂ©cipitĂ© des fonctionnaires belges de la colonie, des luttes intestines pour le leadership, de la lutte contre la contamination communiste en Afrique centrale et Australe, des deux guerres du Shaba/Katanga (1977 – 1980), de la fronde parlementaire de 1979-1980, et beaucoup plus prĂšs de nous, des « massacres des Ă©tudiants du Campus de Lubumbashi » qui avaient entraĂźnĂ© l’isolement diplomatique du pouvoir de Kinshasa et la suspension de la coopĂ©ration structurelle, d’abord avec l’ancienne mĂ©tropole, et ensuite, avec les autres partenaires bilatĂ©raux et multilatĂ©raux et du vent de la perestroĂŻka et des consultations populaires initiĂ©es par feu le PrĂ©sident Mobutu, le 14 janvier 1990. D’autres situeraient les mĂȘmes besoins de rĂ©forme, en ce qui concerne le pouvoir Mobutu, aux annĂ©es 70 oĂč des timides rĂ©visions de la Constitution avaient Ă©tĂ© opĂ©rĂ©es par le nouveau pouvoir, abusivement prĂ©tendu « rĂ©volutionnaire », qui venait d’ĂȘtre secouĂ© par des frondes estudiantines de 1969 et 1971 connues de tous.

2.2.3. S’agissant des lois relatives Ă  l’organisation politique, territoriale et administrative de la RD Congo, proprement dites, on en a dĂ©nombrĂ© dix avant la IIIĂšme RĂ©publique, soit de 1967 Ă  1998, Ă©tant donnĂ© que le dĂ©coupage de 1962 Ă  1963 avait Ă©tĂ© opĂ©rĂ© Ă  la suite de la rĂ©vision de la Loi fondamentale. Il faudrait retenir d’emblĂ©e que, conformĂ©ment aux constitutions desquelles elles tirent leurs substances, les lois dont il est question ci-dessus ont servi respectivement Ă  consacrer des « roitelets » lors de la gestion des PĂšres de l’indĂ©pendance, Ă  consolider la personnalisation du pouvoir et Ă  institutionnaliser le MPR durant le long rĂšgne du MarĂ©chal du ZaĂŻre, Ă  procĂ©der au partage Ă©quitable et Ă©quilibrĂ© du pouvoir pendant la premiĂšre partie de la longue et laborieuse transition, Ă  rĂ©compenser les soutiens des « fausses guerres » de libĂ©ration et Ă  instituer un type d’administration nouveau, dĂ©nommĂ© CPP, au cours de la seconde moitiĂ© de la transition ; Enfin, les rĂ©centes ont servi Ă  remercier ceux qui ne se sont pas abstenus de voter en 2006-2007, en ce qui concerne la troisiĂšme RĂ©publique.

2.2.4. Comme il sied de le constater, l’ouverture dĂ©mocratique et consĂ©quemment la rĂ© organisation politique, territoriale et administrative du pouvoir d’Etat se sont opĂ©rĂ©es au ZaĂŻre/Congo sous la pression des Ă©vĂ©nements politiques circonstanciĂ©s internes et externes et non d’une maniĂšre programmĂ©e et intelligente. C’est pourquoi, les lois promulguĂ©es, Ă  cet effet, ont contenu, expressĂ©ment, des vices de conception, des lacunes nombreuses et des Ă©cueils prĂ©judiciables Ă  une bonne administration territoriale dĂ©centralisĂ©e. Il ne s’agit ni plus ni moins que d’une instrumentalisation Ă©hontĂ©e d’une technique d’administration ayant fait ses preuves partout ailleurs. Il est, par ailleurs, clairement Ă©tablit que le fonctionnement du mĂ©canisme officiel de l’Etat a Ă©tĂ© durement Ă©prouvĂ© et particuliĂšrement dĂ©sarticulĂ© au cours de la pĂ©riode dite de la , soit de 1990 Ă  1997, et qui s’est arrĂȘtĂ©e nette, un certain jour du 17 mai 1997, avec la prise de pouvoir par Laurent DĂ©sirĂ© Kabila. Cette prise de pouvoir et la nouvelle pĂ©riode de transition, de 1997 Ă  2006 n’ont pas corrigĂ© cet Ă©tat de choses. Que du contraire !

