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Par
Christophe Jousset
Publié le 27-10-2018
Modifié le 27-10-2018 à 17:41
Nommé à la tête des Pharaons, à l’issue de la dernière Coupe du monde, le Mexicain Javier Aguirre a rapidement mis l’Egypte sur les bons rails puisqu’ils sont déjà qualifiés pour la CAN 2019. Dans cette interview avec RFI, il se montre très ambitieux pour la prochaine Coupe d’Afrique, persuadé d’avoir une équipe très talentueuse.
RFI: Javier, comment vous êtes-vous retrouvé à entraîner la sélection égyptienne ?
Javier Aguirre: Je m’étais rendu à la Coupe du monde en Russie en tant que consultant de la télévision mexicaine. J’ai été approché par quelques équipes nationales, dont l’Egypte. J’ai vu qu’il y avait des joueurs de qualité, dont beaucoup évoluant à l’étranger. J’ai donc été intéressé, car c’était du sérieux, avec un travail de fond fait par Hector Cuper pendant quatre années. Les bases étaient solides et cela m’a décidé à venir m’installer au Caire.
Vous suiviez cette équipe depuis longtemps ?
J’avoue que non. Je connaissais bien sûr Mohamed Salah, je savais que Zamalek et Al Ahly font partie des meilleurs clubs d’Afrique, qu’ils ont déjà joué contre le Real Madrid ou Barcelone ou dans des compétitions internationales de premier plan, et que forcément ils donnent de l’éclat au championnat égyptien. Mais bon, à part ça, je ne connaissais pas grand-chose… Après, j’ai suivi bien entendu tous leurs matches à la Coupe du monde, j’avais regardé aussi le match de préparation qu’ils avaient disputé contre le Portugal et qu’ils avaient perdu dans les dernières secondes sur un doublé de Cristiano Ronaldo.
Et qu’aviez-vous pensé de cette équipe égyptienne ?
Je l’avais trouvé très bien organisée, avec évidemment la main d’Hector Cuper.
Et à votre arrivée en Egypte vous avez procédé comment ?
Dès le premier mois, j’ai fait une véritable immersion afin de voir le maximum de matches de championnat. Au bout d’un mois, j’avais observé toutes les équipes. J’avais l’impression de ramer contre le courant tellement c’était intense. Mais bon, je m’y suis mis rapidement.
Et qu’est-ce qui vous a étonné le plus dans cette découverte du football égyptien ?
En premier, très sincèrement, la qualité individuelle. D’ailleurs, les dirigeants de la Fédération m’ont dit qu’ils m’avaient choisi parce que le football mexicain leur semble très proche du football égyptien. Et c’est vrai. La qualité des joueurs, la discipline tactique présente bien des similitudes entre les deux pays et ça a été une agréable surprise pour moi. Les joueurs égyptiens sont très talentueux.
Vous avez eu l’occasion de parler avec Hector Cuper après son départ ?
Oui. C’est normal, entre entraîneurs, on a l’habitude de partager des informations et d’échanger entre nous. J’ai appelé Hector et il a répondu à mes questions avec beaucoup de gentillesse.
Vous avez parlé de Mohamed Salah… Quelle est son influence dans l’équipe d’Egypte ?
C’est tout simplement la référence absolue. Quand on parle de l’équipe d’Egypte, on pense d’abord à Mohamed Salah. L’année dernière il a véritablement explosé, s’imposant comme le meilleur joueur de Premier League, qui est le meilleur championnat au monde, ou au moins un des trois meilleurs sans aucun doute. Evidemment, ça l’a transformé en idole mondiale, suivie en permanence par les médias de tous les continents. Et son aura a logiquement profité à toute l’équipe. Je ne saurais pas vous dire ce qu’il représente en Egypte car à chaque fois qu’il vient ici, en général une fois par mois, les gens tombent carrément à ses pieds. Il y a foule à chaque fois pour l’apercevoir, que ce soit à l’aéroport ou à la descente du car de l’équipe. C’est un personnage qui a une grande importance dans la société égyptienne. Et il en va de même dans tout le monde arabe et dans le continent africain. C’est un joueur à part. Et il faut reconnaître que Salah assume ce rôle avec beaucoup de naturel et de simplicité, tout en veillant à ne pas sombrer devant tant de sollicitations. Je suppose que des joueurs comme Lionel Messi ou Cristiano Ronaldo connaissent un peu la même chose, et lorsqu’on a la responsabilité de les accueillir en équipe nationale, il faut veiller à faire très attention pour qu’ils se sentent bien.
Salah a vécu une Coupe du monde difficile après sa blessure en finale de la Ligue des champions, d’autant qu’il a rencontré aussi des problèmes avec sa Fédération. Sa photo avec le leader tchétchène Khadirov a fait beaucoup parler. Est-ce que ces moments pénibles pour Mohamed Salah sont désormais derrière lui ?
J’ai tout fait, et je pense avoir réussi, pour que ces problèmes ne nuisent pas à ses performances. C’est un grand professionnel, il sait faire la part des choses. Je suis au courant de tous les problèmes qu’il a connus ces derniers mois, mais ça n’influe pas dans ses performances. En tout cas, à chaque fois qu’il vient avec nous, je le sens très concentré et très impliqué. S’il a, ou s’il a eu, d’autres problèmes en dehors de ce qui nous concerne, il a toujours fait en sorte de ne pas les ramener sur le terrain de jeu.
