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Source: Congoindependant
Alors que le discours officiel tenu à Kinshasa ou à Kisangani consiste à affirmer que la situation dans les Uélé revient à la normale et qu’il n’y a aucun foyer de rebelles ougandais de la LRA (Lord’s Resistance Army) en République Démocratique du Congo (RDC), les députés nationaux de la Province orientale et la société civile de Dungu interpellent le gouvernement central sur l’état d’insécurité et les exactions commises contre les civils au nord-est du pays. Même si le nombre des miliciens de Joseph Kony a sensiblement diminué, ceux qui se cachent encore dans la brousse sortent et commettent des atrocités odieuses contre les populations civiles. Cette insécurité ne fait qu’aggraver la situation humanitaire des sinistrés.
Les députés de la Province orientale s’étaient réunis à Kinshasa du 20 au 21 décembre 2009 pour analyser l’état d’insécurité qui prévaut dans les districts du Haut et du Bas-Uélé ainsi que dans l’Ituri. Le district de l’Ituri connaît de nombreuses incursions de groupes armés. C’est le cas des miliciens du FRPI (Front de Résistance Patriotique de l’Ituri) qui ont attaqué différentes localités du district le 12 janvier 2010, en tuant 6 personnes et en incendiant tout sur leur passage. Le chef de la localité Boga déclarait le 13 janvier à Radio Okapi: «Les miliciens du FRPI ont fait incursion là à Zunguluka. Ils ont incendié le camp militaire des FARDC. Ils ont incendié tout le village de Zunguluka et ont tué le chef qui assumait l’intérim là-bas. Toute la population a fui en brousse».
Dans les Uélé, ce sont les combattants de Joseph Kony qui continuent à semer la terreur et la désolation parmi les civils. Les députés de la Province orientale demandent au Gouvernement de la RDC de prendre ce problème à bras-le-corps. L’honorable Freddy Isomela, le porte-parole des députés de la Province orientale, déclarait alors: «Nous avons demandé au gouvernement de s’y pencher. Il y a un problème qui se pose au niveau du gouvernement. Le gouvernement ne prend pas au sérieux tous ces problèmes parce que depuis quelque temps, on lui avait expliqué tous ces problèmes, mais aucune disposition n’a été prise. Sinon, on ne pouvait pas arriver à cette situation. Il faudrait que le gouvernement reprenne les choses en main, de manière à remettre la sécurité dans cette partie du pays. Donc, il y a une certaine incompétence au niveau du gouvernement».
À la suite de ces propos, M. Aron Sambia, président de la société civile de Dungu, enfonce le clou, quelques semaines plus tard, en déclarant à Radio Okapi le samedi 9 janvier 2010: «Depuis le 26 décembre, il y a une multitude d’exactions, de tueries, on a calciné, mutilé, blessé des gens…. Ici à l’hôpital [de Dungu], on a reçu 14 blessés en l’espace d’un mois, dont 8 par balles et armes blanches et 6 mutilés». Et d’ajouter: «Le gouvernement est en train de dégarnir notre région. Le gouvernement a retiré plus de trois bataillons de Dungu et à Doruma. Presque deux bataillons, qui étaient à Faradje, sont également partis. Et la semaine prochaine, on a programmé trois rotations par avion».
Le témoignage du président de la société civile à propos des 6 personnes mutilées est confirmé par les photos des victimes dont quatre femmes et deux hommes. Alors que deux femmes de la paroisse de Ngilima dans le Haut-Uélé, à 45 km au nord-ouest de Dungu, travaillaient au champ, elles ont été surprises par les rebelles de la LRA. Ceux-ci leur ont coupé les lèvres avec des lames de rasoir. L’une, qui portait son bébé sur le dos, a assisté impuissante au massacre de son mari. Les deux autres femmes et les deux hommes originaires de Bangadi, toujours dans le territoire de Dungu, ont subi la même barbarie de la part des rebelles ougandais. Les oreilles de certaines victimes ont été aussi sauvagement coupées. Une barbarie sans nom au début du XXIe en RDC! Selon la société civile de Dungu, les atrocités de la LRA sont dues au transfert des militaires des Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) de Dungu (Province orientale) au front de Dongo dans la Province de l’Equateur. Ce redéploiement des FARDC au nord-ouest du pays laisse un champ vide à la LRA et lui permet de mieux se réorganiser pour attaquer la population. La société civile de Dungu accuse aussi le gouvernement de Kinshasa de se préoccuper davantage des problèmes des groupes armés dans le Nord et le Sud-Kivu et d’abandonner le district du Haut-Uélé aux mains de la LRA.
