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La crise au Mali doit réveiller l’idéal du panafricanisme


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Un jeune vendeur de drapeaux maliens et français, Bamako, 24 janvier 2013.© REUTERS
Un jeune vendeur de drapeaux maliens et français, Bamako, 24 janvier 2013.© REUTERS

-Panafricanime et renaissance africaine. Un thème stimulant et délibérément optimiste, mais très loin des réalités qui ont dominé les travaux du 20e sommet de l’Union africaine (UA), les 27 et 28 janvier 2013, à Addis Abeba, en Ethiopie.

Une fois de plus, les chefs d’Etat et de gouvernement ont été débordés par l’actualité et ont consacré l’essentiel de leurs travaux à l’examen des conflits et crises qui secouent actuellement l’Afrique. Avec des degrés d’intensité variables, les principales régions africaines connaissent des foyers de tensions armées.

Mais, c’est sans conteste le conflit malien qui a dominé dans les débats lors du sommet de l’UA. D’entrée de jeu, le chef de l’Etat du Bénin et président en exercice sortant de l’organisation, Thomas Boni Yayi, a donné le ton dans son discours inaugural.

Il a longuement salué le «courage» de son homologue français, François Hollande, d’avoir empêché les groupes djihadistes d’Ansar Dine, du Mujao et d’Aqmi de s’emparer de la totalité du Mali.

L’opération Serval a non seulement mis un coup d’arrêt au super rezzou en Toyota des djihadistes vers Bamako, mais est en voie de restaurer l’intégrité territoriale du Mali, une fois que la ville de Kidal sera entièrement libérée.

Enthousiasme débordant sur l’opération Serval

Dans son allocution, le président béninois a répondu à ceux qui continuent à s’interroger voire à dénoncer l’opportunité de l’intervention française dans une crise africaine. Certains contempteurs ont vu dans l’opération Serval des mobiles «néocolonialistes ou des visées françaises sur l’or et l’uranium» dont regorgerait le NordMali.

S’il est vrai que les grandes puissances ont souvent agi en fonction d’abord de leurs intérêts, François Hollande a sans doute mieux compris que les autres dirigeants occidentaux que l’expansion des groupes djihadistes en zone sahélienne menace les intérêts économiques et la sécurité des expatriés occidentaux dans cette région.

Les Français enlevés au Niger sur le site d’Areva et toujours retenus en otage au Sahel et le sort funeste des expatriés occidentaux et japonais tués récemment sur le site gazier algérien d’In Amenas par le groupe de l’Algérien Mokhtar Belmokhtar en sont la preuve tragique.

Thomas Yayi Boni a aussi assené une autre vérité à ses homologues africains. Il a longuement déploré dans son discours l’incapacité des Etats africains à se défendre face aux crises armées.

La conquête de la province du Nord-Kivu en décembre 2012 par la rébellion du M23 et l’offensive-éclair de la coalition de rebelles du Séléka, en République centrafricaine, face à des forces gouvernementales en débandade en sont la preuve récente.

Alors que l’intangibilité des frontières est l’une des clefs de voûte de la charte de l’Union africaine, des groupes armés fanatiques ont occupé pendant plus de dix mois 60% du territoire malien sans véritablement être inquiétés avant le déclenchement de l’opération Serval, le 10 janvier.

Plus grave, de nombreux pays frontaliers du Mali, membres ou non de la Cédéao (Communauté des économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest), ont pendant longtemps tenté de négocier avec les envahisseurs djihadistes leur donnant du même coup une légitimité alors qu’aujourd’hui ils sont traités de «criminels et de terroristes».

C’est ainsi que l’on a vu le rôle du médiateur de la Cédéao sur la crise au Mali, consécutive au coup d’Etat militaire du 22 mars du capitaine Sanogo, s’élargir.

