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République démocratique du Congo
Le 31 juillet 2009
Son Excellence Adolphe Muzito, Premier Ministre
République démocratique du Congo
Primature
Gombe, Kinshasa
Votre Excellence,
Je vous écris aujourd’hui pour louer le gouvernement de la République démocratique du Congo quant à l’action positive entreprise récemment afin de traduire en justice les auteurs de violences sexuelles, mais aussi pour exprimer notre profonde préoccupation au sujet des récentes attaques portées contre les médias et des organisations de défense des droits humains, dont Human Rights Watch. Ces attaques compromettent les progrès réalisés par le gouvernement congolais en matière de respect pour les droits humains.
Human Rights Watch se félicite de la relation honnête et constructive que nous entretenons avec le gouvernement congolais. A l’instar de nombreuses organisations locales et internationales de défense des droits humains, votre gouvernement exprime depuis de nombreuses années sa préoccupation quant au recours largement répandu à la violence sexuelle à l’encontre des femmes et des filles tant par des groupes armés que par des soldats de l’armée congolaise. Comme vous le savez, Human Rights Watch a exprimé au début du mois de juillet sa préoccupation quant au peu de progrès réalisés en matière de poursuites judiciaires pour viol engagées contre des officiers supérieurs, malgré l’augmentation du nombre de procès pour viol intentés contre des soldats de grade inférieur.
Nous saluons donc la déclaration faite le 4 juillet par le gouvernement soulignant sa « tolérance zéro » pour les violations des droits humains, notamment le viol, commises par des soldats du gouvernement. Nous sommes également heureux de savoir que le gouvernement s’est engagé à traduire en justice les officiers supérieurs qui permettent que leurs troupes commettent pareilles exactions. Nous avons appris récemment que deux officiers à Rutshuru, au Nord Kivu, ont été reconnus coupables de viol par un tribunal militaire le 27 juillet. Nous espérons que d’autres enquêtes et procès d’officiers supérieurs impliqués dans des crimes graves suivront. Mettre fin à la culture d’impunité pour les atteintes aux droits humains, notamment les crimes de violence sexuelle, est essentiel à l’avancée de l’Etat de droit au Congo. Nous félicitons votre gouvernement pour les progrès qu’il réalise à cet égard.
Ces progrès, néanmoins, sont affaiblis par les attaques publiques contre les organisations de défense des droits humains et les médias, dont le rôle est de révéler ces violations. Lors d’une conférence de presse le 28 juillet à Kinshasa, le ministre de la Communication et des médias, Lambert Mende, a fait des déclarations sans fondement et non corroborées contre Human Rights Watch, d’autres organisations internationales de défense des droits humains et Radio France International. Le ministre a qualifié Human Rights Watch ainsi que d’autres organisations internationales de « terroristes humanitaires » qui « répètent des mensonges », visant à la « déstabilisation » du pays, à la « démoralisation » de l’armée gouvernementale et à la « balkanisation » du Congo. Le ministre Mende a soutenu que les rapports de Human Rights Watch portant sur les atteintes aux droits humains étaient rédigés pour des motifs « politiques et financiers ». Ces allégations sont à la fois injustes et fausses.
Human Rights Watch œuvre au Congo depuis plus de 15 ans pour joindre ses forces à celles du peuple congolais, afin de promouvoir la justice et le respect des droits humains. Pendant ce temps, nous avons régulièrement révélé les atteintes aux droits humains commises par tous les groupes dans le pays, qu’il s’agisse d’armées étrangères, de groupes rebelles, de milices locales ou de forces de sécurité gouvernementales. Notre but est de nous tenir aux côtés des victimes et des activistes congolais pour protéger les personnes contre des actions illégales en temps de guerre, pour soutenir les libertés fondamentales et pour traduire en justice les coupables.
Au-delà du Congo, Human Rights Watch fait partie des principales organisations indépendantes qui se consacrent à la défense et à la protection des droits humains. Nos enquêtes sont rigoureuses et objectives, et elles ont pour but de donner la parole aux personnes dont les droits ont été violés. Nous nous employons à faire en sorte que les coupables soient tenus pour responsables de leurs crimes. Depuis plus de 30 ans, nous œuvrons dans plus de 80 pays du monde, notamment dans des zones de troubles récents comme l’Afghanistan, la Birmanie, l’Irak, le Soudan, le Sri Lanka et bien d’autres, afin de révéler les violations des droits humains et d’encourager le changement.