2.2.5. Suivant la Constitution du 18 fĂ©vrier 2006, la RĂ©publique DĂ©mocratique du Congo s’est rĂ©solument dĂ©finie comme un Etat unitaire fortement dĂ©centralisĂ©. L’article 2 prĂ©cise que : «La RDC est composĂ©e de la ville de Kinshasa et de 25 provinces dotĂ©es de la personnalitĂ© juridique ». L’article 3 stipule que : «Les provinces et les entitĂ©s territoriales dĂ©centralisĂ©es sont dotĂ©es de la personnalitĂ© juridique et sont gĂ©rĂ©es par les organes locaux. Et puis : « ces entitĂ©s territoriales (ville, commune, secteur, chefferie) jouissent de la libre administration et de l’autonomie de gestion de leurs ressources Ă©conomiques, humaines, financiĂšres et techniques». Il ressort de cette nouvelle constitution que la RĂ©publique DĂ©mocratique du Congo s’organise Ă  travers des collectivitĂ©s territoriales. Mais la collectivitĂ© dite « Province» est prĂ©sentĂ©e comme Ă©tant distincte des autres collectivitĂ©s dites « entitĂ©s territoriales dĂ©centralisĂ©es ». En effet, si l’article 3 reconnaĂźt Ă  toutes les collectivitĂ©s la personnalitĂ© juridique, ainsi que l’autogestion (elles sont gĂ©rĂ©es par les organes locaux), les articles 201 Ă  205 dĂ©finissent prĂ©cisĂ©ment les matiĂšres relevant de la compĂ©tence exclusive des pouvoirs provinciaux, celles relevant de la compĂ©tence concurrente et celles relevant de la compĂ©tence exclusive du pouvoir central. ConcrĂštement, la nouvelle constitution institue deux niveaux de pouvoirs, le pouvoir central et le pouvoir provincial ; Dans l’entre temps, elle indique trois acteurs publics manifestement dotĂ©s de la personnalitĂ© juridique et de la libre administration, Ă  savoir la Province, le Pouvoir Central et l’EntitĂ© Territoriale DĂ©centralisĂ©e qui constitue une collectivitĂ© « autonome» au mĂȘme titre que la Province (article 3). A l’évidence, la constitution de 2006 procĂšde d’un rude compromis entre les partisans de l’Etat unitaire et les partisans de l’Etat fĂ©dĂ©ral. Ce vieux dĂ©bat divise les Congolais depuis 1960 et a produit quelques tentatives significatives en 1982–Loi Vundoawe- et en 1993 (Acte constitutionnel harmonisĂ©). S’il y avait du moins une certaine continuitĂ© dans le domaine, le Congo n’en serait pas Ă  l’édiction des nouvelles lois de dĂ©centralisation, mais Ă  des simples amendements contextuels.

2.2.6. Quelques nouvelles lois de dĂ©centralisation, sur onze prĂ©vues, ont Ă©tĂ© promulguĂ©es par Joseph Kabila, le Ier aoĂ»t 2009, et au dĂ©but de cette annĂ©e le Parlement congolais vient d’adopter, au mois de janvier dernier, celle relative aux subdivisions au sein des provinces qui viennent s’ajouter Ă  la panoplie de ces « chefs d’ouvre » de courte durĂ©e. Il s’agit de : la Loi n° 08/012/du 31 juillet 2008, portant principes fondamentaux relatifs Ă  la libre administration des Provinces ; la Loi organique n°08/015du 07 octobre 2008, portant modalitĂ©s d’organisation et de fonctionnement de la confĂ©rence des Gouverneurs de province ; la Loi organique n°08/016 du 07 octobre 2008, portant composition, organisation et fonctionnement des EntitĂ©s Territoriales DĂ©centralisĂ©es et leurs rapports avec l’Etat et les Provinces. Il convient d’ajouter Ă  ces textes de Lois, les textes rĂ©glementaires relatifs Ă  la mise en Ɠuvre de la dĂ©centralisation pris part le gouvernement : DĂ©cret n°08/06du 26 mars 2008, portant crĂ©ation d’un Conseil National de Mise en Ɠuvre et de suivi du processus de dĂ©centralisation en RDC ; l’ArrĂȘtĂ© d’organisation et de fonctionnement de la cellule Technique d’appui Ă  la dĂ©centralisation. La loi organisant la ConfĂ©rence des Gouverneurs institue les prĂ©sidents, Ier vice- prĂ©sident et 2Ăšme vice-prĂ©sident tous membre de l’exĂ©cutif et qui ne font pas partie des entitĂ©s dĂ©centralisĂ©es ; Les Gouverneurs dont on pense recueillir les avis se contentent du rĂŽle de secrĂ©taire/rapporteur ; Celle promouvant l’autonomie des provinces contient des dispositions attentatoires aux principes Ă©lĂ©mentaires de dĂ©centralisation du genre de l’interdiction faites aux entitĂ©s dĂ©centralisĂ©es de recourir Ă  l’emprunt extĂ©rieur. En ce qui concerne la multiplication de nouvelles provinces, probablement qu’elle ne se produira plus dans l’immĂ©diat, s’il faut considĂ©rer les derniers rebondissements. LĂ©galement on devrait partager le Congo en vingt six provinces dans trente six mois, Ă  datĂ© du 18 fĂ©vrier 2006.

