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Les Bulgares ont soutenu, corps et âme, l’équipe croate. Un engouement partagé par de nombreux Européens de l’Est qui ont surtout vu chez les Bleus trop de… Noirs. Leur déception est à l’avenant.
Dimanche 15 juillet au soir à Sofia. Il est logique que les Croates soient tristes et abattus, écrit un chroniqueur du quotidien en ligne Dnevnik : ils viennent de perdre la finale contre l’équipe de France, un événement qualifié en Croatie “d’aussi important que l’indépendance du pays en 1991”. Ils peuvent d’autant plus l’être qu’ils ont, de l’avis général, très bien joué – et manqué un peu de chance. Mais pourquoi, poursuit l’auteur, cette même déception d’avoir raté le rendez-vous d’une vie semble partagée de façon aussi intense et intime par les supporters bulgares ? Il a fait chaud ce dimanche dans la capitale bulgare ; toutes les fenêtres étaient grandes ouvertes. “Et on entendait clairement les bordées d’injures et les cris de colère des spectateurs, après chaque but français”, poursuit-il.
À part le sentiment partagé d’une vague appartenance balkanique (que les Croates récusent), la Bulgarie n’a jamais été proche de Zagreb, ce qui n’est pas le cas avec la France. Solidarité orthodoxe ? Surtout pas : les premiers sont orthodoxes, les seconds (fervents) catholiques. Pourquoi alors cet engouement pour les Croates ? Selon une carte, publiée par le quotidien croate Jutarnji List avant la finale, une écrasante majorité de pays européens allaient soutenir l’équipe de Luka Modric plutôt que les Bleus.
Un racisme franc et décomplexé
“Si la finale était sur le même principe que l’Eurovision, nous aurions déjà gagné”, écrivait le journal. Une carte intéressante : certains pays sont partagés, comme la Grèce ou le Portugal, mais la plupart apportent leur franc soutien aux joueurs au maillot à damier rouge et blanc. À l’exception notable de la Serbie voisine – cas très particulier –, dont le président Aleksandar Vucic a lui-même précisé qu’il soutenait inconditionnellement l’équipe russe lors du match contre les Croates. La “solidarité slave”, avancée par le journal pour expliquer cet engouement pour les “Vatreni” s’avère donc à géométrie variable.
Un coup d’œil sur les réseaux sociaux bulgares apporte un début de réponse. L’arbitre de la finale, Néstor Pitana, y est souvent présenté comme le “meilleur joueur de l’équipe de France”. Mais ce n’est pas tout. Des photomontages de macaques tenant la Coupe du monde représentent les Bleus. Les commentaires sont à l’avenant, d’un racisme franc et décomplexé. Le leitmotiv ? L’équipe de France représente d’avantage l’Afrique que l’Hexagone. C’est une équipe d’immigrés à la différence des Croates qui, eux, sont de vrais Européens.
La représentativité ethnique
De manière encore plus troublante, au lendemain de la finale le quotidien populaire Standart de Sofia titrait en une : “L’Afrique exulte”, en précisant que 15 des 23 joueurs français étaient originaires du “continent noir”. Ce titre n’est pas passé inaperçu, bon nombre de commentateurs s’indignant que le journalisme bulgare “puisse tomber aussi bas”. D’autres ont néanmoins rappelé que de tels titres ont été produits par la presse française – et n’ont pas été jugés racistes. Dans un papier publié le 14 juillet, le très sérieux quotidien Sega de Sofia avait également abordé la question des étrangers dans l’équipe de France, en précisant que “seuls 6 des joueurs de Didier Deschamps sont des Européens pur jus”. Les autres auraient très bien pu jouer dans la sélection du Mali, de la RDC, du Cameroun, du Togo, de la Guinée, etc.
Cette question de la mixité et, plus généralement, de la représentativité ethnique des sélections nationales n’est pas nouvelle – notamment pour ce qui concerne l’équipe de France (un Jean-Marie Le Pen se fendait de commentaires à l’avenant il y a encore quelques années). Il y a aussi la question du conflit de loyautés : comme dans le cas des joueurs kosovars dans l’équipe suisse. Dans ce rejet des Bleus (chez lesquels il y a décidément trop d’Africains), le chroniqueur de Dnevnik voit, lui, une “frustration typiquement balkanique” : un exutoire, et une façon de fermer les yeux face à ses propres problèmes et défauts en s’en prenant à cette bande de “noirpiots prétentieux”. Le problème, à en croire la carte de Jutarnji List, est que ce sentiment semble partagé dans bien d’autres pays de cette “autre Europe”, chère au hongrois Viktor Orbán, dans laquelle il y a bien trop d’immigrés et de moins en moins d’autochtones. Et que ce sont bien les premiers qui ont gagné.
Alexandre Lévy