Category: Culture & Art

  • « Mission vérité – Le “New York Times” et Donald Trump » : « Dame grise » contre Maison Blanche

    Arte, mardi 6 novembre à 20 h 50, documentaire Le New York Times n’a jamais fait de cadeau à Donald Trump. Depuis l’ascension du magnat de l’immobilier dans les années 1970, le vénérable quotidien n’a cessé d’enquêter sur ses affaires, laissant toutefois le soin aux tabloïds new-yorkais et aux magazines people de faire leurs choux gras de ses frasques extraconjugales. Ses incursions en politique ayant toutes échoué, pas un journaliste de la « Dame grise » ne s’attendait à ce qu’il remporte l’investiture du Parti républicain en juillet 2016, encore moins l’élection présidentielle, quatre mois plus tard. Pas même Maggie Haberman, qui a suivi Donald Trump pendant vingt ans, d’abord au New York Post puis au New York Times. La journaliste avait promis à ses enfants qu’ils « retrouveraient » leur mère après l’élection. Depuis le 20 janvier 2017, jour de l’investiture du quarante-cinquième président des Etats-Unis, elle n’a, au contraire, pas eu une minute de repos : couvrir la présidence Trump implique d’être à l’affût du moindre de ses Tweet, d’assister à tous ses points presse, de l’interviewer par téléphone quand il le souhaite ou encore de se rendre sur les plateaux des chaînes d’info pour commenter le dernier esclandre présidentiel. Le rédacteur en chef, Dean Baquet, ne se montre pas moins soucieux d’incarner un journalisme honnête, indépendant et transparent Tous ses confrères du New York Times qui couvrent la présidence Trump reconnaissent passer « des journées de dingue où on entend tout et son contraire ». « Mais c’est un sujet en or », souligne le rédacteur en chef, Dean Baquet. Exigeant de ses troupes une couverture toujours plus agressive des moindres faits et gestes du président, il ne se montre pas moins soucieux d’incarner un journalisme honnête, indépendant et transparent. C’est ainsi que la « Dame grise » a ouvert ses portes à la réalisatrice américaine Liz Garbus pendant la première année de la présidence Trump. Sa caméra montre l’envers du décor : le sourcilleux travail de recoupage des sources, les échanges tendus avec les fans de Trump, les entretiens privilégiés avec Steve Bannon, les bouclages fiévreux, mais aussi les rapports de force entre la direction de New York et le bureau de Washington au moment de titrer l’édition du lendemain. Un climat de division Ce documentaire en quatre épisodes de 55 minutes chacun, monté comme une série à couper le souffle, donne à voir un journal ­conquérant qui encaisse les coups. Bien que souvent pris de court par les mensonges d’un président hors norme, il parvient à empiler les scoops, de l’affaire de l’ingérence russe pendant la présidentielle à l’affaire Weinstein. Résultat : les abonnements augmentent, mais le quotidien perd des recettes publicitaires au détriment de Facebook et Google et doit licencier : la caméra montre aussi les débrayages des secrétaires de rédaction qui ne veulent pas être sacrifiés. Mais ce qui frappe le plus, c’est le climat de division, toile de fond de ce film qui finit par occuper le devant de la scène. Division tout d’abord entre le « peuple » et « les médias », entretenu par un président populiste qui n’a de cesse d’accuser la presse de fabriquer du « fake news ». Division après les manifestations « Unite the right » de Charlottesville en Virginie en août 2017, entre les suprémacistes blancs et les antiracistes. Division, enfin, après l’affaire Weinstein entre le mouvement #metoo et le mouvement conservateur qui ne veut rien entendre des accusations de viol contre Roy Moore, candidat républicain pour le siège de sénateur dans l’Alabama, en décembre 2017. Le New York Times, considéré comme « le parti d’opposition » par cette autre Amérique, a du pain sur la planche. Mission vérité – Le « New York Times » et Donald Trump, de Liz Garbus (Etats-Unis, 2018, 4 × 55 min). www.arte.tv
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  • Le prix Médicis décerné à Pierre Guyotat pour « Idiotie »