Pourtant, le dĂ©coupage territorial envisagĂ© par la RD Congo devrait ĂȘtre ressenti comme une opportunitĂ© car offre des avantages si l’on prend en compte les dimensions continentales de du pays qui se situent Ă  2.345.410 KmÂČ, estime, le sĂ©nateur Jacques Mbadu Nsitu, ancien gouverneur du Bas-Congo, qui avait fait une importante restitution devant les dĂ©putĂ©s et les sĂ©nateurs un certain lundi 8 octobre 2008″ dans un exposĂ© intitulĂ© : “ProblĂ©matique du dĂ©coupage territorial de la RDC : OpportunitĂ© et avantages – faiblesses – avis et considĂ©rations ” Il affirme que plusieurs pays, moins vastes que le nĂŽtre, ont recouru Ă  cette technique pour une meilleure gestion de leur espace national. A titre d’exemple, il cite : La France qui, avec 550.000 KmÂČ, environ quatre fois moins que la RDC, est dĂ©coupĂ©e en plus ou moins 100 DĂ©partements ou provinces, en 341 Arrondissements ou territoires, en 4.039 Cantons ou Secteurs/Chefferies et en 36.783 Communes ou Groupements. L’Allemagne qui, avec 357.050 KmÂČ, environ sept fois moins que la RDC, moins vaste que la province de l’Equateur qui mesure (403.282 KmÂČ), est pourtant dĂ©coupĂ©e en 16 RĂ©gions/LĂ€nder ou Provinces, en 26 Districts ou Territoires et en 16.127 Communes (Secteurs ou Chefferies). Vu sous cet angle, dit-il, la DĂ©centralisation a l’avantage de rapprocher l’administration de l’administrĂ©, d’associer les communautĂ©s de base dans la gestion de la citĂ© Ă  travers des organes Ă©lus, dotĂ©s des pouvoirs spĂ©cifiques propres dans des matiĂšres telles que dĂ©finies dans la Constitution. Il indique, par ailleurs, que la province Orientale actuelle, la plus vaste de la RD Congo avec ses 503.293 KmÂČ, est aussi vaste qu’un pays comme l’Espagne et dĂ©passe de loin le Cameroun (475.442 KmÂČ) et la SuĂšde (449.964 KmÂČ). Les Provinces du Katanga et de l’Equateur, avec respectivement 496.877 KmÂČ et 403.282 KmÂČ, sont de loin plus Ă©tendues que : le Japon (377.801 KmÂČ); la CĂŽte d’Ivoire (322.462 KmÂČ) et l’Italie (301.278 KmÂČ). Le Bandundu, qui a 295.580 KmÂČ, supplante le Royaume Uni (244.100 KmÂČ) et la Roumanie (237.500 KmÂČ).Le KasaĂŻ Oriental, le KasaĂŻ Occidental et le Maniema, avec respectivement 169.886 KmÂČ, 156.967 KmÂČ et 132.250 KmÂČ de superficie sont plus vastes que les pays suivants : la CorĂ©e du Nord (120.538 KmÂČ) ; la CorĂ©e du Sud (99.221 KmÂČ) et le Portugal (92.072 KmÂČ). Le Sud-Kivu, le Nord-Kivu et le Bas-Congo avec respectivement 69.130 KmÂČ, 59.483 KmÂČ et 53.920 KmÂČ dĂ©passent largement les Pays-Bas (34.182 KmÂČ) ; la Suisse (41.418 KmÂČ) et la Belgique (30.518 KmÂČ). La ville de Kinshasa est, avec ses 9.965 KmÂČ, 3 fois plus Ă©tendue que le Luxembourg (2.586 KmÂČ).

2.2.7. Avec toutes ces donnĂ©es, conclut-il, on ne pourrait que soutenir l’opĂ©ration du dĂ©coupage en RD Congo qui, Ă  mes yeux, est une opportunitĂ©, car elle vise Ă  corriger la situation qui fait de la RD Congo un pays aux provinces trop vastes, difficilement administrables et a l’avantage de rapprocher les gouvernĂ©s des gouvernants. Toutefois, cette opportunitĂ©, prĂ©sente des faiblesses dans la mesure oĂč le dĂ©coupage projetĂ© a pour socle la transformation des anciens Districts en Provinces, exceptĂ© le Bas-Congo. On a l’impression que l’on n’a pas tenu compte des critĂšres objectifs de viabilitĂ© des nouvelles provinces Ă  crĂ©er. En effet, il n’y a eu ni recensement des populations, ni consultation prĂ©alable des populations concernĂ©es, ni inventaire des ressources disponibles dans chaque province Ă  crĂ©er, ni consolidation du sentiment du vouloir-vivre collectif, ni formation des experts et animateurs de la Territoriale. Bien plus, on n’a pas non plus tenu compte des infrastructures administratives disponibles et insuffisantes; du redĂ©ploiement des fonctionnaires ; des moyens financiers Ă  mobiliser pour appliquer la dĂ©centralisation; des textes rĂ©glementaires Ă  adopter; du renfoncement des capacitĂ©s de gestion Ă  la base. Cela a pour consĂ©quence que, certaines provinces Ă  crĂ©er manquent presque de tout. On peut se demander alors si le seul critĂšre qui consiste Ă  faire des anciens Districts des provinces suffit pour asseoir le dĂ©coupage territorial ? MĂȘme lĂ , il y a Ă  redire dans la mesure oĂč la province Orientale, la plus vaste des 11 Provinces du pays, ne sera dĂ©coupĂ©e qu’en quatre provinces. Le Katanga, avec une superficie de 496.877 KmÂČ et 8.949.000 habitants, n’alignera que quatre provinces alors que celle de l’Equateur avec 403.292 KmÂČ et 6.414.000 habitants en disposera cinq. L’actuelle province de Bandundu, avec 295.580 KmÂČ et 7.018.000 habitants, ne sera subdivisĂ©e qu’en trois provinces au mĂȘme titre que le KasaĂŻ Oriental deux fois moins Ă©tendu (169.886 KmÂČ et 5.421.000 habitants). La superficie de la nouvelle Province du KasaĂŻ Oriental créée avec ses 9.481 KmÂČ, est moins Ă©tendue que la ville-province de Kinshasa qui a 9.965 KmÂČ et entre plus de 5 fois dans la Province actuelle du Bas-Congo qui, elle, a 53.920 KmÂČ. D’autre part, la configuration de certaines nouvelles provinces créées repose sur des critĂšres purement ethniques. Certains cas ne manquent pas d’intĂ©rĂȘt. Il s’agit notamment des provinces ci-aprĂšs : le KasaĂŻ Oriental est exclusivement pour les Baluba ; le Kabinda pour les Basonge ; le Sankuru pour les Batetela ; le KasaĂŻ Central pour les Lulua ; le Nord-Oubangi pour les Ngbandi et j’en passe 
Comme on le voit, si le dĂ©coupage est une opportunitĂ© et offre des avantages Ă  mĂȘme de favoriser le dĂ©veloppement en RD Congo, cette projection ne semble pas rĂ©gler la problĂ©matique de la gestion territoriale du pays, au contraire, elle crĂ©e plus des problĂšmes qu’elle n’en rĂ©sout. Ce qui est sĂ»r, c’est que dans la mesure oĂč l’on n’a pas pris en compte des critĂšres objectifs pour dĂ©couper certaines provinces, il va inĂ©vitablement se poser des problĂšmes dans l’application du processus.

