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Par J.-P. Mbelu
Commentant le discours de Joseph Kabila à Butembo tel que présenté dans ses grandes lignes par l’ACP, voici ce que Guy de Boeck écrit dans sa revue de presse d’hier (mercredi 15 septembre 2010) : « Outre le fait que ce discours représente une véritable gifle pour les gens qui sont les victimes des violences et des pillages dont on leur attribue la responsabilité, il se distingue par une description de la réalité vue à travers une vitre tellement déformante qu’on n’y voit plus clair. C’est fort bien de stigmatiser la raffinerie d’or de l’Ouganda. Mais il y a des installations rwandaises, notamment une « bourse aux matières premières », qui mériteraient d’être pareillement citées. Et, étonnamment, même les rebelles rwandais du FDLR ont disparu de la liste des « éléments négatifs » qui ne comportent plus que des rebelles ougandais, des Mai Mai et, fait nouveau, des milices d’auto-défense villageoises. Ce dernier reproche équivaut en pratique à faire grief aux villageois du coin de ne pas se laisser égorger comme des moutons. Les plaintes incessantes des habitants concernant le CNDP, que ce soit à propos de son administration civile ou pour les actions de ses soldats « intégrés » dans les FARDC sont considérées non pas comme matière négligeable, mais comme inexistantes, et l’existence d’un réseau mafieux mondial ayant des ramifications jusqu’à Kinshasa est traitée comme s’il s’agissait de banales affaires de contrebande locale et de règlements de comptes un peu rudes entre commerçants ! Pour aller aussi loin dans la volonté de ne pas voir un réseau mafieux, il faut en faire partie ! » Il est possible que plusieurs d’entre nous n’aient pas lu ce texte ! Il peut être positivé. Face à la résistance des « milices d’auto-défense villageoises » à l’endroit de toutes les forces d’occupation de notre pays, Joseph Kabila avoue que celles-ci ont tenu le coup. Mais faisant partie du réseau mafieux tenant à mettre le Congo de Lumumba à genou, il recourt à la recette de la tribu néolibérale contre les forces populaires qui lui résiste : leur criminalisation. Ce faisant, il réaffirme à quel camp il appartient : celui des agresseurs ; il est de la tribu néolibérale écrasant tout sur son passage pour avoir accès aux matières premières stratégiques de notre pays. Néanmoins, la criminalisation de la résistance à la tribu néolibérale n’est pas une trouvaille joséphiste. Partout où elle est pratiquée, elle est un appel à redoubler d’effort pour écraser ceux et celles qui tiennent à protéger leurs terres. La criminalisation de la résistance aux assauts de la tribu néolibérale sans frontières sert plusieurs objectifs : étouffer toute culture de la résistance, dénier la réalité de la mort que cette tribu sème au travers de ses hommes et femmes liges (du CNDP, des FDLR et des MaïMaï version Kigali, etc.), désinformer les éventuels résistants afin qu’ils ne rejoignent pas la lutte, plonger les fanatiques du discours dominant et les autres faibles d’esprit dans une ignorance obscurantisante, etc.
Il est un peu dommage que malgré cet aveu de la force de la résistance nord-kivutienne, il y ait encore des compatriotes qui estiment que les Congolais(es), dans leur immense majorité, sont des imbéciles. Le discours dominant et l’histoire officielle ont eu tellement de l’emprise sur nos cœurs et nos esprits que plusieurs d’entre nous ont perdu toute capacité de lire certains discours entre les lignes. Comment voulons-nous que celui qui prétend être le chef de l’Etat de tous les Congolais et de toutes les Congolaises arrive dans l’une des parties de notre pays les plus meurtries et qu’il s’adresse à nos populations en les culpabilisant sans qu’il prenne soin d’observer ne fût-ce qu’ une minute de silence pour nos millions de morts ? Il y a là quelque chose qui ne va pas.
De toutes les façons, il y a des vérités qui prennent du temps avant de triompher. Les minorités d’acteurs-créateurs ont compris depuis longtemps que Joseph Kabila participe de la mort de tout un peuple. Plusieurs compatriotes sont en train de comprendre, de plus en plus, en quoi consiste le rôle que joue Joseph Kabila. Certains d’entre eux, pour lui barrer la route, ont organisé une résistance multiforme. Les modestes victoires de celle-ci ne sont pas sujettes au temps que la tribu néolibérale dicte. L’essentiel serait que les différentes forces résistances se reconnaissent et poursuivent leur lutte commune, en dépit et malgré tout. Les forces de la résistance ont une grave mission : se réarmer de courage, de connaissance et de persévérance pour résister. Mais surtout pour construire le pouvoir. Construire un autre pouvoir au Congo. Dans la rupture et en synergie.
J.-P. Mbelu