Face à ces critiques, Radio Okapi a organisé dans son émission du 13 janvier 2010, «Dialogue entre Congolais», un débat de 45 minutes qui a réuni le Général Jean-Claude Kifwa, Commandant de la 9e région militaire, le Professeur Florentin Mokonda, Sénateur de la Province orientale et membre de l’opposition ainsi que M. Dismas Kitenge, Vice-président de la Fédération internationale des droits de l’homme, chef des travaux à la Faculté de Droit de l’Université de Kisangani et analyste politique.
Le Général Kifwa a dressé un bilan «largement positif» des opérations militaires contre la LRA, menées du 14 décembre 2008 à janvier 2010. L’officier des FARDC note que 305 rebelles ougandais de la LRA ont été tués, 41 ont été capturés et 52 se sont rendus. Il ajoute que les FARDC ont désarticulé le commandement des rebelles de la LRA, que leurs bases ont été détruites et que leur chaîne de la communication a été coupée. L’ennemi a subi des lourdes pertes, bref il n’y a plus de sanctuaire ennemi en RDC. Le général regrette cependant qu’il y ait des «Congolais qui jouent à la LRA». Le Professeur Mokonda estime, pour sa part, que dans la Province orientale «rien ne va… L’État est lui-même inexistant. Il faut refonder l’État en bâtissant une armée républicaine qui sera capable de se faire respecter». Il ajoute que les Congolais ne jouent pas à la LRA, ils ont été kidnappés, c’est «un recrutement forcé» relevant des assaillants ougandais. La population du Haut-Uélé est confrontée non seulement aux attaques de la LRA mais aussi à celles des FARDC. M. Mokonda dénonce aussi la réduction des effectifs des FARDC dans cette région. Il recommande que le gouvernement puisse prendre à cœur le problème de la sécurité de la population et celui de l’intégrité du territoire congolais. De son côté, si M. Dismas Kitenge salue certaines avancées positives dans la traque de la LRA, il fait cependant remarquer que les FARDC sont confrontées à certains défis. Les militaires des FARDC sont sous-équipés et il se pose un problème de discipline au sein de l’armée. La LRA constitue encore une menace sérieuse pour la population congolaise et pour la communauté internationale. M. Kitenge propose que le gouvernement congolais et la communauté internationale puissent équiper les FARDC avec les moyens nécessaires pour faire face à la guérilla de la LRA. La justice doit être appliquée sur le plan national et international à tous ceux qui violent les droits de l’homme.
Comme on peut le constater, la société civile et les intervenants pointent un doigt accusateur en direction du Gouvernement de la RDC. Comment en est-on arrivé à ce que la LRA commette de telles atrocités sur le territoire de la RDC? Le phénomène LRA remonte-t-il au déclenchement de l’opération «Lighting Thunder» du 14 décembre 2008 regroupant les forces coalisées de la RDC, de l’Ouganda et du Sud-Soudan? Kinshasa n’était-il pas informé de l’entrée des rebelles ougandais sur son sol? S’il était informé, pourquoi a-t-il laissé faire?
Le rapport du Bureau Conjoint des Nations Unies aux Droits de l’Homme (BCNUDH) de décembre 2009 note, en son point 12, que le mouvement de rébellion de la LRA, créé en 1986 contre le gouvernement de l’Ouganda, a trouvé refuge dans le Parc national de la Garamba en 2005 en provenance du Sud-Soudan. Selon nos sources, la LRA est entrée en RDC par la localité Aba, à 67 km au nord de Faradje. Le gouvernement de Kinshasa avait envoyé le Commandant de la 9e région militaire de l’époque, le Général Padiri et des militaires congolais à Aba. Selon les mêmes témoignages, c’est la Monuc (Mission de l’ONU en RDC) qui assurait la logistique. La population attendait une confrontation des forces armées de la RDC avec les rebelles ougandais. Elle a constaté tout simplement que les rebelles ougandais ont bénéficié d’un «couloir humanitaire».