2.2.8. Concernant les enjeux de la rĂ©forme de dĂ©centralisation et le dĂ©coupage administratif et territorial, on en retient gĂ©nĂ©ralement trois majeurs, Ă  savoir : a. La stabilisation du systĂšme politique et administratif ; b. La dynamisation des Ă©conomies locales : c. L’enjeu socioculturel qui se situe au niveau de la reconnaissance des initiatives individuelles et de groupe, de la valorisation des ressources humaines, du savoir et du savoir-faire au niveau local.

A cet Ă©gard, le pr. Kabeya Tshikuku, de la RD Congo, dans un article trĂšs fouillĂ©, dĂ©monte un Ă  un les spĂ©cieux arguments avancĂ©s selon lesquels, au Congo, on veut, avec ses nouvelles lois sur le dĂ©coupage administratif, rapprocher l’administration de l’administrĂ© ou que c’est dans le but de responsabiliser la base sur la question de dĂ©veloppement que l’on procĂšde Ă  la dĂ©centralisation et me permet ainsi de conclure mon dĂ©veloppement Ă  ce sujet. En effet, partant de l’exemple du KasaĂŻ Oriental dĂ©coupĂ© en trois provinces, il affirme, je le cite : « Une province n’épanouit pas les citoyens en vertu de la localitĂ© choisie pour hĂ©berger son administration. Mais bien grĂące Ă  la qualitĂ© des hommes et des peuples qui l’habitent, et Ă  la quantitĂ© des ressources. Et davantage grĂące au vouloir-vivre ensemble qui anime les individus et les communautĂ©s. Enfin, grĂące Ă  l’expĂ©rience et Ă  la compĂ©tence des dirigeants, et grĂące Ă  l’énergie imaginative de ces derniers». Il poursuit en affirmant que l’on va, avec ce dĂ©coupage territorial, vers plus de dĂ©tresse, car les dĂ©fis sont lĂ©gion et-en retient une demi-douzaine, Ă  savoir : « i) rĂ©surgence du rĂ©flexe identitaire partout, ii) hypothĂšque sur la paix civile dans l’ensemble du pays, iii) recrudescence de la sensibilitĂ© aux inĂ©galitĂ©s, iv) fragmentation de l’espace Ă©conomique et perte des Ă©conomies d’échelles, v) exiguĂŻtĂ© des provinces comme espaces de dĂ©veloppement, et vi) coĂ»t Ă©levĂ© d’interminables dĂ©mĂ©nagements et emmĂ©nagements des administrations et des individus ». Son atterrissage est assez Ă©loquent, je le cite Ă  nouveau : « À la lumiĂšre des exigences financiĂšres et managĂ©riales du prochain dĂ©coupage administratif, l’impression tend Ă  s’imposer que cette opĂ©ration est simplement un rĂȘve inaccessible ». Fin de citation. Aux derniĂšres nouvelles, sa prĂ©diction, comme relever plus haut, est entrain de se confirmer.

2.3. Enjeux et défis de la nouvelle organisation politique, territoriale et administrative et de la décentralisation en RD Congo[3]

2.3.1. Le Dialogue de Sun City Ă  vocation de mettre en place un nouvel ordre politique et institutionnel avait eu pour, entre autres missions, de rĂ©soudre le conflit rĂ©gional en RDC, dans sa double dimension africaine et congolaise; ce qui comportait l’exigence de refondation de l’Etat et de la RĂ©publique autrement que par le passĂ©, sur une nouvelle rĂ©partition des compĂ©tences administratives en complĂ©ment de celle commencĂ©e, en 1982, au Kivu. Naturellement, le nouvel Etat post Ă©lectoral ne serait souverain et ne garantirait le renforcement de l’UnitĂ© et de la SolidaritĂ© nationale que si le pouvoir d’Etat Ă©tait prĂ©alablement re territorialisĂ©, Ă©tant donnĂ© que les guerres d’agression et les rĂ©bellions armĂ©es avaient rĂ©ussi Ă  dĂ©coupler le territoire gĂ©ographique du pouvoir d’Etat, partition nĂ© et dĂ©pendant du rapport des forces de belligĂ©rance.

2.3.2. La DĂ©centralisation pour gĂ©rer ce nouveau contexte politique national ne se dĂ©finirait pas seulement comme un mode d’organisation et de gestion administrative de l’Etat par transfert, dĂ©lĂ©gation Ă  une collectivitĂ© publique locale ou Ă  un organisme spĂ©cialisĂ©, d’une partie de ses pouvoirs dans certaines matiĂšres[4]. Elle devrait et doit intĂ©grer le besoin de la reconstruction d’une nouvelle configuration territoriale interne par le devoir d’une paix institutionnelle impossible dans les conditions de carence d’Etat, de dilution de la souverainetĂ© nationale et du danger de partition de fait de la nation. Ce qui ne signifie nullement morcellement et ghettoĂŻsation, mais rationalisation du dĂ©coupage et fĂ©dĂ©ration des territoires en vue d’affronter efficacement les nouveaux dĂ©fis occasionnĂ©s par les crises dont question plus haut.

