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-Le gouvernement de la République démocratique du Congo (RDC) a affirmé, mardi 5 novembre au matin, avoir obtenu une “victoire totale” sur la rébellion du Mouvement du 23 mars (M23) dans le Nord-Kivu, région isolée de l’est du pays où la rébellion était née en avril 2012.
Ses dernières poches de résistance, situées dans les localités de Chanzu et de Runyonyi, ont été enlevées par les Forces armées de RDC (FARDC), a annoncé le ministère de la communication. “Ils ont brûlé 42 véhicules et leurs dépôts de munitions ; ils se sont dispersés dans tous les sens, chacun pour soi et Dieu pour tous. Les combats ont duré toute la nuit”, a précisé un officier des FARDC.
La direction du M23, née de la mutinerie d’anciens rebelles – essentiellement tutsis et s’appuyant sur les populations rwandophones locales – qui avaient été réintégrés dans l’armée trois ans plus tôt, a annoncé dans la matinée qu’elle abandonnait la lutte armée dès ce jour. Elle affirme vouloir poursuivre, “par des moyens purement politiques, la recherche des solutions aux causes profondes qui ont présidé à sa création”. Le commandant des FARDC pour le Nord-Kivu, le général Lucien Bahuma, se montrait cependant prudent, refusant de confirmer pour l’heure le départ des dernières troupes rebelles.
Selon le gouverneur régional, Julien Paluku, le chef militaire des rebelles Sultani Makenga aurait fui vers le Rwanda. L’ONU a accusé de nombreuses fois ce pays, ainsi que l’Ouganda voisin, de soutenir la rébellion. Kigali et Kampala ont toujours démenti. Le Rwanda et l’Ouganda ont fait l’objet d’intenses pressions diplomatiques, notamment américaines, pour que leur soutien cesse. La chute du M23 pourrait signifier que ses parrains l’ont finalement lâché.
La fin du M23 marque la première victoire de l’armée congolaise contre une rébellion importante depuis la fin de la sécession du Katanga, en 1963. A l’époque, l’intervention de troupes étrangères avait été décisive pour ramener dans le giron congolais cette riche province du sud-est du pays qui s’était séparée en 1960, au moment ou l’ancien Congo belge devenait indépendant.
Depuis, le Nord-Kivu, région riche en minerais, notamment en cassitérite (dont on tire l’étain) et en coltan, a été le foyer de multiples rébellions. C’est de là qu’était parti, en 1996, l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL) de Lauret-Désiré Kabila (père de l’actuel président, Joseph Kabila), qui, avec l’aide du Rwanda voisin, allait renverser l’année suivante la dictature de Mobutu Sese Seko.
Le Nord-Kivu a ensuite été l’épicentre de la grande guerre africaine de 1998 à 2003, impliquant une dizaines de pays sur tout le territoire congolais. Depuis lors, plusieurs groupes rebelles n’ont cessé d’agiter l’Est. Essentiellement composés de Tutsis congolais, ces mouvements se sont constitués en rempart contre les ex-génocidaires hutus rwandais des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) présents dans la région depuis 1994.
Ces dernières années, l’armée gouvernementale était surtout réputée dans la région pour son indiscipline, ses pillages contre les populations et son inefficacité. Elle s’était en partie restructurée après la prise, en novembre 2012 par les rebelles du M23, de Goma, la capitale régionale.
BOMBARDEMENTS DES CASQUES BLEUS
Depuis la prise, la semaine dernière, de Bunagana, leur fief et dernière place forte, à 80 km au nord de Goma, la capitale du Nord-Kivu, les rebelles s’étaient retirés sur trois collines des environs, dans les montagnes aux confins du Rwanda et de l’Ouganda, à près de 2 000 m d’altitude : Mbuzi, Runyonyi et Chanzu, d’où leur mouvement avait été lancé en avril 2012. Ils y comptaient entre 200 et 300 hommes samedi, selon les estimations.
Lire (édition abonné) : Les rebelles congolais du M23 reculent devant l’offensive de l’armée
Mbuzi est tombée lundi à la mi-journée, et, dans l’après-midi, des éléments de la brigade d’intervention de la Mission de l’Organisation des Nations unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (Monusco) se sont joints aux forces gouvernementales pour frapper les positions rebelles, après la mort de six civils tués par des chutes d’obus sur Bunagana. Deux hélicoptères sud-africains sont alors intervenus pour “tirer sur le centre de commandement identifié du M23″, informe une source au sein de la Monusco.
La Monusco, la plus importante mission de l’ONU dans le monde, est présente dans la région depuis 1999 et elle était jusque récemment, aux yeux de nombreux Congolais, synonyme d’inaction. Cette nouvelle brigade d’intervention en son sein, forte de 3 000 hommes, a été créée au printemps.
Chargés de combattre la quarantaine de groupes armés présents dans l’est de la RDC, ces casques bleus sud-africains, malawites et tanzaniens se sont servi de leurs armes. A la fin d’août, leurs hélicoptères d’attaque et leur artillerie avaient infligé de lourdes pertes aux rebelles du M23. Cependant, dans l’offensive lancée il y a dix jours, la Monusco assurait un soutien logistique au forces congolaises depuis le 25 octobre, jusqu’aux bombardements de lundi.
DIFFICILES POURPARLERS DE PAIX
Depuis décembre, rebelles et gouvernement avaient engagé des pourparlers à Kampala, sous l’égide de l’Ouganda. Mais ces discussions bloquaient depuis plusieurs semaines, essentiellement sur la question de l’amnistie dont pourraient bénéficier les rebelles. La RDC et les Nations unies refusent que celle-ci profitent aux responsables du M23 accusés de crimes de guerre, crimes contre l’humanité et autres violations graves des droits de l’homme.
Lire : Dans l’est du Congo, les viols comme armes de guerre
L’annonce du M23 répond à une exigence formulée quelques heures plus tôt par les dirigeants africains de la région réunis à Pretoria, en Afrique du Sud. A l’issue de ce sommet commencé lundi soir, les dirigeants des pays de de la région des Grands Lacs et de l’Afrique australe ont déclaré qu’un accord de paix pourrait être signé dans l’est de la RDC “à condition que le M23 effectue une déclaration publique par laquelle il renonce à la rébellion, à la suite de quoi le gouvernement effectuerait une déclaration publique d’acceptation”.
A la fin d’octobre, lors d’un discours annonçant à mots couverts l’offensive qui s’achève, le président congolais, Joseph Kabila, avait refusé toute idée d’amnistie pour ceux qu’il considère comme “des récidivistes impénitents “.
Avec Le Monde