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Comment améliorer le premier tour de la Coupe du monde de football ?

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Crédit Photographique : FIFA

Lors du premier tour de la coupe du monde de football 2018, deux oppositions majeures faisaient saliver les amateurs de ballon rond : le match Portugal-Espagne, premier match du groupe B, et le match Belgique-Angleterre, dernier match du groupe G. Le match Portugal-Espagne dépassa les attentes des spectateurs et téléspectateurs. Il fut en effet un festival offensif, un match à très haute intensité, un régal conclu par un prolifique score de 3 buts partout. A l’opposé, le match Belgique-Angleterre opposait deux équipes déjà qualifiées qui se demandaient si le perdant ne serait pas « le mieux loti » au regard du tableau des matchs à élimination directe qui l’attendait. La Belgique l’emporta finalement sur la plus petite des marques (1-0), à l’issue d’un match qui, même si n’a engendré aucune forme d’entente entre les deux protagonistes, fut l’un des plus soporifiques de la compétition.

Optimiser l’ordre des rencontres lors de la phase de poule

Est-il possible d’éviter ce genre de situations ou, pire encore, des ultimes matchs de poule gangrénés par une collusion entre deux équipes qui obtiendrait, avec un résultat nul (ou tout autre résultat), la garantie d’être conjointement qualifiées ? C’est la question à laquelle tentent de répondre Mario Chater, Luc Arrondel, Jean-Pascal Gayant et Jean-François Laslier dans un document de travail de l’École d’Economie de Paris d’octobre 2018 intitulé « Fixing match-fixing« . Ils se proposent de comparer plusieurs modalités d’ordre des rencontres lors des phases de poule de la coupe du monde. Le principe actuel de la construction de cette phase de groupe est un ordre « aléatoire » des rencontres entre les équipes issues des différents « pots ». Au moment du tirage au sort, en effet, 4 pots sont constitués : le pot A contient les 8 meilleures équipes présumées, le pot B les 8 suivantes et ainsi de suite jusqu’au pot D contenant les 8 équipes les plus faibles du tournoi. Les deux derniers matchs de la phase de poule, joués simultanément dans chaque groupe pour éviter toute collusion (à l’image de ce qui se produisit lors du match Allemagne-Autriche en 1982), peuvent donc opposer : l’équipe issue du pot A à celle issue du pot D d’une part, et l’équipe issue du pot B à celle issue du pot C d’autre part (format 1), ou pot A versus pot C et pot B versus pot D (format 2) ou finalement pot A versus pot B et pot C versus pot D (format 3).

Eviter de programmer le match opposant les deux meilleures équipes lors du dernier round

Dans leur article, Chater et al. (2018) effectuent 15 000 simulations de matchs des phases de poule pour chaque option d’ordre des rencontres. A l’issue des 4 premiers matchs de chaque poule, il est alors possible de déterminer quel pourcentage de derniers matchs seront : sans enjeu, propices à une collusion ou pleinement concurrentiels. Dans le format actuel du système d’attribution de points (3 pour une victoire, 1 pour un match nul, 0 pour une défaite), ils établissent sans ambigüité que la meilleure option est le format 1, tandis que la pire est le format 3. En effet, la probabilité d’être confronté à des matchs sans enjeu lors du dernier round de la phase de poule est de 35 % avec le format 1 et grimpe à 55 % avec le format 3. Le contraste entre la physionomie des matchs Portugal-Espagne et Belgique-Angleterre était donc prévisible : faire s’affronter les deux meilleures équipes de la poule (pot A versus pot B, tel était le cas pour Belgique-Angleterre) lors de la dernière rencontre de la phase de groupe engendre, plus d’une fois sur deux, un match sans enjeu. A l’inverse, il semble pertinent de faire s’affronter les compétiteurs issus des pots A et B lors du premier match de poule (comme Portugal-Espagne), mais ceci n’entre pas, au sens strict, dans le champ des enseignements qui peuvent être tirés de l’étude.

Un enjeu rendu déterminant par le passage de la coupe du monde de 32 à 48 équipes

L’étude ne s’arrête pas là ; elle s’intéresse aussi aux modifications que le passage d’une coupe du monde de 32 à 48 équipes engendre. Pour l’édition 2026, en effet, le format prévu est celui d’un premier tour organisé en 16 poules de 3, avec 2 qualifiés pour la suite de la compétition. La question intéressante devient désormais : laquelle des 3 équipes de chaque poule doit être exempte lors de la « 3ème journée » : la plus forte, la plus faible ou celle de niveau intermédiaire ? Sans véritable surprise, le format le plus pertinent est celui à l’occasion duquel l’équipe exempte lors du dernier round est l’équipe présumée la meilleure (la probabilité d’assister à un match sans enjeu est inférieure à 8 %). A l’inverse, quand l’équipe la plus faible est exempte lors du dernier round, il y a 77 % de chances que le match soit sans enjeu.

Un format néanmoins structurellement médiocre pour 2026

Même s’il est possible de minimiser le risque de match sans enjeu lors du dernier round de la phase de poule, il n’en demeure pas moins qu’un premier tour à 66,7 % de qualifiés (2 sur 3, format prévu pour la coupe du monde 2026) risque de produire des matchs moins offensifs qu’un premier tour à 50 % de qualifiés (2 sur 4, format coupes du monde 2018 et 2022). Le précédent du passage de 16 à 24 équipes lors de l’Euro 2016 a démontré, avec éclat, qu’un premier round à 66,7 % de qualifiés (sur la base du système contestable des « meilleurs troisièmes ») engendrait des matchs défensifs, frileux et peu spectaculaires. La moyenne du nombre de buts marqués par match de phase de poule est passée, rappelons-le, d’un peu plus de 2,5 pour les Euros s’étant déroulés entre 1996 et 2012, à 1,92 pour l’Euro 2016. Pour cette raison, il nous semble pertinent d’envisager le format d’une coupe du monde à 40, avec 8 groupes de 5 équipes et seulement 40 % de qualifiés (2 sur 5). Outre que l’obligation d’adopter un comportement offensif (avec un système d’attribution de points 3-1-0) s’impose, il est possible d’optimiser le spectacle en optimisant le choix de l’équipe exempte lors de la dernière « journée » de chaque poule.

C’est à  cet exercice que Chater et al. (2018) se sont enfin livrés. Le résultat est, là aussi, sans équivoque. Mais alors qu’il faut rendre la plus forte équipe exempte lors du dernier round dans un système à 2 qualifiés sur 3, il est stimulant de constater que c’est la plus faible qu’il faut rendre exempte lors du dernier round dans un système à 2 qualifiés sur 5. Ceci démontre avec force que, pour un tirage au sort de phase finale de coupe du monde, l’ordre des matchs du premier tour doit être tout sauf aléatoire.

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