    Le prix Médicis a été attribué mardi 6 novembre à Pierre Guyotat pour Idiotie (Grasset). Il y a quarante huit ans, la non-attribution de ce prix au même auteur pour Eden Eden Eden (Gallimard) – interdit à l’affichage, la publicité et la vente aux mineurs par le ministère de l’intérieur, objet d’une pétition internationale – avait provoqué le départ de Claude Simon du jury. Etaient également en lice cette année : Arcadie, d’Emmanuelle Bayamack-Tam (P.O.L), Tous les hommes désirent naturellement savoir, de Nina Bouraoui (JC Lattès), Ça raconte Sarah, de Pauline Delabroy-Allard (Minuit), Frère d’âme, de David Diop (Seuil), Par les écrans du monde, de Fanny Taillandier (Seuil), et L’Eau qui passe, de Franck Maubert (Gallimard). Lire aussi :   Pierre Guyotat, univers en expansion Immense écrivain Avant le Médicis, Pierre Guyotat avait été récompensé, la veille, par un prix Femina spécial pour l’ensemble de son œuvre ; le 9 novembre, il doit recevoir le prix de la langue française. C’est un immense écrivain qui se retrouve ainsi célébré, à l’occasion de la parution d’Idiotie, l’un des textes les plus accessibles de l’auteur révélé par Tombeau pour cinq cent mille soldats (Gallimard, 1967) né en 1940. Il construit depuis les années 1960 une œuvre qui réinvente la syntaxe, mais se plie, depuis une dizaine d’années, à une langue plus usuelle dans sa branche autobiographique, à laquelle appartient Idiotie. Ce livre revient sur l’avant Tombeau pour cinq cent mille soldats, extraordinaire livre de l’horreur et de la violence, inspiré à l’auteur par son expérience de la guerre d’Algérie. Evoquant l’entrée dans l’âge adulte de Guyotat, entre 1958 et 1962, Idiotie se déroule essentiellement en Algérie, guerre pour laquelle le père de l’écrivain lui avait obtenu un sursis, mais à laquelle le jeune homme avait décidé de participer en soldat. Nous sommes à l’époque où il commence à se faire publier (Sur un cheval, Seuil, 1961), et ses écrits lui valent de longues séances d’interrogation, ainsi que le cachot, au secret, pendant trois mois, pour « atteinte au moral de l’armée ». Idiotie est un texte essentiel pour comprendre le parcours personnel et littéraire de Guyotat, son rapport au colonialisme, à la pornographie, à l’abjection. « Politique jusque dans l’intime, Idiotie donne vie et voix à un corps ayant vécu l’humiliation par le verbe », écrivait Claro, le feuilletoniste du « Monde des livres », lors de sa parution. Lire le « feuilleton » de Claro sur Idiotie Lire aussi :   La vie saccadée des mots de Pierre Guyotat Médicis étranger et Médicis essai Annoncé en même temps que le prix Médicis, le Médicis étranger récompense Le Mars Club, de Rachel Kushner, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Sylvie Schneitter (Stock), tandis que le Médicis essai revient au livre Les Frères Lehman, de Stefano Massini (Globe), traduit de l’italien par Nathalie Bauer. Cette fresque revient en près de 850 pages et 30 000 vers sur l’histoire de la banque Lehman Brothers, depuis l’arrivée à New York, en 1844, du premier des trois fondateurs de la banque, jusqu’à l’effondrement de celle-ci, le 15 septembre 2008.
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  • Martine Franck inaugure la nouvelle Fondation Henri Cartier-Bresson à Paris

    « Une photographie n’est pas nécessairement un mensonge, confiait Martine Franck, mais ce n’est pas la vérité non plus. […] Il faut être prêt à saluer l’inattendu ». Pour l’inauguration de son nouvel espace dans le Marais, qui a ouvert ses portes au public le 6 novembre, la Fondation Henri Cartier-Bresson (HCB) – qui se trouvait à Montparnasse depuis 2003 – a souhaité rendre hommage à Martine Franck (1938-2012), photographe libre et engagée, en lui consacrant une exposition d’envergure jusqu’au 10 février 2019. Agnès Sire, cofondatrice et directrice artistique de la Fondation, également commissaire de l’exposition, commente une sélection de photographies.
    Coproduite avec le Musée de l’Elysée de Lausanne où elle sera exposée au printemps 2019, cette rétrospective sera ensuite présentée au FOMU d’Anvers, en Belgique.
