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Par J.-P. Mbelu
-Avant d’aller aux élections probables de novembre 2011, sera-t-il possible à plusieurs d’entre nous de s’adonner à un exercice simple et compliqué à la fois : répondre à quelques questions ? Qui nous occupe chez nous ? Qu’est-ce qui est occupé chez nous ? Nos terres ou aussi nos yeux, nos oreilles, nos cœurs et nos esprits ? Quand, à l’approche de ces élections, Amba Wetshi nous dit que la Monusco tombe le masque, comment interprétons-nous cela ? La politique peut être une autre façon de poursuivre une guerre d’agression. Et vice versa.
A en croire l’échange que Joseph a eu hier (mercredi 03 août 2011) avec les Ambassadeurs, les chefs des Missions Diplomatiques, les Représentants de l’Union Africaine et la Monusco , les élections auront lieu dans les délais. Les conditions sécuritaires seraient réunies pour cela.
Joseph Kabila s’est adressé à cette « représentation majoritairement extérieure » quelque temps après que « l’opposition congolaise » (ou ce qu’il en reste !) lui ait adressée une lettre ouverte. Y aurait-il là un message à décrypter ? Le dialogue et l’échange seraient-ils beaucoup plus faciles avec la « représentation extérieure » qu’avec la « représentation intérieure » ? La caravane continue-t-elle à passer pendant que les chiens aboient ; avec l’option de les écraser ? Y aurait-il là un signal fort donné à ceux et celles d’entre nous qui, depuis 1996, n’ont jamais compris que la guerre d’agression menée contre notre pays avait pour objectif la liquidation pure et simple de ce colosse aux pieds d’argile et qu’elle se poursuit sous d’autres formes (dont les fameuses élections au suffrage universel) ? L’avenir proche nous aidera à voir plus ou moins clair pour la suite des évènements chez nous…
Faut-il croire en cette énième promesse de Joseph Kabila destinée prioritairement à la consommation extérieure ? Il n’y a pas très longtemps que l’un de ses ex-alliés ( ?) a égrainé la litanie de promesses faites en 2005 et non tenues jusqu’à ce jour sans qu’aucun démenti vienne contredire son discours-évaluation. La fameuse lettre ouverte de « l’opposition politique » s’est adonnée à un même exercice sans que « les vuvuzélateurs » du camp présidentiel ne pipent mot. L’une des promesses les plus récentes avait été celle de faire de l’année 2010 l’année du social. Au huitième mois de l’année 2011, les droits socio-économiques et culturels des Congolais(es) sont en permanence violés et cela sur toute l’étendue de notre territoire national. La sous-humanisation des Congolais(es) a atteint des dimensions plus que révoltantes.
L’inquiétant, quand nous nous livrons à ce genre d’évaluation, est que nous avons perdu de vue, par action, par omission, par ignorance et/ou par cupidité et avarice que les élections de 2005 ont participé de la continuation de la guerre d’agression de 1996. La démocratie capitaliste dans laquelle nous avons cru n’a été qu’un bluff.
Quand Joseph Kabila soutient que les élections auront lieu dans les délais, il ne fait aucune allusion aux préalables indispensables à l’organisation des élections transparentes, libres démocratiques et démocratiques tels qu’ils sont formulés par « l’opposition politique ». Il se moque même des compatriotes de l’Est et de ceux de nos quartiers populaires côtoyant la mort au quotidien en soutenant que les conditions sécuritaires se sont améliorées au pays. Comme si la mort semée au quotidien au Nord et au Sud-Kivu, dans la province Orientale (et ailleurs) et la violation des droits socio-économiques de nos populations n’étaient pas insécurisantes ! Quel cynisme ?
En sus, pour ceux et celles d’entre nous qui croient de toutes leurs forces dans cette « farce démocratique », l’enrôlement a pris fin avant que, dans certains coins de notre pays, nos populations aient accès à leurs cartes d’identités et/ou d’électeurs ! Au Nord-Kivu, officiellement, 80% de nos populations ne se sont pas enrôlés.
Et pour certains d’entre nous, poser toutes ces questions, c’est avoir peur des élections. Quand « les maîtres Joseph Kabila et son ami Ngoy Mulunda » affirment que les choses sont sur la bonne voie, tout le monde doit dire : « Amen ! ». Comme si l’activisme politique était la même chose que des actes de foi dans « le magister dixit » (le maître a parlé et on s’incline sans discuter !) Et quand « la fameuse opposition » ose s’exprimer sur toutes ces questions, elle s’entend dire : « Tu as tes représentants dans la CENI. Tu leur fais confiance et tu te tais. » Comme si la confiance excluait le contrôle ! Quand elle exige le contrôle et durcit ses positions, on lui dit : « Les partenaires extérieurs ne vont pas apprécier ! » Bon sang ! Où sommes-nous là ? En plein processus d’infantilisation de ce qui nous reste encore ( ?) de classe politique congolaise !
Tout se passe comme si le débat public n’était pas l’un des fondamentaux de la participation citoyenne à la légitimation du pouvoir politique !
