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RFI
Publié le 30-10-2018
Modifié le 30-10-2018 à 04:39
Une femme kamikaze est morte lundi 29 octobre après avoir visé une patrouille de police au cœur de Tunis. Quinze policiers et cinq civils ont été blessés dans un acte qui vient rappeler au pays la réalité de la menace terroriste.
C’est la première fois qu’une femme kamikaze se fait exploser en Tunisie et le premier attentat sur la très symbolique avenue Bourguiba. L’artère principale de Tunis, pourtant quadrillée par les forces policières, est encore ce mardi matin interdite à la circulation.
En déclenchant la charge explosive qu’elle portait sur elle contre une patrouille de police, une femme de Mahdia, qui aurait fêté aujourd’hui ses trente ans, a ravivé des démons que le pays croyait enfouis.
Le président de la République n’a pas hésité à parler de tragédie, reconnaissant un raté dans la lutte antiterroriste. « Nous avions cru avoir éradiqué le terrorisme, a déclaré Beji Caïd Essebsi, mais, a-t-il ajouté, ce terrorisme est toujours présent au cœur de la capitale. »
Depuis 2015, année des attentats de Sousse, du Bardo et de Tunis, qui ont fait plus de 70 morts, le pays pensait en avoir fini avec les attentats. Certes en juillet, six membres de la garde nationale sont morts lors d’une embuscade près de la frontière algérienne, mais les autorités qui maintiennent l’état d’urgence depuis 2015 semblaient assurer la sécurité dans les agglomérations, en particulier Tunis.
Cet attentat suicide dans la capitale, qui n’a finalement blessé que 20 personnes, dont une quinzaine de policiers, rappelle l’attaque revendiquée par les jihadistes de l’Etat islamique en novembre 2015 quand un kamikaze a tué douze membres de la garde présidentielle, sur l’avenue Mohamed V, à quelques centaines de mètres du lieu de la nouvelle attaque. A un an des scrutins présidentiel et législatif, la Tunisie, dont plusieurs milliers de ses ressortissants sont allés combattre dans les rangs de Daech, doit donc composer avec une menace terroriste effective prête à agir jusqu’au cœur de la capitale.
■ Reportage auprès de Tunisiens sur l’artère principale de Tunis
L’attentat-suicide a créé une onde de choc au cœur de la capitale tunisienne. Wassila sortait du bureau quand c’est arrivé : « C’était quelque chose de choquant. Elle visait les agents de police, elle voulait monter dans leur voiture. Mais lorsqu’elle a dit Alla ou Akbar, ils l’ont empêchée. C’était choquant, c’est tout. »
Hakim Mezraoui, lui, n’en revient pas : « C’est douloureux pour la Tunisie, pour le tourisme, pour tout. C’est un peu difficile. »
La démarche usée, Omar, serveur depuis plus de trente ans dans un café à quelques dizaines de mètres du lieu de l’attentat, ne cache pas son appréhension de l’avenir : « On a peur, on a peur, il y a longtemps qu’on n’a pas vu ça. »
Walid, qui travaille dans une librairie tout près du lieu de l’explosion se souviendra longtemps de ce jour. « J’ai entendu une explosion, et après j’ai vu une femme allongée au sol, les vêtements déchirés et avec du sang partout. Les gens courent tous vers moi. C’est un choc, le terrorisme n’est pas maintenant dans les montagnes et loin de nous, mais il est ici et entre nous. »
Face aux barrières qui empêchent d’accéder au lieu du drame, Kamel argue de la fougue de sa jeunesse pour juger la scène. En cours pendant l’attentat, cet étudiant n’a pas vécu le choc de l’explosion : « A force de forger, on devient forgeron. A force d’avoir des islamistes conservateurs au pouvoir, c’est normal qu’on voit des trucs pareils. Quand on voit que la Tunisie exporte le nombre maximal de terroristes partout dans le monde. Si on a peur, on reste chez nous, mais on doit vivre. Faut vivre. »