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Au Congo, anniversaire au coeur des ténèbres


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Source: Le Monde

Sur le planisphère des atteintes aux droits de l’homme, l’immense République démocratique du Congo (RDC, ex-Zaïre, cinq fois la France) clignote en rouge au coeur du continent africain. Cinquante ans après avoir accédé à l’indépendance, l’ancien Congo belge symbolise de façon dramatique la spirale régressive qui a emporté nombre d’Etats africains au cours de ce demi-siècle postcolonial.

La célébration en grande pompe de ce jubilé, mercredi 30 juin à Kinshasa, quatre jours après les obsèques de Floribert Jubeya, président de l’association La Voix des sans-voix, figure de la société civile congolaise probablement étranglé sur ordre ou avec la complicité des autorités, a revêtu un aspect tragiquement ubuesque. Le président congolais Joseph Kabila, en appelant ses concitoyens à engager une “révolution morale” et à “punir sans complaisance” l'”atteinte à la vie et à la dignité humaine”, le “favoritisme” et le “détournement des deniers publics”, a fait l’éloge de toutes les vertus qu’il est le premier à bafouer.

En 2006, la première élection présidentielle libre depuis l’indépendance a soulevé d’immenses espoirs après trente-deux ans de dictature Mobutu et dix de guerres. Quatre ans plus tard, ce pays de 70 millions d’habitants est en proie à un “enlisement de (son) projet démocratique”, selon l’euphémisme de Louise Arbour, présidente de l’organisation International Crisis Group. Loin de s’être imposé, l’Etat montre sa faiblesse face aux milices qui terrorisent et violent à grande échelle dans l’est du pays. Kinshasa continue de fermer les yeux, voire de participer au pillage des fabuleuses ressources minières, en signant des contrats léonins avec des sociétés étrangères et en se montrant incapable de percevoir des taxes. Miracle géologique, le Congo, l’un des pays les plus pauvres du continent, est aussi classé avant-dernier au classement de la Banque mondiale pour son exécrable “climat des affaires”.

Le projet caressé par M. Kabila de “revisiter” la jeune Constitution afin d’augmenter le nombre et la durée des mandats présidentiels nourrit d’autres doutes sur l’évolution du pays. La multiplication des persécutions et des meurtres de militants des droits de l’homme et de journalistes parachève ce tableau détestable. Menaces par SMS, agressions, arrestations arbitraires, mais aussi actes de torture font partie des exactions régulièrement dénoncées par Amnesty International.

Elles visent des militants dénonçant la pauvreté ou l’implication des forces de l’ordre dans l’extraction minière, ainsi que des journalistes d’investigation, dont six ont été tués en cinq ans.

Les Etats occidentaux, qui ont soutenu l’élection de Joseph Kabila, doivent dénoncer les dérives de leur protégé et l’enlisement d’un pays stratégique, qui risquent de faire tache d’huile dans une Afrique centrale à peine convalescente. Au silence assourdissant du roi des Belges devrait répondre la vigilance de l’Union européenne et des Etats-Unis, bailleurs de fonds vitaux et premiers bénéficiaires des richesses du sous-sol congolais.

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