2.3.3. La dĂ©centralisation, Ă  cet Ă©gard, serait avant tout un processus de refondation, mieux de reconstruction de l’Etat et de la nouvelle rĂ©publique. La dĂ©centralisation devrait dĂšs lors traduire la vision d’une gouvernance stratĂ©gique de paix, c’est-Ă -dire ĂȘtre une politique au service d’une grande ambition de rĂ©appropriation par les congolais de leur destin national. Un tel dessein politique ne se rĂ©aliserait que par l’invention d’un nouveau systĂšme de gouvernance politique globale construisant son efficacitĂ© sur sa capacitĂ© de rĂ©soudre pacifiquement dĂ©sormais les problĂšmes de fond et les crises sociĂ©tales, de fonder sa force sur sa capacitĂ© de tirer les leçons de toute l’histoire tumultueuse et de bĂątir l’avenir institutionnel national sur sa capacitĂ© de prĂ©vention et de la volontĂ© de contrer Ă  jamais des menaces Ă  sa paix et Ă  sa sĂ©curitĂ© par ses propres efforts.

2.3.4. La dĂ©centralisation ainsi stratĂ©giquement perçue aurait pour but avouĂ© de participer Ă  la construction de la puissance nationale par une gouvernance Ă  objectif de dĂ©colonisation et de libĂ©ration de l’espĂ©rance nationale de la pesanteur coloniale qui aura rĂ©ussi Ă  rendre infructueuses toutes vellĂ©itĂ©s de rĂ©forme. Si les institutions politiques ont l’air de fonctionner en RD Congo, il n’apparaĂźt pas encore des ruptures avec les logiques de pouvoir du passĂ© mobutien et de la transition de partage du pouvoir pour le pouvoir; et la nation en tant que SociĂ©tĂ© civile ne connaĂźt aucun dynamisme; dans tous les cas, l’exhibitionnisme politique des vainqueurs des Ă©lections dĂ©mocratiques rime trop bien avec les avatars de l’immobilisme institutionnel atavique.

2.3.5. La nouvelle division territoriale et administrative en RD Congo aurait eu pour visĂ©es de rĂ©ussir la reterritorialisation du pouvoir par une plus grande participation citoyenne Ă  la dĂ©fense du territoire; une modalitĂ© de contrĂŽle de gestion de nos frontiĂšres internationales par l’Ă©veil de l’esprit de la dĂ©fense nationale, en mĂȘme temps que la dĂ©mocratie recherchĂ©e devrait fonctionner comme un impĂ©ratif de dĂ©fense et non une simple redistribution du pouvoir. Il se serait agit d’une dĂ©mocratie alternative d’échelles et endogĂšne, Ă©pousant les contours d’une sociĂ©tĂ© multiethnique fragmentĂ©e. Pour cela, l’on devrait Ă©largir la base de la reprĂ©sentation sociologique au dĂ©bat politique, faire bouger les lignes des « enjeux fondateurs » des crises, dĂ©mocratiser les processus de transformation et procĂ©der Ă  une sorte de droit d’inventaire en vue d’une rĂ©conciliation consciente, pour espĂ©rer instaurer un jour une vĂ©ritable dĂ©mocratie authentique en RD Congo.

2.3.6. L’objectif mĂȘme du dĂ©veloppement national dont l’impulsion ou les centres d’impulsion viendrait de la base nous oblige Ă  une gouvernance Ă©conomique qui s’assure de notre capacitĂ© Ă  demeurer une Ă©conomie libre dans le nouveau contexte de la mondialisation – rĂ©gionalisation. Comment Ă©conomiquement nous autodĂ©terminer lorsque l’espace national se trouve insĂ©rĂ© dans l’espace rĂ©gional et dans l’espace mondial en l’absence sur le territoire des espaces nationaux de promotion de l’Ă©conomie rĂ©gionale et de l’Ă©conomie mondiale? Je rejette le message Ă©conomique de la guerre d’agression et des rĂ©bellions armĂ©es consistant Ă  partager nos ressources avec nos voisins et de crĂ©er avec eux des espaces ou zones de croissance et de prospĂ©ritĂ© communes sans rĂ©elle mise en commun des ressources et de destins, tel qu’il a Ă©tĂ© relayĂ© par une certaine opinion ; mais je pense plutĂŽt qu’on peut effectivement rĂ©gionaliser notre Ă©conomie nationale. Cela n’irait pas sans emprise sur l’accentuation confirmĂ©e de l’Ă©conomie informelle, Ă©conomie de rĂ©sistance, sans laquelle le dĂ©peuplement du Congo aurait Ă©tĂ© accĂ©lĂ©rĂ©, et, dont les maillons forts pourraient ĂȘtre transformĂ©s en petites et moyennes entreprises viables et fiscalisables.

