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Les violences faites aux femmes, un sujet toujours tabou


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violence-Le monde se mobilise, ce mardi 25 novembre, à l’occasion de la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes. Filles des rues de République démocratique du Congo, victimes de violences domestiques en Afrique du Sud ou de mutilations génitales en Côte d’Ivoire : sur le continent africain, les abus sont multiples, mais restent peu dénoncés.

On évoque régulièrement les viols massifs commis dans l’est de la République démocratique du Congo – région secouée par des années de conflits. Mais dans la capitale, Kinshasa, les violences faites aux femmes sont également un vrai problème. Plus de 20 000 enfants atterrissent et vivent dans les rues de la capitale. Près d’un sur deux est une fille ; des jeunes filles mineures qui, pour 70% d’entre elles, subissent régulièrement des viols et sont maltraitées. Depuis 1999, l’ONG Médecins du monde a mis en place un programme d’aide et d’éducation sexuelle qui leur est destiné.

En RDC, le calvaire des filles des rues

Vêtue d’un vieux t-shirt et d’une jupe trop grande, micro en main, Cilia fait son show devant ses amies, hilares. Comme toutes les adolescentes du monde… sauf que toutes celles qui sont présentes vivent dans la rue. « J’ai quitté ma maison quand ma mère est partie en Angola. Mon père s’est remarié, mais avec ma belle-mère, ça n’allait pas », raconte Mado, 15 ans, l’une d’entre elles.

Célestine, 15 ans également, a une longue cicatrice sur le biceps, et les jambes marquées par des blessures. Elle raconte son quotidien depuis 3 ans : « Dans la rue, c’est difficile de trouver à manger. Tu risques toujours de te faire taper. Même si tu gagnes de l’argent en faisant des passes, les garçons peuvent te le prendre, et ils peuvent te violer comme ça. »

La plupart des filles qui viennent se laver ou se reposer dans ce centre de quartier ont fui des foyers en crise. Maltraitées par une belle-mère, ou abandonnées par un père, elles atterrissent dans la rue, se font violer et se prostituent pour survivre. Une activité difficile à abandonner, comme l’explique Liliane, chargée de leur accompagnement psycho-social : « Un enfant qui est habitué à se prostituer est indépendant. Il veut être libre. A la maison, il était insulté, maltraité, mais dans la rue, il a développé un autre système. Alors il veut se prendre en charge lui-même », explique Liliane, qui tâche de sensibiliser les jeunes femmes : « On leur montre qu’avec le préservatif, elles n’auront pas de grossesse, elles ne vont pas attraper de maladies. »

Le travail est lent et délicat, tant les filles quand elles arrivent, ne connaissent rien du Sida et du fonctionnement de leur corps. Mado, 15 ans, a accouché il y a trois mois : « Avant de venir au centre, je ne savais rien du Sida ou de l’ovulation. On m’avait juste dit que pendant les trois jours de règles, il ne fallait pas avoir de rapport, mais c’est tout. »

Aujourd’hui, Mado a un contraceptif sous forme d’implant pendant cinq ans. Mais des milliers d’autres n’ont pas cette chance. Depuis 15 ans, l’ONG Médecins du monde accompagne les filles des rues, et distribue préservatifs et méthodes contraceptives. Soixante centres d’accueil ont été montés à Kinshasa, mais seuls deux acceptent d’accueillir les filles enceintes, dans une société conservatrice et marquée par la religion.

En Côte d’Ivoire, des centres existants mais méconnus

À Abidjan, le centre de prévention et d’assistance aux victimes de violences sexuelles Pavvios se cache derrière la maison des jeunes d’Attecoubé. Ce centre, rattaché au ministère de la Solidarité, de la Famille, de la Femme et de l’Enfant, est méconnu. Il permet pourtant aux « survivantes », comme on les appelle ici, de trouver une aide précieuse, voire un dortoir en cas d’urgence.