Dès lors, la suite des événements était logique. En septembre 2006, la LRA a attaqué les localités Témoins (on y trouve beaucoup de témoins de Jéhovah), Obi et Tandro dans le territoire de Faradje. Un chef coutumier a été tué et les mains de deux jeunes garçons ont été coupées. En septembre et octobre 2006, les militaires congolais et les gardes du Parc de la Garamba se sont affrontés avec les miliciens de Joseph Kony à Lemvo et autour de la rivière Utua, toujours dans le territoire de Faradje. Après l’échec de la signature de l’Accord de paix de Juba au Sud-Soudan, la LRA a intensifié ses attaques à partir de septembre 2009 à Kiliwa, Dungu, Faradje, Sambia, etc. Ces attaques ont abouti à ce qu’on appelle désormais «Le massacre de Noël 2009 à Faradje».
Le massacre de Noël à Faradje ne pouvait-il pas être évité? Selon certains témoignages, les autorités congolaises étaient informées d’une attaque imminente de la LRA sur Faradje. Déjà le 24 décembre 2009, le Commandant de la Police à Faradje était en communication vers 15 h avec sa hiérarchie, en radiotéléphonie, ce qui permet à quelqu’un qui se trouve aux environs d’entendre tout ce qui se dit. L’autorité non autrement identifiée demandait au Commandant de vérifier l’état de la piste d’aviation de Faradje pour un déploiement des FARDC. Pour la suite de l’information, il était demandé au Commandant de se rendre au téléphone. La même source affirme aussi que le Commandant avait mis sa femme à l’abri à Watsa.
Rappelons aussi que selon le rapport de BCNUDH qui couvre la période de septembre 2008 au mois de juin 2009, la LRA a massacré dans les districts du Haut-Uélé et du Bas-Uélé plus de 1.200 civils par balles ou armes blanches et que des femmes ont été violées avant d’être exécutées. Plus de 100 personnes ont été blessées par arme à feu ou par arme blanche. Le rapport signale aussi que plus de 1.400 personnes ont été enlevées dont au moins 630 enfants (garçons et filles) et plus de 400 femmes. Les personnes enlevées ont été soit soumises à des travaux forcés, soit enrôlées comme combattants ou encore soumises à un esclavage sexuel. Comme conséquence de cette insécurité, on dénombre plus de 200.000 personnes déplacées.
Les attaques incessantes de la LRA continuent de provoquer un déplacement des populations dans les Uélé et dans l’Ituri. La situation humanitaire des déplacés est très inquiétante.
Le rapport de BCNUDH recommande au Gouvernement de la RDC de «reconnaître que la LRA, en dépit de la désarticulation apparente de son commandement, reste encore une menace sérieuse à la paix et à la sécurité des populations civiles que le Gouvernement de la RDC a la responsabilité première de protéger». Et à la Communauté Internationale, le rapport recommande de «coopérer avec la CPI pour rechercher, arrêter, transférer pour être traduits en justice les leaders de la LRA auteurs présumés de crimes internationaux régis par le Statut de Rome».
Questions: Combien de rapports les différentes agences de l’ONU ont-elles déjà rédigés depuis une décennie sur la situation dramatique qui prévaut en RDC? Ces rapports et recommandations ne sont-ils pas restés lettres mortes? Où sont passés les 41 éléments de la LRA capturés ou les 52 qui se sont rendus? Sont-ils à la Cour Pénale Internationale (CPI) ou bien ont-ils pris la direction de Kampala? Au nom de la mobilité, faut-il sacrifier les Congolais et les abandonner aux mains de la LRA, un mouvement rebelle étranger de surcroît, afin de renforcer la capacité de frappe des FARDC avec l’appui de la Monuc dans un autre coin du territoire? La LRA serait-elle le moindre mal?
Dr. Jean-Bertrand Madragule Badi, chercheur et président de l’Ong Adebes,Courriel: Ong.Adebes@gmx.de
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