2.3.7. La participation politique des populations locales au processus de dĂ©centralisation suppose avant tout l’engagement Ă  renoncer au rĂ©gime d’accumulation du pouvoir pour le pouvoir Ă  la base, de la tendance confirmĂ©e Ă  la tyrannie de la majoritĂ© et au pouvoir personnel ou Ă  la dictature des oligarques/vainqueurs des Ă©lections et des rĂ©gimes de reprĂ©sentations. Ce dĂ©sengagement politique doit se faire au profit d’un nouveau projet national de gouvernance dĂ©centralisĂ©e et dĂ©mocratique qui suppose la croissance politique et institutionnelle des partis politiques; la dĂ©localisation du combat politique du centre vers la base et la dĂ©multiplication des espaces publics ; une rĂ©elle autonomie administrative et financiĂšre des entitĂ©s dĂ©centralisĂ©e et l’institution d’une pratique diversifiĂ©e de consultation politique et d’association Ă  la gestion de la chose publique des forces nationales compĂ©tentes de toute la nation en vue d’une capitalisation au maximum du potentiel national.

2.3.8. Le contexte confus et particulier du dĂ©roulement des rĂ©centes Ă©lections en R.D.Congo, la tyrannie de la majoritĂ© prĂ©sidentielle dans la quasi-totalitĂ© des organes dĂ©libĂ©rants tant nationaux que provinciaux, me confortent dans la conviction selon laquelle l’objectif premier de l’organisation politique, territoriale et administrative n’a pas Ă©tĂ© atteint, et il ne le sera pas pour si tĂŽt, au vu de la dĂ©rive autocratique qui s’instaure dans mon pays. La question du dĂ©veloppement est aussi battue en brĂšche, vu les agendas cachĂ©s et l’approche politicienne adopter pour dĂ©centraliser le Congo, et surtout, si l’on tient compte des relents de re centralisation affichĂ©s de maniĂšre ostentatoire par le pouvoir central de Kinshasa.

2.4. Quelle perspective pour la décentralisation congolaise ?

2.4.1. A mon avis, il est impĂ©ratif qu’au-delĂ  des dispositions juridiques en cours et envisagĂ©es, des mĂ©canismes techniques et des instruments managĂ©riaux plausibles soient, au prĂ©alable, implĂ©mentĂ©s Ă  la base afin de tĂ©moigner de cette volontĂ© politique de reconnaĂźtre le pouvoir de dĂ©cision et de gestion aux collectivitĂ©s locales. En plus, il est de bonne aloi que l’expĂ©rience du dĂ©coupage de l’ancien Kivu soit Ă©valuĂ©e avant de se lancer dans une nouvelle aventure.

2.4.2. L’on devrait, par ailleurs, conformer impĂ©rativement, en matiĂšre d’approche et non de modĂšle, le processus en cours aux standards internationaux Ă©prouvĂ©s, et dissiper, en amont, les faiblesses institutionnelles et organisationnelles que recĂšlent les structures Ă©tatiques et territoriales en vigueur. La dissipation des faiblesses du cadre institutionnel et organisationnel en place en R.D.C, consiste en :
a. niveau institutionnel :
– la prĂ©sence des entitĂ©s territoriales peu viables (citĂ©s, territoires, communes urbaines)
– la carence des organismes d’accompagnement de la dĂ©centralisation, une sorte de conseil national de dĂ©veloppement des collectivitĂ©s locales, des intercommunaux etc ;
– conflits de compĂ©tences entre villes, communes et territoires ;
-faible participation de la population Ă  la gestion provinciale et locale Ă  travers les organisations communautaires de base et enfin ;
-faiblesses sur le plan de l’exercice des contrĂŽles de lĂ©galitĂ©, de contrĂŽle budgĂ©taire et de contrĂŽle dĂ©mocratique.
b. niveau organisationnel :
– les faiblesses concernent la gestion administrative, la disponibilitĂ© du personnel qualifiĂ© et la modicitĂ© des budgets des collectivitĂ©s locales dues Ă  la rigiditĂ© de la fiscalitĂ© locale ; l’absence de formation, de la coordination et le manque des agences spĂ©cialisĂ©es ; la rĂ©ticence et la rĂ©sistance du gouvernement central Ă  mettre en place une vĂ©ritable dĂ©centralisation ou un systĂšme vĂ©ritablement fĂ©dĂ©ral et Ă  laisser les collectivitĂ©s jouer pleinement leur rĂŽle en matiĂšre de planification, de gestion et de suivi des activitĂ©s dont les compĂ©tences leur ont Ă©tĂ© formellement transfĂ©rĂ©es.

En plus des faiblesses organisationnelles et institutionnelles ci-dessus, il y a aussi les carences du cadre provincial de pilotage et de coordination des politiques de dĂ©veloppement, de gestion et de coordination des aides et celle du systĂšme d’information statistiques, qu’il faudrait solutionner.
Il est aussi indispensable d’adopter une approche interactive globale ainsi qu’une stratĂ©gie « Bottom-up », Ă  mĂȘme de produire des rĂ©sultats directement palpables, au lieu d’utiliser la procĂ©dure « Top down » en vigueur. Bref, il faut manager le processus en cours, au lieu de le gĂ©rer par dĂ©crets et directives intempestifs du pouvoir central. Si non, le processus de dĂ©centralisation en cours et le dĂ©coupage territorial projetĂ©, en RDC, seraient, dans ce sens, une entorse aux principes Ă©lĂ©mentaires de management.

