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De Bukavu au Forum de Paris sur la paix, l’expérience d’un jeune Congolais

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Par
François-Damien Bourgery

Publié le 14-11-2018
Modifié le 14-11-2018 à 17:19

Grâce à son idée de charbon fabriqué à partir de déchets, Murhula Zigabe, un jeune éco-entrepreneur congolais du Sud-Kivu, a participé à la première édition du Forum de Paris sur la paix.

Devant une petite assemblée de costumes sombres, Murhula Zigabe peaufine mentalement son discours. Il n’a que quelques minutes pour convaincre ses auditeurs de la pertinence de son projet. Cet étudiant en philosophie de Bukavu, dans l’est de la République démocratique du Congo, a lancé en début d’année 2018 La Briquette du Kivu, une micro-entreprise qui fabrique du charbon à partir de déchets organiques. Chaque matin, lui et son équipe sillonnent les rues de la ville pour ramasser feuilles mortes, peaux de bananes, de maïs ou de cannes à sucre qui, une fois séchées, sont transformées en charbon destiné à la cuisson des aliments.

Le jeune entrepreneur aimerait pouvoir exporter son idée dans d’autres régions de la RDC, et notamment à Kinshasa pour la défaire de sa réputation de « poubelle ». Mais un an après sa création, son entreprise fonctionne toujours à perte. Même si son charbon écolo est vendu deux fois moins cher que le charbon de bois traditionnel, pas facile de faire changer les mentalités. Alors quand il a appris qu’un Forum sur la paix allait se tenir à Paris, Murhula Zigabe y a vu une double opportunité : celle de se faire connaître et de défendre une cause qui lui tient à cœur. « Quand on parle de paix, il ne s’agit pas seulement de fusils, mais aussi du changement climatique qui est une arme de destruction massive parce que la terre ne donne plus de quoi manger », estime le jeune entrepreneur.

Donner de la valeur aux déchets

Il a donc monté un dossier de candidature pour participer à cet événement inédit réunissant chefs d’Etat et de gouvernement, organisations internationales et société civile sur les thèmes de la paix et de la sécurité, du développement, de l’environnement, des nouvelles technologies et de l’économie inclusive. Et comme 120 autres projets, il a été retenu.

Car il ne manque pas d’arguments. « Lorsqu’une famille utilise nos briquettes pendant une semaine, un arbre de 25-30 mètres est épargné », affirme Murhula Zigabe de sa voix douce. Dans un pays dont la forêt, deuxième poumon du monde après l’Amazonie, perd chaque année environ 1 % de sa surface à cause de l’activité humaine, l’initiative est salutaire. D’autant que la raréfaction du bois se ressent jusque dans le porte-monnaie. « Une famille congolaise consacre 30 % de ses revenus journaliers à l’achat de braise de bois. L’éducation et la santé sont sacrifiées », fait encore valoir le jeune entrepreneur. Enfin, en réutilisant les déchets qui jonchent le sol, son charbon écolo permet de lutter contre la pollution et les épidémies. « On ajoute de la valeur à des déchets qui sont un poids. »


Sous la Grande Halle de La Villette, une foule compacte se promène au milieu des stands. L’anglais est de mise. Il est question de sauvegarde des océans et de protection des migrants. Une organisation appelle à l’abolition de l’arme nucléaire, une autre veut apporter l’eau au Sahel. Facebook est là, Google aussi. Les cartes de visite s’échangent, les journalistes sont assaillis. La veille, un porteur de projet centrafricain a reçu la visite d’un représentant du président de la Banque mondiale, d’autres celle de chefs d’Etat présents pour la cérémonie d’ouverture. Murhula Zigabe, lui, n’a vu personne. Alors il redouble d’efforts. Un paquet de prospectus à la main, il fait le tour des stands et cible quelques tables rondes pour récupérer les contacts des experts présents. Il leur enverra un mail explicatif à son retour au pays.

Lutter contre la fatalité

Le Forum de Paris touche maintenant à sa fin. Au milieu des quelques centaines de participants réunis dans l’agora, un vaste espace circulaire pensé sur le modèle des assemblées citoyennes antiques, son président Justin Vaïsse parle d’un « événement historique ». Il égrène les chiffres marquants de cette première édition : 75 chefs d’Etat, de gouvernement et d’organisation internationale ; 40 pays représentés ; 12 000 visiteurs… Et présente les dix projets sélectionnés pour bénéficier pendant un an du soutien du Forum et de ses partenaires.

Celui de Murhula Zigabe n’en fait pas partie. Qu’à cela ne tienne, l’expérience aura été fructueuse et les échanges riches en enseignements. « Ils m’ont permis d’appréhender différemment mon projet pour le rendre plus efficace et plus rentable », indique-t-il. L’entrepreneur congolais entend maintenant pousser ses jeunes compatriotes à suivre sa voie. « Je viens d’un pays où les histoires n’ont pas de fin heureuse, si bien que la population verse dans la fatalité. Mais cette fatalité empêche la RDC de se développer, de se démocratiser », poursuit Murhula Zigabe. Et de rappeler :  « Rien ne me prédisposait à être ici. »

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