Il faut être un sacré illusionniste pour réussir pareil tour de force. Avec à peine huit secondes de temps de parole quotidien sur les chaînes nationales, un parti ne disposant que de trois députés fédéraux et quasiment aucune trésorerie au lancement de la campagne présidentielle, Jair Bolsonaro a bouleversé en toute légalité un pays comme le Brésil, ses 208 millions d’habitants et les quelques certitudes qui lui restaient.
L’homme siège depuis vingt-sept ans sur les bancs l’Assemblée nationale et n’a été à l’origine que de deux lois insignifiantes. La syntaxe approximative et une parole souvent éruptive, l’élu d’extrême droite s’était surtout fait connaître pour sa violence verbale et ses réactions outrancières. Longtemps, d’ailleurs, le futur président brésilien n’a pas été pris au sérieux, comparé même à un amuseur public plutôt nauséeux et nostalgique d’une période dictatoriale (1964-1985) que l’on croyait sortie des mémoires.
On se gardera de faire des comparaisons alarmistes, comme rappeler la phrase malheureuse de Bertolt Brecht à l’endroit d’Adolf Hitler avant son accession au pouvoir (« Il ressemble à Charlie Chaplin en moins drôle » ), mais il y a quelque chose de profondément inquiétant dans cette irrésistible ascension.
Succès auprès des jeunes
Le candidat Bolsonaro a réussi à se faire élire en jouant sur une formidable inversion des valeurs. Alors que les discours anticommunistes des militaires brésiliens auteurs du coup d’Etat se faisaient à leurs yeux, au nom de la démocratie, le discours bolsonariste se fait aujourd’hui au nom de la dictature. Un glissement sémantique qui porte en germe des tensions incalculables.
Ces derniers mois, Jair Bolsonaro a affiché des positions conservatrices extrêmement dures, tout en faisant comprendre par ses allusions, ses gestes (l’index et le pouce pointés tel un revolver) et le choix de ses équipes (quatre généraux) l’attachement qu’il portait à cette junte militaire….