2.5. Recommandations, stratégie et actions à mener

La restructuration dans le cadre de l’administration du territoire envisagĂ©e dans le cadre de la restauration de l’autoritĂ© de l’Etat, du maintien de l’ordre, de la garantie et de la protection des droits humains fondamentaux, de la protection des minoritĂ©s et de la satisfaction des besoins des administrĂ©s par les services publics, ainsi que de la rĂ©forme administrative passe la stratĂ©gie d’institutionnalisation des structures et la gĂ©nĂ©ralisation de la Commune de maniĂšre Ă  supprimer la dichotomie monde urbain-monde rural . Il faudrait en plus opĂ©rer des rĂ©formes structurelles et fonctionnelles susceptibles de confĂ©rer une souplesse suffisante Ă  l’organisation du territoire de la R.D.Congo.

a. Stratégie :

1. Institutionnaliser, autonomiser et démocratiser le processus de décentralisation ;

2. Budgétiser et intégrer la décentralisation dans les programmes socio économiques pluri annuels de développement ;

3. Redéfinir clairement les missions dévolues au MinistÚre ayant en charge les affaires Intérieures et opérer une révision conséquente de ses structures organiques politiques, administratives et spécialisées ;

4. ProcĂ©der Ă  une institutionnalisation relative des structures organiques au sein de six coordinations ayant titre de « SecrĂ©tariat GĂ©nĂ©ral » ou « Direction GĂ©nĂ©rale ». Dans la seconde alternative, la coordination sera assurĂ©e par un ou deux SecrĂ©taires GĂ©nĂ©raux. Il s’agira de :a). la Direction GĂ©nĂ©rale des affaires politiques (DGAP) ; b). la Direction GĂ©nĂ©rale des Organismes spĂ©cialisĂ©s du maintien de l’ordre (OSMO) ; c). la Direction GĂ©nĂ©rale de l’Administration du Territoire (DGAT) ; d).la Direction GĂ©nĂ©rale des EntitĂ©s Administratives dĂ©centralisĂ©es (EAD) ; e). la Direction GĂ©nĂ©rale de la fonction publique Territoriale (FPT) ; F) Inspection GĂ©nĂ©rale de l’Administration Territoriale (IT) ;

5. Mettre sur pieds une Fonction Publique Territoriale qui aura pour vocation de rapprocher l’Administration Publique et le Service Public des administrĂ©s, de gĂ©rer et de protĂ©ger le personnel de carriĂšre des services publics de l’Etat, particuliĂšrement les agents de l’autoritĂ© affectĂ©s dans les provinces ;

6. Renforcer la capacitĂ© et l’efficacitĂ© des services publics des collectivitĂ©s locales (citĂ©s, chefferies, secteurs) et les communes qui correspondent Ă  un groupement national des citoyens unis par une communautĂ© d’aspirations et tire sa force de son unitĂ© sociologique constituant ainsi le meilleur instrument de la dĂ©centralisation ;

5. Promouvoir de la « RĂ©gion â€șâ€ș EntitĂ© Economique DĂ©centralisĂ©e (E.E.D) comme instrument de l’amĂ©nagement du Territoire ;

7. Promouvoir la compĂ©titivitĂ© universelle dans les villes sur base d’une part, d’une justification quantitative suite Ă  la croissance dĂ©mographique assez gĂ©nĂ©rale des espaces urbains et d’autre part , d’une justification qualitative par la rĂ©forme administrative, les lois de dĂ©centralisation, la rĂ©vision du concept lĂ©gal de la ville, les lois de dĂ©mocratisation ou de fĂ©dĂ©ralisation, l’évaluation Ă©conomique gĂ©nĂ©rale, l’évaluation du rĂŽle de l’Etat, les rĂ©glementations mondiales, continentales, nationales, l’internationalisation ou la mondialisation des affaires
qui ont gĂ©nĂ©rĂ© une vĂ©ritable réévaluation faisant ou nĂ©cessitant que les collectivitĂ©s urbaines deviennent des acteurs autonomes de la vie Ă©conomique. Cette autonomie des acteurs ne peut se concrĂ©tiser que par une mise en compĂ©tition Ă©conomique des villes du monde ;

8. DĂ©localiser la tutelle et les mĂ©canismes des voies hiĂ©rarchiques et relativiser le principe de l’unitĂ© de commandement ;

9. Revoir impĂ©rieuse de l’échelle structurelle de l’organisation territoriale et procĂ©der au regroupement harmonieux des espaces gĂ©ographiquement contigus ;

10. RedĂ©ployer Ă  la base les effectifs, ainsi que les matĂ©riels et Ă©quipements; Dans cet ordre d’idĂ©es, les cadres de commandement relĂšveraient, comme pour la Fonction Publique, de l’Administration centrale, tandis que les autres dĂ©pendraient de l’Administration provinciale. On peut aussi envisager simplement la mise sur pied d’une Fonction Publique Territoriale.

11. RĂ©habiliter le management gestationnel au sein de l’Administration de l’Etat et de la territoriale et formaliser les circuits ainsi que les procĂ©dures de traitement des dossiers et de l’information ;

12. RĂ©instaurer ou Redynamiser les institutions judiciaires et administratives de proximitĂ©, de contrĂŽle de conformitĂ©, de rĂ©gularitĂ© et juridictionnel (ex : Cour des Comptes, Conseil d’Etat, Conseils SupĂ©rieurs de discipline, Tribunaux administratifs, Conseil Economique et Social
).

a. Actions à entreprendre et réformes à opérer :

Comme actions Ă  entreprendre, il faudra :

1. revoir et actualiser le cadre juridique en vigueur pour mettre fin aux lois actuelles en tenant compte du contenu des compétences et des objectifs stratégiques des responsables des Entités de base (=décentralisées) ;

2. réduire le nombre des Entités décentralisées pour dissiper les désordres, les conflits de compétences, surtout en matiÚre fiscale, et concentrer les efforts sur les échelons utiles ;