    Lire la critique de l’exposition (en édition abonnés) : Martine Franck, portrait d’une photographe empathique
    Lire aussi le récit (en édition abonnés) : De nouveaux quartiers pour Cartier-Bresson
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  • Les Spice Girls se reforment, le temps d’une tournée

    Les Spice Girls, groupe britannique féminin phare des années 1990, ont annoncé lundi 5 novembre se reformer à l’occasion d’une tournée de six dates en juin 2019 au Royaume-Uni. Le quintette sera néanmoins incomplet : Victoria Beckham, qui avait participé à l’aventure initiale, ne fait pas partie du projet. Après s’être fait connaître au sein du groupe, elle est devenue une styliste respectée dans le paysage de la mode. « Il n’y a que nous quatre qui avons confirmé, mais, vous savez, Vic pourrait nous rejoindre en cours de route », a affirmé Melanie Brown sur la chaîne ITV. Connue sous le pseudonyme de « Mel B », Melanie Brown sera, elle, aux côtés de Melanie Chisholm (« Mel C »), Emma Bunton et Geri Halliwell pour le premier concert de la tournée, le 1er juin 2019 à l’Etihad Stadium de Manchester (centre de l’Angleterre). Le groupe se produira ensuite à Coventry le 3, à Sunderland le 6, à Edimbourg le 8, à Bristol le 10 et enfin au stade Wembley de Londres le 15 juin. Les billets seront mis en vente le 10 novembre à 11 h 30, heure de Paris. Girl Power « Ramener sur le devant de la scène notre message d’amitié et d’amour et le “girl power” semble plus pertinent que jamais », ont-elles déclaré par voie de communiqué. Victoria Beckham a adressé un message d’encouragement à ses anciennes partenaires, reconnaissant qu’appartenir aux Spice Girls avait été « une partie très importante de [sa] vie ». « Je souhaite aux filles beaucoup d’amour et de plaisir pour cette tournée de retour », a-t-elle déclaré. Le groupe de pop avait été créé par casting en 1994, et avait connu un succès international dès son premier single Wannabe. Les Spice Girls s’étaient séparées en 2000 après l’enregistrement de leur troisième album, Forever, avant de se réunir à nouveau le temps d’une tournée mondiale en 2007-2008, puis lors de la cérémonie de clôture des Jeux olympiques d’été de Londres, en 2012, ainsi qu’à l’occasion du lancement de la comédie musicale Viva Forever !. Lire aussi :   20 ans après, « Wannabe » des Spice Girls en version soap opera Réécoutez « Wannabe », leur premier single :
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  • [Du côté de chez Mandela] Joburg, capitale africaine de la culture

    En accueillant un monumental musée d’art moderne en 2017, la ville du Cap a frappé fort. Taillé dans d’anciens silos au bord du Waterfront, le spectaculaire MOCAA (Museum of Contemporay Art Africa), financé par le patron de Puma, Jochen Zeist, offre enfin à l’Afrique un site de classe mondiale. Pour autant, il en faudra beaucoup plus pour détrôner Johannesburg de sa position de capitale culturelle du continent.
    C’est en effet vers la ville de l’or que lorgnent dans leur majorité les jeunes créateurs d’Afrique. La concentration des télécommunications, des médias, de la capitalisation boursière a suscité également un mélange des cultures, propice aux débats et au développement de l’art. Nolens volens, la mégapole qu’on appelle Egoli, Joburg ou Jozi est un aimant puissant.
    Déjà, le lieu attire les superlatifs. Il y a deux milliards d’années, une énorme météorite a laissé le plus grand cratère d’impact sur Terre dont le rebord jouxte Soweto. La ville tangente aussi un site hors du commun, celui de Sterkfontein où l’on a découvert 40% des fossiles hominidés de la planète. Est-il vraiment le berceau de l’humanité ? Les indices sont nombreux en ce sens, à commencer par beaucoup de nos vieux ancêtres, comme Mme Ples, Little Foot et tout récemment Karabo (austrolopithecus sediba).
    C’est dans un paysage de savane à peine arborée que la ville est née hier matin, en 1886. Johannesburg n’a pas de fleuve, mais une fabuleuse rivière souterraine, un filon d’or. La forte teneur en métaux du sous-sol explique pourquoi la ville est la plus foudroyée au monde. Ses habitants n’ont pas lésiné pour modeler le paysage. Vu de haut, on aperçoit un incroyable moutonnement d’arbres, au point que la conurbation formée avec Pretoria constitue à ce jour la plus grande forêt artificielle au monde. Par une ironie de l’histoire, on se perd en conjectures sur le Johannes qui a donné son nom au lieu.
    A l’occasion des Saisons Afrique du Sud-France (2012-2013), un excellent guide bilingue français-anglais a vu le jour*, accompagnant l’exposition My Joburg à la Maison rouge à Paris. On y apprend au passage qu’il faut broyer une tonne de roche pour trouver 4 grammes d’or, captés ensuite par une solution de cyanure… Cette terre montée à la lumière n’est pas sans charme. L’évêque Trevor Huddleston a même trouvé certains soirs de la beauté aux terrils jaunes, sans comparaison avec les crassiers d’Angleterre.
