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-Pourchassé par les médias, le malheureux Thamsanqa Jantjie semble victime de lui-même, et d’une maladie.
l’interprète en langue des signes de l’hommage à Nelson Mandela? La question était dans tous les esprits jeudi en Afrique du Sud, partagée entre pitié, rire et indignation après que son charabia gestuel a fait le tour du monde.
L’homme qui a pu se tenir près de cinq heures à côté des plus puissants dirigeants du globe et des membres de la famille Mandela dont il ponctuait les discours de mouvements inarticulés des mains, “n’est pas un interprète professionnel“, a admis jeudi la vice-ministre aux Personnes handicapées Hendrietta Bogopane-Zulu.
“Mais on ne l’a pas ramassé dans la rue“, s’est-elle défendue, admettant “la possibilité d’une erreur à partir du moment où les autres gens n’ont pas compris l’interprète” et affirmant que le gouvernement aurait été “floué” par l’entreprise de l’interprète. “Ils ont disparu dans la nature“, a-t-elle dit.
Des accents d’homme traqué
Confus, Thamsanqa Jantjie, le malheureux interprète, a tenté de son côté de se défendre, pourchassé par les médias, alors que la communauté des sourds criait à l'”imposteur“. Ses propos sont assez incohérents au début, mais voici ce qu’on peut comprendre:
“Ce qui est arrivé ce jour-là, je ne sais pas comment je peux le décrire. J’ai vu des anges tomber sur le stade. Et j’ai commencé à réaliser que le problème était ici. (…)
Parfois, je vois des choses qui me poursuivent et j’étais dans une position très très difficile. Je souffre d’une maladie très difficile. Une maladie qui vous met dans une position que vous ne comprenez pas vous même certaines fois. Et que je ne peux pas changer. Parfois, vous voyez des personnes qui vous parlent ou vous entendez des voix que vous ne comprenez pas… et à la fin vous perdez votre contrôle.
Je voudrais dire à tout le monde que si j’ai offensé quelqu’un, s’il vous plait, pardonnez-moi“, a-t-il déclaré dans une interview télévisée. Plus tôt dans la journée, à la radio, il a avoué qu’il souffrait de schizophrénie.
“Gesticuler sans règle”
En direct, Mme Delphin Hlungwane, porte-parole de la principale association de sourds d’Afrique du Sud (Deaf SA) qui la veille encore ne décolérait pas, l’accusant de “gesticuler dans l’air sans grammaire, ni structure, ni règle“, l’a pris en pitié et invité à la recontacter pour lui proposer de l’aide, sous-entendu une formation.>”Pas matière à embarras”
La ministre sud-africaine a nié qu’“il y ait là matière à un embarras national” avant de dire à l’AFP qu’elle “s’excusait auprès des sourds“.
La Fédération mondiale des sourds (WFD) comme celle des interprètes de langue des signes (WASLI) ont réagi, rappelant “l’importance d’avoir des interprétations de qualité pour tout événement public“.
Comparer avec un pro
Un téléspectateur entendant mais attentif pouvait se rendre compte que le pauvre Thamsanqa racontait n’importe quoi.
Il suffisait de comparer ses gestes avec ceux produits dans une incrustation ovale, en bas des écrans de télévision par un interprète officiel de la chaîne publique SABC, pour voir que les deux versions n’étaient pas d’accord.
“Ça a été un choc et une surprise quand on l’a vu à la cérémonie d’hommage“, a raconté Bruno Druchen, le directeur de Deaf SA sur le plateau de la chaîne d’information eNCA.
Les piètres prestations de M. Jantjie avaient déjà été remarquées lors d’autres événements de l’ANC, notamment son centenaire en janvier 2012, et Deaf SA avait envoyé un rapport au gouvernement, resté au placard.
“Imaginez que vous êtes dans un pays de langue espagnole, que le président Barack Obama est là pour s’exprimer et que quelqu’un prétend faire l’interprétation mais ne connaît pas un mot d’espagnol, tout le monde serait désespéré“, soulignait Myriam Vermeerbergen, une linguiste belge spécialisée.
Il existe 130 langues des signes
Les langues des signes –il en existe 130– sont les langues naturelles créées et transmises parmi les sourds, soulignent ses écrits universitaires.
Elles possèdent une grammaire et une syntaxe, sont indépendantes des langues parlées, et le plus souvent apprises à l’école par les enfants sourds qui naissent en majorité de parents entendants.
L’Afrique du Sud a attendu la présidence de Mandela en 1994 pour avoir des interprètes durant les journaux télévisés faisant des sourds “des citoyens” à part entière, souligne Mme Hlungwane.
Pour les personnalités, ou bien on épelle leurs noms, ou bien on recourt à un corpus de signes établis: la pipe pour désigner l’ancien président Thabo Mbeki, la main repliée devant le front pour évoquer la forme de crâne du président Zuma ou un doigt indiquant la raie des cheveux sur le côté pour Mandela, telle qu’il la portait avant d’être emprisonné en 1962.
rtl.be