Salah connaît un début de saison plus difficile que l’année dernière. Est-ce que ça vous inquiète ?
Pour n’importe quel joueur, il est difficile de rester tout le temps au top. Il est très dur de marquer 36 buts en Premier League, disputer une Ligue des champions aussi. C’est très éprouvant. Il va falloir faire un suivi très précis de tous les joueurs et pas seulement de Salah, car cette année, la CAN va se dérouler en été, donc en fin de saison. Il nous faudra respecter les obligations fixées par la Fifa concernant le repos des joueurs. Donc attention, ce sera une CAN atypique, en plein été, et ce sera une grosse responsabilité pour le staff technique. Dès que notre qualification a été assurée, nous avons commencé à préparer notre programme de travail afin d’avoir les joueurs dans la meilleure forme possible.
Justement, puisque l’Egypte est déjà qualifiée, que ferez-vous lors des deux dernières journées des éliminatoires ? Allez-vous continuer à travailler avec les titulaires habituels ou allez-vous en profiter pour tester d’autres joueurs ?
Bonne question. J’avoue que je n’ai pas encore la réponse. Nous essayons de conclure des matches amicaux en novembre et en mars. Ce serait l’idéal pour faire jouer des jeunes. Ça nous permettrait de varier, de garder les titulaires pour les matches éliminatoires et les jeunes pour les amicaux. Car on a quelques jeunes qui peuvent très bien rejoindre le groupe habituel.
A la dernière Coupe du monde, on a remarqué qu’aucune équipe africaine n’a franchi le premier tour. Et la création de la nouvelle Ligue des nations en Europe restreint les possibilités pour les équipes africaines de rencontrer les principales nations européennes et donc de progresser. Regrettez-vous cela ?
Bien sûr, car il ne fait aucun doute que le meilleur football du monde est celui pratiqué en Europe. Cette nouvelle compétition limite les possibilités de jouer contre les grandes équipes européennes et il faut se battre pour croiser le Brésil, l’Argentine ou l’Uruguay. Nous avons exposé nos inquiétudes lors de la remise des prix FIFA le mois dernier à Londres car ça rend les choses très compliquées. Et ça nous oblige à chercher d’autres solutions pour continuer à progresser.
Si la CAN 2019, prévue au Cameroun, devait finalement changer de pays d’accueil, le président de la CAF, Ahmad, a évoqué comme possibles pays de substitution le Maroc, l’Afrique du Sud et l’Egypte. Ça vous plairait de jouer la CAN à domicile ?
On sera fixé fin novembre, après une dernière visite d’inspection de la CAF au Cameroun. A ma connaissance, les rumeurs désignent surtout le Maroc. En tout cas, il faudra prendre bien vite une décision définitive car nous serons 24 équipes. Il faut une logistique importante et il semble que le Cameroun a du mal. Mais je préfère rester prudent et ne pas donner l’impression de ne pas vouloir aller au Cameroun. Tant que le Cameroun est le pays hôte, je vais éviter de donner mon avis sur une éventuelle délocalisation.
Vous êtes déjà qualifié mais les éliminatoires ne s’achèveront que fin mars, avec un tirage au sort au plus tôt début avril. Ça vous laissera un peu plus de deux mois pour vous organiser. Ça vous paraît suffisant ?
Vous avez raison. Nous sommes heureux d’avoir déjà notre ticket pour la phase finale. Et le temps sera très serré pour tout organiser : les déplacements, les hôtels, les adversaires. Je ne veux pas dire que c’est désorganisé, car ce retard répondait à une demande généralisée afin d’éviter que le calendrier éliminatoire de la CAN ne vienne perturber les équipes qui préparaient la dernière Coupe du monde. Mais bien sûr que ça nous affecte.
Parmi vos succès dans cette phase éliminatoire, il y a eu votre victoire 6-0 sur le Niger. Avez-vous été surpris d’un tel score face à une équipe qui a pourtant disputé des phases finales de la CAN encore récemment ?
Quand il y a des scores aussi importants, c’est que plusieurs facteurs y contribuent. Ce n’est pas un résultat normal, même quand l’écart de niveau entre les deux équipes est très important, comme c’était le cas à cette occasion. Le Niger n’a pas fait un mauvais match, mais mes joueurs étaient très inspirés. Je ne sais pas si c’était pour me faire plaisir pour mon premier match ou parce qu’on avait changé notre système de jeu… Cela dit, on a été très supérieurs au Niger ce soir-là.
Vous avez déjà réussi votre premier objectif, vous qualifier pour la CAN. Il faudra ensuite tenter de la remporter, puis de vous qualifier pour le Mondial 2022. Vaste programme…
Nous sommes tous très heureux car trois matches nous ont suffi pour nous qualifier, et l’équipe tourne bien. Il faut aller par étape. Pour le moment, je ne pense qu’à la CAN, je ne veux pas regarder plus loin. Il faudra continuer à progresser dans le jeu avec l’objectif de remporter cette CAN. Nous n’envisageons rien d’autre que la victoire finale. Avec un palmarès comme le nôtre, toute autre performance serait décevante.
Propos recueillis par Carlos Pizarro et Christophe Jousset pour RFI.