    Le livre, qui a fait appel aux écrivains Niq Mhlongo et Ivan Vladislavic, et a mobilisé toute une équipe d’amoureux d’art, brosse un tableau très attractif de la scène artistique. Johannesburg sait récupérer des friches commerciales pour en faire des centres artistiques, voire des quartiers entiers pour leur redonner vie.
    C’est précisément à Maboneng Precinct, un pâté de maisons réhabilitées, que William Kentridge a établi son atelier. L’artiste aux multiples talents fait partie des vingt artistes les plus cotés au monde. Il a commencé par des scènes de townships au fusain pour passer ensuite au dessin animé en noir et blanc, puis aux décors d’opéra, aux marionnettes (on se souvient d’Ubu et la Commission Vérité à Avignon en 1997) et aux installations vidéos (sa fanfare macabre a résonné dans la Grande Halle de La Villette en 2017). Il a une qualité supplémentaire : il est francophone grâce à des études à Paris dans sa jeunesse. Depuis son exposition au Jeu de Paume en 2010, il poursuit un dialogue sur la création artistique avec son ami Denis Hirson (Footnotes for the Panther, Jacana) sur lequel nous reviendrons.
    Le guide montre l’attraction internationale exercée par Johannesburg sur des artistes de la région. La sculpturale Billie Zangewa (et ses broderies géantes) vient du Malawi ; Kudzanaï Chiurai (et ses scènes spectaculaires du Zimbabwe) ; Dorothee Kreutzfedt (et ses personnages esquissés) de Namibie ; Serge Alain Nitegeka (et ses gigantesques chevaux de frise) du Burundi.  On trouve des artistes venus de France (Delphine de Blic), d’Allemagne et d’ailleurs.
    Johannesburg et ses transformations offrent un terrain de choix pour la photo. Ce blog a déjà mentionné Zanele Muholi, et le regretté David Goldblatt, disparu peu après. My Joburg offre la possibilité d’approcher d’autres valeurs sûres, comme Guy Tillim, Santu Mofokeng, Sam Nhlengethwa, Michael Subotzky et Jodi Bieber.
    La ville inspire aussi les naïfs qui la rêve, tel Titus Matiyane, ou ceux qui lui consacrent des affiches subversives, comme Lawrence Lemaoana ou Brett Murray.
    Je garde pour la fine bouche le travail de Mary Sibande. A l’occasion des saisons France-Afrique du Sud, elle était venue exposer au MacVal dans le Val-de-Marne. Dans une démarche visant à rendre justice à sa domestique de mère, elle présente toujours une femme africaine en posture glorieuse, habillée dans une robe somptueuse.
    My Joburg a une vertu supplémentaire, il stimule ceux qui s’intéressent à l’art africain. Ainsi, en 2017, la Fondation Louis Vuitton a exposé un bon nombre d’artistes que nous venons de mentionner.

    My Joburg, guide de la scène artistique, Maison rouge, 2013
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    Chronologie et chiffres clés

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  • Cinéma : avec Robert Pattinson, l’attraction des astres

    Les stars sont-elles aussi égocentriques qu’on le prétend ? Voyez Robert Pattinson, 32 ans, dont dix de célébrité intersidérale depuis que la saga Twilight a transpercé les cœurs adolescents. Pas le genre, pour autant, à croire que le monde tourne autour de lui. Jusqu’à ce qu’on le lui apprenne, l’acteur ignorait qu’un astronome russe avait donné son nom à un astéroïde. « Whaou ! Quelle idée bizarre… », s’écrie-t-il, en contemplant sur son téléphone cet alter ego galactique. Un lundi soir sur la Terre, dans un hôtel penta-étoilé du centre de Londres : Pattinson commande une cinquième tasse de thé. Ça l’aide, assure-t-il, à ne pas s’emmêler les pinceaux, lui dont l’agenda jongle entre les fuseaux, les créneaux, les plateaux. Il débarque de ses pénates hollywoodiens, s’apprête à rejoindre un tournage au Maroc, avec Johnny Deep et Mark Rylance. A peine le temps d’organiser un dîner avec ses parents, restés dans la capitale anglaise, où il a grandi. Et de rencontrer quelques journalistes à la volée : pas question de ne pas accompagner la sortie de High Life, le film joliment perché de Claire Denis. Car Robert Pattinson ne fait pas qu’y interpréter Monte, le premier rôle. En amont, il a joué les directeurs de casting, dépêchant à la dernière minute le bébé de son meilleur ami pour incarner la fille de son personnage : « Nous avions choisi deux jumelles, mais lors des essais, ça ne collait pas, se souvient Claire Denis. La veille du tournage, Robert a sorti sa carte bleue, et organisé la venue de ses amis et de leur nourrisson. Ça a sauvé le film ! » En aval, il a posé sa voix diaphane sur la bande originale, ravivant ainsi sa passion adolescente pour le rock, qu’il pratiquait jadis en bande, passablement éméché : « Rien ne me plaisait autant que de défier un public hostile, lors de concerts improvisés, confie-t-il. Cette adrénaline me manque un peu. » Robert Pattinson…