La responsabilité de soutenir les droits humains incombe aux gouvernements. Nous mettons donc au défi les gouvernements, tels que le vôtre au Congo, de respecter le droit humanitaire et les droits humains internationaux, et de mettre fin aux exactions. Pour cela nous recourons à diverses tactiques, notamment les révélations publiques, le plaidoyer et la construction de partenariats avec d’autres qui poursuivent aussi le changement. Les gouvernements peuvent ne pas aimer voir les exactions révélées, mais critiquer sans fondement les activistes et les journalistes qui documentent ces exactions est la marque d’un gouvernement répressif, et non d’un gouvernement essayant d’établir un Etat qui respecte les droits humains.
Le ton de la conférence de presse donnée par le ministre de la Communication et des médias a contrasté de façon flagrante avec la discussion fructueuse de Human Rights Watch avec le Président Joseph Kabila le 2 juillet à Goma, et d’autres échanges récents avec des ministres du gouvernement. Dans ces dernières discussions, nous avons été frappés par l’engagement personnel de hauts fonctionnaires à apporter le changement et à mettre un terme à la culture d’impunité au Congo. Dénoncer des organisations de défense des droits humains qui documentent des exactions de façon indépendante, museler des organes de presse tels que Radio France Internationale, et arrêter de façon arbitraire des militants des droits humains comme Golden Misabiko de l’ASADHO au Katanga, tout cela indique que l’engagement personnel du Président Kabila envers la justice est entravé plutôt qu’adopté par le gouvernement. C’est fort regrettable.
Nous vous exhortons à faire intégralement appliquer les lois nationales et internationales qui garantissent la liberté d’expression, la liberté de la presse et la protection des défenseurs des droits humains. Les élections seules ne suffisent pas à apporter la démocratie. Les acteurs congolais et internationaux doivent travailler ensemble à l’établissement d’un système judiciaire indépendant, d’un parlement dynamique et d’une presse libre afin d’améliorer la situation des droits humains, de garantir que le gouvernement est redevable de ses actions, et de s’assurer que la société civile bénéficie d’un espace politique ouvert. Human Rights Watch est engagé à aider aussi bien le gouvernement que le peuple congolais à atteindre ces objectifs importants. Nous souhaitons vivement une relation productive avec vous dans ces efforts, et nous vous demandons de maintenir votre respect pour le travail des organisations de défense des droits humains, comme Human Rights Watch, et pour les idéaux des droits humains auxquels nous adhérons.
Nous vous prions d’agréer, Votre Excellence, l’expression de notre profond respect.
Anneke Van Woudenberg
Chercheuse senior
Copie à :
Son Excellence le Président Joseph Kabila Kabange
Son Excellence Upio Kakura, ministre des Droits humains
Son Excellence Lambert Mende, ministre de la Communication et des médias
Son Excellence Luzolo Bambi Lesa, ministre de la Justice
ENGLISH VERSION
OPEN LETTER OF HUMAN RIGHTS WATCH TO HIS EXCELLENCY ADOLPHE MUZITO, PRIME MINISTER
Democratic Republic of Congo
July 31, 2009
His Excellency Adolphe Muzito
Prime Minister
Democratic Republic of Congo
Primature
Gombe, Kinshasa
Your Excellency,
I write to you today both to commend the government of the Democratic Republic of Congo for the positive action recently taken to hold to account perpetrators of sexual violence, but also to express our profound concern at recent attacks leveled at the media and human rights organizations, including Human Rights Watch, which undermine progress on respect for human rights.
Human Rights Watch takes great pride in our honest and constructive relationship with the Congolese government. Like many local and international human rights organizations, your government for a number of years has expressed concern about the widespread use of sexual violence against women and girls by armed groups as well as soldiers of the Congolese army. As you may recall, Human Rights Watch expressed concern earlier this month that there had been little progress on senior commanders being prosecuted for rape, despite the increase in rape trials of lower-ranking soldiers.