La Cédéao, une interlocutrice indispensable

Le président burkinabè, Blaise Compaoré a en effet tenté, en vain, de jouer les bons offices entre Ansar Dine et le pouvoir de Bamako. Au moins deux rencontres ont été organisées à Ouagadougou.

Alger a aussi parrainé la voie de la paix avant d’être dupé à son tour par Ansar Dine. Aujourd’hui, il apparaît que les tenants des négociations de paix ont fait fausse route.

Dans le même temps, on peut voir aussi dans la démarche du président burkinabè un aveu d’échec. Il était préférable de tenter de négocier, car les pays de la Cédéao n’avaient pas la capacité militaire de déloger 4.000 djihadistes aguerris et surarmés.

Comme les armées congolaises, centrafricaines et maliennes, les armées de la sous-région sous équipées et sans moyens logistiques ne pouvaient pas entreprendre seules la reconquête du Nord-Mali.

Par ailleurs, leur tâche aurait été alors compliquée par la Mauritanie et l’Algérie, deux grands voisins du Mali restés longtemps opposés à une intervention armée contre les djihadistes.

La solidarité «communautaire et berbère a prévalu sur toute autre considération à Alger et Nouakchott», déplore un ancien diplomate malien qui a été en poste au Maghreb.

En déplorant la réaction de ceux qui ont dénoncé l’intervention française au Mali, le président béninois a sans doute pensé aussi à l’Egypte et à la Tunisie.

Les deux pays phares du printemps arabe, membres de l’UA sont aujourd’hui dirigés par des pouvoirs islamistes sous influence des Frères musulmans qui ont estimé que la crise malienne devait être réglée entre Africains et musulmans. La Tunisie et l’Egypte post-révolution sont tentées de se situer plus au nord de l’Afrique qu’en Afrique du Nord.

Mais, il faut reconnaître que la crise malienne a provoqué un électrochoc. L’Union africaine et la Cédéao devront s’unir et jouer un rôle majeur dans la phase post-crise qui se dessine au Mali.

On évoque déjà la possibilité de déployer une force sous les couleurs de l’ONU alors qu’aucune des missions de maintien de la paix en Afrique conduites par les Nations unies au cours des ces dernières décennies n’a été couronnée de succès.

De l’Angola, au Rwanda dans les 1990 en passant par la RDC et la Côte d’Ivoire plus proches de nous, la présence onusienne dans ces pays n’a pas été un facteur de paix paradoxalement.

Eviter les erreurs du passé

Sur l’exemple de l’Amisom en Somalie, on peut mettre sur pied une force africaine sous l’égide de l’Union africaine et de la Cédéao avec un soutien financier international. A ce titre, on peut imaginer la mise en place d’un club des «pays amis du Mali». Sur le modèle des pays amis de la Syrie ou naguère de la Libye pour aider à la reconstruction non seulement du Nord-Mali, mais du pays tout entier.

Le mardi, 29 janvier, les pays donateurs du Mali réunis à Addis Abeba ont promis près d’un demi milliard de dollars d’aide. C’est déjà un gros effort avec l’aide militaire française.

Aux dirigeants politiques et militaires maliens d’assumer leurs responsabilités et de se montrer à la hauteur de la mobilisation internationale en faveur de leur pays.

Cela passe par un dialogue, la réconciliation et le respect des droits des populations du nord du pays dans toute sa diversité. Faute de quoi, les vieux démons se réveilleront.

Le 20e sommet de l’Union africaine a marqué l’entrée en scène de la nouvelle présidente de la Commission de l’organisation. La Sud-Africaine Dlamini Zuma qui a annoncé avec fierté une contribution de 50 millions de dollars lors de la réunion des donateurs du Mali.

Un beau geste panafricain qui mérite d’être salué. Mais, la renaissance viendra lorsque l’Union africaine sera financièrement autonome alors que plus de 90% de son budget dépend de l’aide extérieure, principalement de l’Union européenne. Mais ça, c’est une autre histoire.

Assane Diop (Slate Afrique)