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  • « Les Grandes Stations balnéaires » : la « croûte » retrouvée des villas d’Usedom

    Arte, mardi 6 novembre à 10 h 15, documentaire Un soleil levant dont l’or ne rehausse pas encore la clarté des flots ; une mer plane comme une lagune que pourrait traverser quelque funèbre gondole ; une plage déserte où se trouvent, vides encore, des cabines individuelles au tissu rayé, bordées de rotin peint de blanc. On pourrait se croire sur la plage du Lido, à la fin du film crépusculaire Mort à Venise (1971), de Luchino Visconti. Mais on est sur l’« île du soleil », Usedom en allemand ou Uznam en polonais. Car cette île côtière se trouve entre la lagune de Szczecin et la mer Baltique, partagée par les deux pays. Huppée au début du siècle, on y voyait des élégantes à ombrelle s’y pavaner sur la promenade qui longe le littoral ; quant à la plage, on y allait chapeauté et cravaté, et l’on jugeait alors vulgaire d’y bronzer ou de s’y baigner. La République démocratique allemande (RDA) est ensuite passée par là : le naturisme fut encouragé et les villas expropriées dénudées de ces décorations en stuc qui faisaient de chacune d’elles de petits chefs-d’œuvre où le style chalet voisinait avec des bâtiments inspirés par la Renaissance, le baroque et l’Art nouveau. Rafraîchissante désuétude Le nouveau pouvoir en fit tantôt un bâtiment des postes, tantôt une cantine populaire ou un dortoir pour les ouvriers en villégiature. Ce qui est très bien. Mais au prix d’une défiguration sans vergogne de ces signes de privilèges de l’ancienne haute bourgeoisie : le nivellement par le médiocre – ce goût moyen supposé convenir à la masse – prévalut. Ce numéro de la série documentaire Les Grandes Stations balnéaires, réalisée par Elke Sasse et Ulricke Neubecker, fait le tour de l’île (de quelque 445 km2) et s’attache, entre autres nombreux sujets, au travail que fait, sur ces villas et bâtiments, un stucateur, chargé de restaurer les éléments décoratifs disparus, à l’aide d’un enduit composé de marbre blanc pulvérisé, de chaux et de craie. En se référant à des photographies et cartes postales d’antan, cet artisan, qui est aussi chercheur et historien, recompose la « croûte » ornementale de ces maisons (l’étymologie de stuc, ou stucco, vient, notamment de ce mot en italien, stucchi) en restaurant autant que possible leur état d’origine. Le résultat est d’une rafraîchissante désuétude. Les Grandes Stations balnéaires : Usedom, série documentaire réalisée par Elke Sasse et Ulricke Neubecker (All., 2012, 43 min). www.arte.tv
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  • « High Life » : Claire Denis sonde le désir en apesanteur

    L’avis du « Monde » – chef d’œuvre Allons d’emblée aux deux raisons qui font de ce film une œuvre à sérieusement considérer, pour ne pas dire à passionnément aimer. La première est d’ordre cinéphilique. Incursion inaugurale de la cinéaste Claire Denis dans la science-fiction et le dialogue en anglais, High Life est à classer parmi les sommets du genre. Soit ces films rares qui ne s’adressent pas en premier lieu aux fanatiques de la catégorie mais à l’humanité sensible tout entière. Ces œuvres qui, préférant l’envoûtement contemplatif à l’action pure, jettent une sorte de maraboutage hypnotique sur l’esprit et les sens du spectateur, tels 2001 : l’Odyssée de l’espace (1968), de Stanley Kubrick, ou Solaris (1972), d’Andreï Tarkovski. Lire la rencontre :   Avec Robert Pattinson, l’attraction des astres L’autre raison est qu’aucun film récent ne donne l’impression d’aller, au point où le fait celui-ci, à l’os de notre époque. Au diapason du grand bouleversement qui s’y annonce, de la grande peur écologique