Par Joseph ILUNGA
Kabila Kabange n’a plus de porte-parole depuis qu’il a congédié Kudura Kasongo, ci-devant président du FIS (Front d’Intégration Sociale), parti politique satellite du PPRD et donc membre de la mouvance présidentielle, AMP.
Mais pourquoi et comment le successeur désigné à Laurent-Désiré Taratibu Kabila ka Makolo s’est-il séparé de son porte-parole, l’ex-journaliste dont les écrits et autres photos ne sont plus visibles sur le site du président de la République dont il était pourtant l’animateur zélé ?
En effet, selon un porte-parole de la présidence de la République dont il convient de faire mystère de l’identité, Kudura Kasongo Mwana Luaba a été pris la main dans le sac par Joseph Kabila Kabange lui-même. Tout est parti de la demande d’une aide financière adressée à Kabila Kabange par des religieuses impliquées dans l’action sociale au profit de la jeunesse défavorisée dans la province pourtant riche du Katanga. Accédant à la demande desdites religieuses, Kabila Kabange dépêcha Kudura Kasongo, alors son porte-parole, auprès de l’archevêque de Lubumbashi en vue de lui remettre cent mille dollars américains.
Comme on pouvait ne pas s’y attendre, arrivé à Lubumbashi, Kudura Kasongo décida de se servir et ne remettra à Mgr l’archevêque que cinquante mille dollars américains. De ladite somme, le prélat remettra à Kudura trois mille dollars américains comme pour lui témoigner sa gratitude et fera parvenir les 47 mille dollars américains restants aux bonnes religieuses.
Mais, voilà que quelques semaines après Kabila Kabange se rend à Lubumbashi. C’est alors que les religieuses qui avaient reçu les 47 mille dollars américains contactent l’archevêque et lui signifient que l’argent reçu du président de la République ne peut leur permettre de mener, comme il le faut, le projet pour lequel elles avaient sollicité son aide financière.
Se faisant porte-parole de ses bonnes religieuses, l’archevêque qui ne se doutait de rien se fait recevoir, à sa demande, par le champion de l’AMP à qui il signifie que les 50 mille dollars envoyés aux religieuses ne leur ont pas permis de mener à bien leur projet au profit de la jeunesse. Kabila qui n’en croit pas ses oreilles dit à l’archevêque qu’il lui avait plutôt fait parvenir 100 mille dollars américains par le biais de son porte-parole Kudura Kasongo destinés aux religieuses. L’archevêque rétorque qu’il n’avait reçu de Kudura que 50 mille dollars et que sur cette somme il lui avait remis trois mille dollars américains.
Sur le champ, Kabila furieux prend contact avec son cabinet à Kinshasa et exige que Kudura embarque à bord du premier avion à destination de Lubumbashi et arrive au chef-lieu du Katanga avant 17 heures. Ce qui a été fait. Alors que Kudura ne se doutait de rien, Kabila fait venir l’archevêque et demande à son porte-parole combien d’argent il lui avait donné pour remettre en mains propres au prélat. C’est alors que Kudura perd son latin et s’embourbe dans des explications en affirmant qu’il y avait d’autres personnes qui avaient demandé de l’argent avant et qu’il avait jugé bon de les satisfaire aussi. Kabila lui déparle en lui demandant de ne pas donner des explications mais de dire combien d’argent il lui avait reçu pour remettre en mains propres à l’archevêque. Kudura cite le montant de 100 mille dollars. Kabila demande alors à son porte-parole de sortir et dit à ses collaborateurs présents qu’il ne veut plus le voir. Le message est relayé à Kinshasa. Depuis ce jour là, il y a plus d’un trimestre, Kudura Kasongo Mwana Luaba n’a plus remis ses pieds au cabinet présidentiel au Palais de la Nation à Kinshasa. D’ailleurs, le poste de porte-parole de président de la République a disparu.
Au Palais de la Nation, on soutient que si Kudura a été congédié c’est parce qu’il a été un multirécidiviste qui opérait des coupes sombres dans les enveloppes qu’il devait remettre, d’ordre de la hiérarchie, à la presse prépayée de Kinshasa et à diverses personnes qui sollicitaient l’aide financière du chef de l’Etat.
Sans devenir l’avocat du diable, on doit à la vérité de souligner que Kudura Kasongo n’est pas le seul collaborateur de Kabila à se servir au lieu de servir quand des nécessiteux congolais sollicitent l’aide financière du chef de l’Etat congolais. C’est ici le lieu de rappeler que des éditeurs des journaux et autres patrons des médias audiovisuels invités par le cabinet de Kikaya bin Karubi, alors ministre de l’information, à rencontrer Joseph Kabila au Palais de la Nation le 2 août 2002 dans le cadre d’une conférence de presse sur l’état de la nation, avaient sollicité du chef de l’Etat une aide financière de l’ordre de cent mille dollars américains pour chaque organe de presse. Pour toute réponse, Kabila avait promis de donner suite à leur demande par le biais de son directeur de cabinet adjoint d’alors, Evariste Boshab.
Moins d’un mois après, Boshab convoquait trois «patrons» de presse à qui il remettait 50 mille dollars destinés à tous ceux qui furent reçus par Kabila le 2 août et promettait d’ajouter 50 autres mille dollars par après. Plus d’un mois après, Boshab était désigné directeur de cabinet du président de la République et la promesse d’une autre rallonge de 50.000 dollars américains n’avait plus été tenue, Boshab ayant prétexté que le dossier n’était plus de sa compétence.
Quel montant donc avait été débloqué par Kabila au profit des «patrons» de presse en août 2002 ? Nul ne saurait le dire quand bien même à l’époque il se murmurait dans les milieux desdits « patrons » de presse que Boshab se serait servi sur le dos des «partons» de presse.
Qu’on se souvienne qu’à l’avènement de l’AFDL, Laurent-Désiré Kabila avait remis à un groupe d’éditeurs proches de son régime un million de dollars américains comme « aide à la presse ». C’est alors que fut créée la CASPROM (Caisse de Solidarité des Professionnels des Médias). Le million de dollars donné, peut-être de bonne foi, par le tombeur de Mobutu fut détourné de son objectif avoué, certains éditeurs ayant profité de l’opportunité pour s’acheter des maisons, d’autres des taxi-bus pour faire du commerce, d’autres encore saisiront l’occasion pour immigrer. L’argent public a été ainsi jeté par la fenêtre sans que des comptes aient été demandés aux fameux éditeurs qui continuent à bénéficier, aujourd’hui comme hier, de financement public occulte sous prétexte qu’ils apportent un soutien inconditionnel au régime des Kabila.
Le Congo des Kabila ayant la prétention d’être une démocratie, il est curieux que le président de la République se singularise par des libéralités financières sans que l’opinion ni les services publics comme l’Inspection Générale des Finances ou la Cour des Comptes ne se soucient de savoir de quel budget tout cela émarge et quel usage on en fait. Comment donc ne pas considérer tous ces «dons» présidentiels comme de la corruption institutionnalisée quand au sommet de l’Etat on ne recourt pas aux circuits officiels et bancaires mais on préfère faire des «dons» en argent liquide ? Cela rappelle curieusement une certaine banque flottante coiffée d’une toque de léopard. Voilà peut-peut-être pourquoi le kabilisme c’est l’autre nom du mobutisme.