Au vu de ce qui se vit chez nous, nous pensons que la question de l’occupation doit être posée sur plusieurs plans ou à plusieurs niveaux de notre existence collective. Qu’est-ce qui est occupé chez nous ? Nos terres, sans aucun doute. En dehors de celles de l’Est, il y a aussi tous les carrés miniers. Mais beaucoup plus nos yeux, nos cœurs et nos esprits ! Ou plutôt nos terres et nos yeux, nos cœurs et nos esprits. Si nous pouvons, à force de résistance « musculaire », à terme, débarrasser « notre paradis des salauds » qui l’ont violé et violenté, tout restera à faire au niveau des yeux, des cœurs et des esprits. ( La Chine que certains d’entre nous admirent aujourd’hui avait compris, en son temps, en marge des excès, que se débarrasser de ses adversaires devait passer par la révolution culturelle pour la reconquête des yeux, des cœurs et des esprits. Tout le monde, du plus petit paysan au plus grand professeur d’université, tout le monde est allé à l’école « du parti » !)
Quand nous discutons de la question de l’occupation de notre pays, plusieurs d’entre nous soutiennent que nos terres sont prises en otage par les Ougandais, les Rwandais et leurs collabos. Ce qui est en partie vrai. En dehors de l’abondante littérature traitant de cette question, le documentaire intitulé « Congo na biso. La veille d’une élection démocratique » y revient et fait défiler tous les collabos de cette sale besogne qui, à notre grand étonnement, se retrouvent, pour la plupart, dans les institutions du pays et même dans « la fameuse opposition politique ». Eux aussi parlent de l’impératif du changement et des élections démocratiques sans qu’aucune allusion soit faite à une justice réparatrice de la mort qu’ils ont semée chez nous ! Cela malgré l’existence d’un rapport suffisamment documenté sur leurs crimes ! (Il s’agit du rapport mapping publié le 1er octobre 2010)
En effet, cette approche de l’occupation de nos terres a sa part de vérité. Mais elle est partielle. Dans Carnages. Les secrets des guerres des grandes puissances en Afrique, Sassou Nguesso se confiant à Pierre Péan (l’auteur du livre) au sujet des accusations portées par le Rwanda (de Paul Kagame) à l’endroit de la France lui dit : « Quand un paralytique assis au pied du manguier joue avec des feuilles vertes ( La France ), c’est qu’il y a quelqu’un dans l’arbre qui les lui a jetées. Sinon, il ne joue qu’avec des feuilles mortes ! » Et d’ajouter : « Il suffirait à Paris de dire à ‘ses amis’ les protecteurs de Kagame-les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et Israël- de calmer un peur leur protéger pour que les attaques cessent. » Quand, certains d’entre nous, faisant allusion aux élections probables de 2011, ils se limitent aux occupants visibles et chantent « Ya Tshitshi, zongisa ye na Rwanda », ils soulèvent une importante question : « Quelle garantie ont-ils qui les convainquent que le retour « de l’autre » au Rwanda suffira à renverser les rapports de force dans la balance de ses « protecteurs » ? » Est-ce un hasard que le travail d’enrôlement fait dans la précipitation par la CENI et contesté par « l’opposition politique » soit applaudi par la Monusco (gérée par l’Américain Roger Meece) après le Chargé d’Affaires africaines Américain ? (A ce propos, lire l’article de Baudouin Amba Wetshi dans CIC intitulé Elections 2011 : la Monusco tombe le masque)
Reconnaître que le Congo dit démocratique est un pays sous tutelle nous éviterait de faire des élections à venir un enjeu majeur.
Dieu merci ! Les minorités Congolaises organisées ont compris que qu’elles aient ou pas lieu, la lutte doit se poursuivre avec courage, persévérance et abnégation. Pourquoi ? Parce que la question qui nous préoccupe ou devrait nous préoccuper n’est pas uniquement celle d’évaluer les acteurs « politiques » en place. Non. Elle est beaucoup plus celle de nous débarrasser de la tutelle. Dans les conditions actuelles, à notre avis, les élections n’y peuvent pas grand-chose. Pourquoi ? Qui les organisent ? Les tuteurs et leurs filleuls. Ils le font en nous incitant à croire au jeu démocratique. C’est du théâtre. Un théâtre de mauvais goût auquel participent les plus amnésiques d’entre nous. Malgré les apparences ! « Ils ont des yeux et ne voient pas. » Amba Wetshi crie ; il écrit : « Elections 2011 : la Monusco tombe le masque » et nous nous chantons : « Ya Tshitshi zongisa ye na Rwanda » ! Pour que Ya Tshitshi (ou un autre ou plusieurs autres) azongisa ye na Rwanda, il doit être capable, avec nos populations, de contraindre la Monusco et les autres faiseurs de rois à rentrer d’où ils sont venus et d’occuper efficacement l’espace public Congolais, les cœurs et les esprits des Congolais(es) en pensée, en parole et par les actions concrètes. Voilà l’un des défis majeurs auquel nous sommes présentement confrontés. Nous arrive-t-il de nous poser la question de savoir pourquoi une représentation onusienne en Libye n’a pas été dépêchée en Libye ? (à suivre)
J.-P. Mbelu