qui se lève. Peur non pas tant de ces épiphénomènes que sont l’iniquité et la barbarie en leur retour triomphant, mais, pour aller au principe, de l’épuisement convulsif d’une planète saccagée, de l’attraction avérée de l’humanité pour le néant. Peur, en un mot, de la fin dernière : de l’homme, du monde, de la vie tout ensemble. Un sentiment qui n’est sans doute pas pour rien dans la production récente de films spatiaux plus ou moins eschatologiques, dans lesquels l’espace se transforme en territoire de la dernière chance, en expérience concrète de la survie. Aucun film récent ne donne l’impression d’aller, au point où le fait celui-ci, à l’os de notre époque High Life rejoint à ce titre des films tels que Gravity (2013), d’Alfonso Cuaron, Seul sur Mars (2015), de Ridley Scott, ou même First Man (2018), de Damien Chazelle. Mais il se confronte plus directement à Interstellar (2014), de Christopher Nolan, dont il partage les motifs centraux (la terre agonisante, la recherche d’une planète favorable à la vie, l’importance du rapport père-fille). Ce qui n’empêche nullement High Life de se situer aux antipodes esthétiques d’Interstellar, à des années­-lumière de la pyrotechnie spectaculaire et des rebondissements romanesques qu’y déploie Christopher Nolan. Est-il d’ailleurs assuré que l’inscription du film de Claire Denis dans une histoire raisonnée de la science-fiction cinématographique fasse vraiment sens ? On pourrait aussi bien assumer la position selon laquelle la cinéaste – qui aime à s’approprier tous les genres (le polar dans J’ai pas sommeil, 1994 ; le vampirisme dans Trouble Every Day, 2001 ; le film de guerre dans Beau travail, 1999 ; la comédie dans Un beau soleil intérieur, 2017…) – continue de faire dans l’espace ce qu’elle a toujours fait sur terre : sonder le mystère du désir, dans sa beauté stellaire comme dans ses trous noirs. Sans trucages. A même la chair. Au plus près de cet abyme mental qui confère à chaque être humain la fascinante opacité de l’univers. Le pire est sans doute déjà arrivé Ici, un homme (Monte, interprété par Robert Pattinson) partageant un engin spatial visiblement délabré avec sa fillette de quelques mois, dénommée Willow. Le long et caressant préambule qui les réunit suscite d’emblée une forte émotion, teintée d’angoisse. Les tendres rapports du père et de l’enfant, l’impuissance où ils semblent se trouver pour changer leur situation produisent dans cet environnement confiné, dénué de toute autre présence humaine, le sentiment que le pire est sans doute déjà arrivé. Un long retour en arrière livrera au spectateur une compréhension un peu plus nette de la situation. Le navire est en réalité une prison, où l’on a rassemblé des condamnés à mort qui ont accepté, en échange de la commutation de leur peine, de se prêter à un programme d’expérimentation spatiale. Il s’agit à la fois de s’approcher d’un trou noir pour en étudier les sources d’énergie bientôt taries sur Terre, et de se prêter aux expériences de procréation menées par le docteur Dibs, une médecin au dossier criminel chargé. Juliette Binoche, crinière noire descendant jusqu’aux reins, flammèches dans les yeux, y incarne une sorte de prêtresse illuminée de la reproduction, figure de la fécondité immémoriale, collectrice de sperme, sorcière de la résurrection. C’est, ici, Le Sacrifice, d’Andreï Tarkovski (1986) qui revient en mémoire. On reconnaît là tout le talent de Claire Denis pour suggérer le dénuement et la beauté de notre condition Dibs est, avec Monte, dont elle vole la semence durant son sommeil dans une séquence proprement stupéfiante, le pouvoir de la vie qui se transmet dans un engin pourtant programmé pour aller à la mort. Toute la beauté du film tient en ce déchirant paradoxe tenu bientôt, en quelques ellipses élégantes, par le seul couple survivant du père et de sa fille. Imaginez, dans l’immensité glacée et indifférente du cosmos, le cri vital du bébé et le regard du père sur son enfant. Puis la grâce innocente de la jeune fille qu’elle est devenue, qui n’a jamais connu le monde, et qui questionne incestueusement son père sur leur avenir, entre la menace de leur commun anéantissement et la promesse de trouver un nouveau soleil. On reconnaît là tout le talent de Claire Denis pour