We therefore welcome the government’s July 4 announcement of “zero tolerance” for human rights abuses, including rape, by government soldiers. We are also pleased to hear of the government’s commitment to holding to account those commanders who permit their troops to carry out such abuses. We learned recently that two officers in Rutshuru, North Kivu , were found guilty by a military court on July 27 for rape. We hope that more investigations and trials of senior officers implicated in serious crimes will follow. Ending the culture of impunity for human rights abuses, including crimes of sexual violence, are essential to building the rule of law in Congo . We commend your government for the progress it is making in this regard.
That progress, however, is undermined by the public attacks on human rights organizations and the media whose role it is to expose such violations. The Minister of Communications and the Media, Lambert Mende, at a July 28 press conference in Kinshasa made baseless and unsubstantiated statements against Human Rights Watch, other international human rights organizations and Radio France Internationale. The minister labeled Human Rights Watch and other international organizations as “humanitarian terrorists” who “repeat lies,” intent on “destabilizing” the country, “demoralizing” the government army and “balkanizing” the Congo . Minister Mende claimed that Human Rights Watch reports on human rights abuses were done for “political and financial” motives. These allegations are both unfair and untrue.
Human Rights Watch has worked in Congo for over 15 years to join forces with Congolese people to promote justice and and respect for human rights. During this time, we have consistently exposed human rights abuses by all groups, whether foreign armies, rebel groups, local militias or government security forces. Our aim is to stand together with Congolese victims and activists to protect people from unlawful conduct in wartime, to uphold basic freedoms, and to bring offenders to justice.
Beyond Congo , Human Rights Watch is one of the world’s leading independent organizations dedicated to defending and protecting human rights. Our investigations are rigorous and objective, and they aim to give voice to those whose rights have been violated. We work to hold those responsible to account for their crimes. For over 30 years we have worked in more than 80 countries around the world, including in recent trouble spots such as Afghanistan, Burma, Iraq, Sri Lanka, Sudan and many others to expose human rights violations and to encourage change.
The responsibility to uphold human rights lies with governments. We therefore challenge governments, such as yours in Congo , to respect international human rights and humanitarian law and to end abusive practices. This requires a variety of tactics including public exposure, advocacy, and building partnerships with those who also seek change. Governments may not like having the abusive practices exposed, but criticizing without basis human rights activists and journalists who document such abuses is the mark of a repressive government, rather than one intent on establishing a state which respects human rights.
The tone of the press conference by the Minister of Communication and the Media was markedly different from Human Rights Watch’s fruitful discussion with President Joseph Kabila on July 2 in Goma and other recent interactions with government ministers. In those discussions, we were impressed by the personal engagement of senior officials to bring about change and to end Congo ’s culture of impunity. Denouncing human rights organizations that independently document abuses, restricting press outlets such as Radio France International, and arbitrarily arresting human rights activists such as Golden Misabiko from ASADHO in Katanga , indicates that President Kabila’s personal commitment to justice is being undermined rather than embraced by the government. This is most unfortunate.
We urge you to fully implement national and international laws that guarantee freedom of expression, freedom of the press, and protection for human rights defenders. Elections themselves do not bring democracy. Congolese and international actors need to work together to establish an independent judiciary, a vibrant parliament, and a free press to improve human rights, ensure the government is accountable for its actions, and open political space for civil society. Human Rights Watch is committed to helping both the Congolese government and its people achieve these important goals. We look forward to a productive relationship with you in this endeavor, and ask you for your continuing respect for the work of human rights organizations, such as Human Rights Watch, and for the human rights ideals we espouse.
Yours sincerely,
Anneke Van Woudenberg
Senior Researcher
Cc: His Excellency, President Joseph Kabila Kabange
His Excellency, Upio Kakura, Minister of Human Rights
His Excellency, Lambert Mende, Minister of Communications and the Media
His Excellency, Luzolo Bambi Lesa, Minister of Justice
Mme,
Je vous demanderai de ne pas en vouloir à Mr Lambert Mende. Ca prouve qu’il n’existe pas de vision commune entre le gouvernement et la présidence de la republique. Mr Mende défend son befteck, c’est tout. L’état de droit l’importe peu.
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