Car en Côte d’Ivoire, les femmes sont parfois victimes de mutilations génitales et de violences conjugales, mais elles sont surtout touchées par les viols – un phénomène amplifié avec les années de crise. Des structures publiques et gratuites existent à Abidjan. « Nous prenons en charge le certificat médical, les produits pharmaceutiques et les examens que le médecin demande, détaille Jules Kouassi, chargé de la sensibilisation au centre Pavvios. Il y a aussi un psychologue, qui reçoit les victimes pour leur donner de l’assurance, pour qu’elles ne se sentent pas coupables. Nous avons reçu des enfants de deux ans ici, qui ont été violés. Il ne faut laisser cela impuni. »

C’est l’association des femmes juristes qui accompagne gratuitement les victimes dans les méandres des procédures. En Côte d’Ivoire, faute de Cour d’assises, le viol est correctionnalisé en « attentat à la pudeur ». Aimée Zebeyoux, la présidente de l’association, assure que les sanctions suivent. Mais le problème est le manque de dénonciations : « Dans les commissariats, les gens qui portent plainte n’ont pas d’assistance. Il y a un arrangement à l’amiable qui se fait, ce sont des sujets un peu tabous. » L’association intervient aussi à l’intérieur du pays – là où les violences basées sur le genre passent souvent inaperçues – à travers des cliniques juridiques.

En Afrique du Sud, des lois adaptées mais une application problématique

En Afrique du Sud, ce mardi 25 novembre marque le début d’une campagne de seize jours pour lutter contre ce fléau. Le pays détient le triste record du nombre de viols de femmes, mais également de petites filles. Face à l’augmentation de cette violence, de nombreuses Eglises se sont jointes à la campagne cette année. L’année dernière, plus de 46 000 viols ont été enregistrés par la police sud-africaine, mais le chiffre est probablement dix fois plus élevé. Par ailleurs, plus de 1000 femmes ont succombé à des violences domestiques.

Pour le révérend Lisubeng, ce fléau touche tout le monde : Blancs, Noirs, pauvres et riches, et détruit des familles entières. « Ces abus contre les femmes et les enfants n’arrivent pas simplement ailleurs : cela se passe dans nos Eglises. Nous connaissons certaines de ces femmes, ainsi que leurs maris, qui sont des membres de l’Eglise, assure le révérend Lisubeng.Une fois, une femme est venue vers moi, et m’a dit qu’elle servait de « punching-ball » à son mari. Beaucoup de ces femmes viennent me confier ce genre de choses. A ce rythme, elles vont finir par être tuées. »

La pauvreté et les inégalités expliquent partiellement ce niveau de violence. Mais pour le révérend Jessie, il y a aussi le poids d’une histoire mal digérée : « Je pense également que cela vient de l’apartheid. Je pense que nous n’avons pas encore digéré la colère provoquée par ce que nous a fait l’apartheid. Oui, il ya eu la commission vérité et réconciliation, mais je pense qu’on ne mesure pas à quel point l’apartheid nous a détruits en tant qu’êtres humains, que l’on soit Blancs ou Noirs. »

Absence de campagne nationale

Face à cette violence, les organisations de protection des femmes sud-africaines déplorent l’absence de campagne nationale. Pour l’activiste Nondumiso Nsibande, le gouvernement ne fait pas assez : « Il n’y a pas vraiment de volonté politique et de leadership pour résoudre ce problème de violences envers les femmes. Une campagne de sensibilisation de seize jours est lancée, mais nous pensons que cela devrait durer toute l’année. Il nous faut un plan national de lutte pour éradiquer la violence contre les femmes et les filles », estime l’activiste.

Nondumiso Nsibande estime que les lois sud-africaines sont adaptées, mais que c’est leur application qui est problématique : « La loi sur la violence domestique, par exemple, est très bien. Mais le problème, c’est que les postes de police ne sont pas équipés : ils n’ont pas de voitures pour aider les victimes, ou même simplement pour aller les chercher. Et puis il faut les former : souvent, quand une victime de violence domestique se présente au poste, on va lui dire qu’il faut régler ça à la maison, que c’est une affaire privée qui ne regarde pas la police. »

Ces violences ne sont pas une particularité du continent africain. En France, une femme décède tous les trois jours sous les coups de son compagnon. Chaque année, plus de 216 000 femmes y sont victimes de violences commises par leur partenaire. Seules 16% déposent plainte. Par ailleurs, toujours en France, 86 000 femmes rapportent avoir été victimes de viol ou de tentative de viol.

RFI
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