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Par Jean N’Saka wa N’Saka, journaliste indépendant
Il y a un phénomène apparemment inoffensif et salutaire, mais qui freine l’évolution de la société et entrave l’exercice du libre arbitre autant que les rébellions armées, cependant que beaucoup de gens ne semblent pas s’en rendre compte.
C’est la prolifération des groupes de prédication communément appelés « Eglises de réveil ». Ces groupes poussent comme des champignons, et drainent une foule énorme de personnes – tous âges, tous sexes et tous niveaux d’instruction confondus – et sont éparpillés à tous les coins de la rue, à Kinshasa comme à l’intérieur. Mais qui adore-t-on dans ces groupes ? Est-ce le vrai Dieu dit l’Eternel ou bien le Mammon symbolisé par le Veau d’or ? Si les promoteurs de tous ces groupes de prédication étaient vraiment de saints hommes, grâce à des tonnes de prières, de louanges, de sermons et de chansons qu’ils envoient au ciel de jour et de nuit avec leurs adeptes, Dieu qui est si miséricordieux n’aurait pas manqué de les exaucer et la RDC serait devenue le paradis sur la terre.
Mais l’image de plus en plus sombre et immorale que reflète la société, contraste étrangement avec cette multitude de groupes de prédication qui semblent s’acharner à endormir les consciences plus qu’ils ne les réveillent. On dirait que tous les vices se sont donné rendez-vous dans notre société. Immoralité, impudicité, antipathie, haine, aversion, corruption, pillage des ressources, banditisme, insensibilité à la honte et au déshonneur, malhonnêteté, cupidité, sadisme, pratiques occultes, exploitation de la crédulité publique etc. Autant de tares qui ont supplanté les vertus et sont passées dans les moeurs. Cela est inimaginable dans une société qui fourmille de prédicateurs supposés être purs et consacrés à Dieu pour régénérer le pays et son peuple. C’est à leurs fruits qu’on connaît les arbres. Quels sont les fruits des « Eglises de réveil » en RDC ? Sectes de business et d’endormissement moral de la population, leurs promoteurs s’érigent en « thaumaturges » pour abuser de la crédulité de leurs adeptes. Comme les gens veulent être trompés, ils trouvent ces imposteurs disposés à les satisfaire.
Argent, bonheur, prospérité, travail, mariage, chance, voyages en Europe, déblocage de la situation, guérison, exorcisme, délivrance, santé etc. tant de miracles qu’ils promettent à leurs adeptes pour les séduire. Ces adeptes naïfs ne peuvent pas comprendre qu’il n’y a plus guère d’entreprises dans notre pays, le chômage et la misère sont des conséquences naturelles des pillages et des guerres de rébellion qui ont donné le coup de grâce à l’économie de la RDC. Les sorciers de famille auxquels on attribue le blocage de la situation de leurs adeptes par ces prédicateurs charlatans sont tout simplement des forces superstitieuses imaginaires. Ces forces sont incarnées par « Satan » que ces imposteurs prétendent chasser et lier nuit et jour depuis toujours sans jamais parvenir à le maîtriser une fois pour toutes.
Quand on parcourt les livres saints de toutes les religions révélées, on apprend que les Messagers de Dieu, autrement appelés Manifestations de Dieu ou Prophètes, n’attachaient pas beaucoup d’importance aux prodiges. Même s’ils les opéraient, c’était toujours discrètement et interdisaient formellement aux personnes qui en étaient bénéficiaires d’en parler à qui que ce soit. L’embourgeoisement des pasteurs C’est tout à fait le contraire de ce que font les promoteurs des « Eglises de réveil », faiseurs de faux prodiges. Tout leur credo est fondé sur le mirage des miracles. C’est du business très rémunérateur pour eux. Socialement sortis du néant pour s’improviser du jour au lendemain pasteurs et évangélistes de carrefour, il y en a qui sont devenus de grands bourgeois, propriétaires fonciers, roulant carrosse.
Ils captivent et attirent même des messieurs et dames d’un niveau d’instruction très élevé vivant dans l’aisance, de belles dames des quartiers aristocratiques et des femmes d’affaires, qui deviennent leurs pourvoyeurs attitrés de ressources substantielles pour l’alimentation et la consolidation de la trésorerie de « l’Eglise ». Les « mabonza » de tous ces généreux donateurs spéciaux sont toujours en billet de dollars, ce qui réjouit et fait sourire le pasteur chef de l’Eglise. Ce n’est pas par des prédications bruyantes rabâchées jour et nuit, agrémentées de l’illusion des miracles, qu’on peut développer le pays mais par le travail. Ce n’est plus la religion mais la superstition abrutissante qui conduit au dépérissement mental et spirituel des gens dans la société. Aide-toi, le Ciel t’aidera. Aucune religion révélée ne prescrit ni n’encourage ce genre de culte d’indolence et d’exploitation de la crédulité publique.
Quand on se donne la peine d’écouter les prédications de tous ces pasteurs, on n’y découvre rien de nouveau ou de spécial par rapport aux sermons entendus dans les Eglises traditionnelles, axés seulement sur l’Evangile avec l’exhortation aux vertus à l’instar du Sermon sur la Montagne et de la Parabole du bon Samaritain. Quant aux prodiges qui sont le socle et le point d’attraction de leurs prédications, ils ne sont pas nécessairement d’inspiration divine. Des magiciens, des initiés et des sorciers savent aussi les opérer, comme du temps des pharaons. Les vrais miracles doivent se traduire par le développement de la société et le bien-être du plus grand nombre des citoyens, ce qui n’est pas le cas de ceux des pasteurs des « Eglises de réveil », caractérisés par l’embourgeoisement de leurs promoteurs d’une part, et d’autre part par la misère croissante indescriptible dans la société. Comme s’ils étaient envoûtés, nombre de croyants catholiques et protestants ont lâché la proie pour l’ombre, se laissant subjuguer par ces marchands d’illusions. L’Etat de droit ne doit pas être un concept creux.
Comment s’expliquer, dans un pays organisé et gouverné, cette étrange éclosion de sectes soi-disant religieuses à tous les coins de la rue, qui font du tapage nui et jour et abusent de la crédulité du public sans que l’Etat trouve cela inquiétant et préjudiciable à l’évolution de la société ? Leurs promoteurs sont munis d’autorisations délivrées au petit bonheur par le Ministère de la Justice, intéressé seulement à percevoir de l’argent. On ne cherche pas à s’assurer de la qualification de pasteur de ces impétrants, de la validité et de l’originalité de leurs doctrines. L’anarchie dans ce secteur est telle que même les véhicules de transport en commun sont devenus des temples ambulants, envahis par des évangélistes de carrefour importuns et tapageurs qui terminent leurs gesticulations par solliciter les passagers de faire des offrandes dont ils seront récompensés au centuple par Dieu ! La religion doit être perçue comme un ensemble de principes moraux et spirituels révélés, destinés à régénérer l’homme et la société. La perversion de la religion et son exploitation par des charlatans conduisent finalement à la dégénérescence d’une société. Sommes-nous aujourd’hui loin de là ?