suggérer le dénuement et la beauté de notre condition. La sensation du huis clos, de la solitude, de la terminaison des temps est par ailleurs si prégnante qu’elle parvient à nous rendre bouleversantes les images raréfiées de la Terre, qui interfèrent dans le récit. Flash-back en bons gros grains seize millimètres de trains et de hobos cheveux au vent, forêts profondes, tapis de feuilles, humus qu’on croirait sentir. Ou encore, sur un écran de la capsule, ce rituel funéraire indien filmé à Vancouver par Edward S. Curtis dans In the Land of the Head Hunters (1914), poignant et fantomal vestige d’une civilisation agonisante. C’est, à travers ces simples images, le sentiment d’une perte irrémissible qui étreint le spectateur et le laisse inconsolable. Autant dire qu’il y aura quelque chose comme une indicible joie à malgré tout retrouver la pollution et la promiscuité de la ville au sortir de la salle. Contrairement à ce que certains pensent, seuls les artistes font œuvre utile. Film français de Claire Denis. Avec Robert Pattinson, Juliette Binoche, André Benjamin (1 h 51). Sur le Web : highlife-lefilm.com
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  • La sélection séries du « Monde »

    LES CHOIX DE LA MATINALE Cette semaine, une évocation tout en finesse de la vie de Victor Hugo alors qu’il se métamorphose en icône républicaine, Julia Roberts en psychologue chargée d’interroger des soldats atteints de troubles post-traumatiques, et la sixième et ultime saison de House of Cards, sans Kevin Spacey. « Victor Hugo, ennemi d’Etat » : de l’homme du monde au champion du peuple Février 1848, la République renaît dans la faillite de la monarchie de Juillet, renversée par la rue. Décembre 1851, elle est mise à mort par le coup d’Etat orchestré par Louis Napoléon Bonaparte, soucieux de confisquer le pouvoir qu’une élection démocratique ne lui accordait que pour quatre ans. Comment en vient-on, en si peu de temps, à basculer du statut d’écrivain unanimement salué, pair de France et soutien du parti de l’ordre, à celui d’« ennemi d’Etat », dont la tête est mise à prix avant que la proscription ne vous contraigne à l’exil ? C’est ce qu’entend faire comprendre cette évocation, précise et strictement menée par Sophie Hiet et Jean-Marc Moutout, du moment charnière où Victor Hugo abandonne les nostalgies monarchiques pour incarner une opposition frontale au régime despotique qui prépare le rétablissement de l’Empire. Savamment, les auteurs tissent avec finesse les liens entre vie familiale, vie sentimentale et vie politique de Hugo. Passé le 2 décembre 1851, ne reste que la voie de l’exil, d’où le nouvel Hugo tonne contre « Napoléon le Petit » avant de devenir une icône républicaine. Philippe-Jean Catinchi « Victor Hugo, ennemi d’Etat », de Jean-Marc Montout. Avec Yannick Choirat, Isabelle Carré, Erika Sainte (France, 2018, 4 × 50 minutes). Sur France 2, lundi 5 (en replay) et mardi 6 à 21 h 10. Francetelevisions.fr « House of Cards », saison 6 : un acte manqué Lançant un regard face caméra, Claire Underwood avait averti, en fin de saison 5 : « My turn » (« C’est mon tour »). A elle les rênes des Etats-Unis, son mari, Frank, ayant été contraint à la démission face à un risque de destitution. Voilà qui facilita l’annonce du décès de Frank Underwood (hors caméra, avant le lancement de la saison 6), lorsque son interprète, Kevin Spacey, fut accusé de harcèlement sexuel et évincé, en novembre 2017, du casting de House of Cards. Las ! Claire Underwood a beau présider la ploutocratie que sont devenus les Etats-Unis, cette sixième et ultime saison continue de ne tourner qu’autour de son défunt mari et de personnages auxquels il était étroitement lié ! Le premier épisode s’ouvre cent jours après le décès de ce dernier, quand il aurait fallu opérer un vrai saut dans le temps afin de découvrir la présidente sous un autre jour qu’en veuve éplorée – même si ce n’est qu’une apparence, bien sûr, celle-ci nous avertissant, dans l’un de ses apartés superfétatoires, que feu son époux ne lui manque nullement. Et faire reposer cette saison sur des personnages comme l’ancien chef de cabinet de Frank Underwood ou le journaliste qui enquêtait sur ses méfaits a perdu tout intérêt. Certes, l’équipe de scénaristes