3. revaloriser le statut de la Ville, de la Commune et de la citĂ© pour en faire une base rĂ©elle d’imposition. Mutatis Mutandis avec les RĂ©gions et les CollectivitĂ©s locales


4. Mettre sur pied une Ecole d’Administration en vue de la formation en cours d’emplois au profit du personnel politico administratif dans les domaines de gestion, de fiscalitĂ©, du droit administratif, du code pĂ©nal, de l’Administration des Projets , du processus dĂ©cisionnel, du Commerce, des travaux publics, etc.. ;

5. Eriger une administration provinciale et locale propres avec une carriĂšre spĂ©cifique et bien organisĂ©e, basĂ©e sur l’emploi et non plus sur la carriĂšre ;

6. Elaborer des programmes pluriannuels d’équipement et d’amĂ©nagement local du Territoire ;

7. Allouer aux Entités locales des moyens de transport et de communication adéquats ;

8. revaloriser les carriĂšres publiques locales par l’engagement (=recrutement) de personnes qualifiĂ©es et réévaluer les salaires des Fonctions Publiques locales ;

9. AmĂ©liorer la collecte des ressources locales par la simplification du systĂšme fiscal local (= rĂ©duction de la nomenclature des taxes provinciales et locales) pour se concentrer sur un canevas des taxes essentielles et productives, une discrimination devant ĂȘtre, cependant, opĂ©rĂ©e sur une palette d’autres taxes secondaires qui pourront rĂ©pondre aux spĂ©cificitĂ©s de telle ou telle autre entitĂ© ;

10. Appliquer le coefficient de progression pour opérer la redistribution entre les ménages riches et les ménages pauvres ;

11. AmĂ©liorer l’élasticitĂ© des recettes locales par l’introduction du systĂšme des taxes a valorem de maniĂšre Ă  faire correspondre les recettes locales aux Ă©volutions Ă©conomiques et Ă  celle du pouvoir d’achat du contribuable ;

12. RĂ©organiser l’impĂŽt financier en vue de tirer profit de sa validitĂ© Ă©conomique, surtout en milieu urbain ;

13. Mettre sur pieds une Caisse Nationale de péréquation pour assister les Entités non pourvues ;

14. CrĂ©er les institutions financiĂšres de crĂ©dits et lĂ©galiser les mĂ©canismes des prĂȘts aux conditions favorables pour permettre aux EntitĂ©s de base de financer convenablement leurs projets de dĂ©veloppement et ce, dans le contexte d’une autonomie lĂ©gale et juridique.

III. CONCLUSION

Ma dĂ©marche n’est pas de faire l’apologie d’un type d’organisation par rapport Ă  l’autre ni d’idĂ©aliser la pĂ©riode prĂ© coloniale vers laquelle on se retournerait tĂȘte baissĂ©e ; Mais, aprĂšs cinquante ans d’existence, on est en droit d’exiger un « droit d’inventaire »; Droit d’inventaire de ceux qui ont prĂ©tendu apporter la civilisation ou simplement la modernitĂ© aux indigĂšnes du Congo; Droit d’inventaire aussi des congolais eux-mĂȘmes qui ont voulu de l’indĂ©pendance ou de l’émancipation en vue d’ériger au cƓur de l’Afrique, un Etat de droit ou un Etat tout court.

Concernant le cinquantenaire africain, Mbembe Achille estime, je le cite: Nous voici donc en 2010, cinquante ans aprĂšs la dĂ©colonisation. Y-a-t-il vraiment quoi que ce soit Ă  commĂ©morer ou faut-il au contraire tout reprendre ? Restauration autoritaire par-ci, multipartisme administratif par lĂ , ailleurs maigres avancĂ©es au demeurant rĂ©versibles et, Ă  peu prĂšs partout, niveaux trĂšs Ă©levĂ©s de violence sociale, voire situations d’enkystement, de conflit larvĂ© ou de guerre ouverte, sur fonds d’une Ă©conomie d’extraction qui, dans le droit fil de la logique mercantiliste coloniale, continue de faire la part belle Ă  la prĂ©dation. Globalement, les choses sont donc plutĂŽt bloquĂ©es, surtout en Afrique francophone oĂč, les manipulations Ă©lectorales et les successions de pĂšre en fils aidant, l’on peut dire que l’on vit, de facto, sous des chefferies masquĂ©es. Si les Africains veulent la dĂ©mocratie et de bonnes dispositions lĂ©gales, je presqu’envie d’ajouter, si les congolais veulent de la dĂ©centralisation et des bonnes dispositions lĂ©gales, c’est Ă  eux d’en payer le prix. Personne ne le paiera Ă  leur place. Ils ne l’obtiendront pas non plus Ă  crĂ©dit. Ils auront nĂ©anmoins besoin de s’appuyer sur de nouveaux rĂ©seaux de solidaritĂ© internationale, une grande coalition morale en dehors des États – la coalition de tous ceux qui croient que sans sa part africaine, notre monde dĂ©cidĂ©ment sera plus pauvre encore en esprit et en humanitĂ©.

Fort de cette prĂ©diction de Mbembe, je termine donc mon analyse par une note d’optimisme en paraphrasant Antoine de Saint-ExupĂ©ry, je cite : « la vĂ©ritĂ© de demain se construit avec les erreurs d’hier ». Fin de citation. Aux compatriotes congolais, je dis aussi : intĂ©grons dans toute nouvelle dĂ©marche la correction des erreurs d’hier.

Diaspora Kongolaise en marche pour une révolution historique