a dû réécrire cette saison en urgence, puisque le tournage avait déjà commencé lorsque Kevin Spacey fut congédié par Netflix. Mais Claire Underwood a beau asséner, cette saison-ci, que « le règne de l’homme blanc d’âge moyen est révolu», cette saison relève de l’acte manqué, tant le fantôme de feu son président de mari vient la hanter. Martine Delahaye « House of Cards », saison 6, série créée par Beau Willimon. Avec Robin Wright, Diane Lane, Michael Kelly, Greg Kinnear (Etats-Unis, 2018, 8 × 52 minutes). Netflix.com « Homecoming » : Julia Roberts dans un rôle double Homecoming apparut d’abord, en 2016, sous la forme d’une fiction podcastée, une pièce de théâtre audio. Ses auteurs, Eli Horowitz et Micah Bloomberg, sont aussi les créateurs de son adaptation filmée, dont Amazon a commandé d’emblée deux saisons. Le Homecoming Center, en Floride, sous l’égide du ministère de la défense, vient de lancer un programme destiné à de jeunes soldats traumatisés tout juste de retour au pays. Ils y sont pris en charge entre autres par Heidi Bergman (Julia Roberts) qui y mène les entretiens psychologiques. Saut dans le futur, quatre ans plus tard, en 2022 : Heidi, dorénavant serveuse dans un ­petit restaurant, semble ne pas se souvenir de l’époque où elle officiait pour le programme Homecoming, quand le ministère de la défense enquête sur l’expérience qui y était menée. Ment-elle ? Pourquoi une enquête sur ce centre ? Pour son premier rôle principal dans une série, Julia Roberts a choisi un scénario qui lui permet d’interpréter deux personnages différents : la Heidi psy plutôt rayonnante de 2018, et celle de 2022, éteinte et tristounette. Sam Esmail (créateur de Mr. Robot), a apporté une touche hitchcockienne et un grand soin à la réalisation, mais sans la tension ni le rythme nécessaires pour captiver. M. De. « Homecoming », série créée par Eli Horowitz et Micah Bloomberg. Avec Julia Roberts, Bobby Cannavale (Etats-Unis, 2018, 10 × 30 minutes). Amazon.com
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  • Grands Prix de la finance solidaire, prix coup de cœur du public – L’Envol ou l’art de l’émancipation sociale

    C’est en créant 501 Blues, un spectacle monté avec des ouvrières d’une usine Levi’s du Nord brutalement licenciées, que le metteur en scène Bruno Lajara avait pris conscience que « l’art pouvait changer la vie ». Il y a deux ans, il s’est servi de cette expérience pour créer à Arras (Pas-de-Calais) L’Envol, un dispositif qui se sert de l’art pour réinsérer des jeunes décrocheurs scolaires ou des jeunes adultes en situation d’échec et d’exclusion. Dans le cadre du service civique, les jeunes bénéficient d’une formation de sept mois à raison de 24 heures par semaine. Ils suivent des cours de théâtre, de chant, de danse, des ateliers d’écriture… La finalité n’est pas de former des artistes, mais de faire de la culture un vecteur d’émancipation et de constitution d’un projet professionnel, voire d’un projet de vie. « Peu à peu, les élèves reprennent confiance en eux », raconte Bruno ­Lajara, aujourd’hui délégué général de ce « centre d’art et de transformation sociale ». Le parcours est complété par une formation citoyenne aux valeurs républicaines, des enseignements théoriques et pratiques ainsi que des immersions et des rencontres avec le milieu professionnel. Intégrés dans la vie du quartier Pour chaque promotion, un « casting » d’une quinzaine de personnes est organisé. Il s’agit surtout de constituer une équipe dont les individus vont se soutenir mutuellement. Ils sont intégrés dans la vie du quartier en participant à son animation, à la création d’une Web radio locale, en se produisant dans un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad)… Une nouvelle antenne de L’Envol vient d’être créée à Béthune (Pas-de-Calais), et le « casting » des nouveaux stagiaires est presque terminé. Grands Prix de la finance solidaire en partenariat avec France Info. L’envol Activité : Un dispositif d’inclusion sociale et professionnelle par l’art en direction de jeunes décrochés scolaires ou jeunes adultes en situation d’échec et d’exclusion Chiffres d’affaires 2017 : 201 432 euros Salariés : 5 Financeurs solidaires : France Active
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