Tag: Culture & Arts

  • «Aux héros de l’Armée noire» de Reims: 90 ans d’histoire(s)

    «Aux héros de l’Armée noire» de Reims: 90 ans d’histoire(s)

    Armée Noire-Construit à Reims en 1924 pour rendre hommage aux tirailleurs sénégalais, démonté en 1940 par l’armée allemande, le monument « Aux héros de l’Armée noire » – ou du moins sa réplique – a finalement été réinstallée en novembre 2013 dans la capitale champenoise. Retour sur une saga où l’argent, la justice et la politique se heurtent à l’histoire.

    1924 – La Grande Guerre a pris fin six ans plus tôt. A Bamako, un monument est inauguré le 3 janvier à la gloire des combattants africains de l’armée française. Baptisé « Aux héros de l’Armée noire », il est l’œuvre du sculpteur Paul Moreau-Vauthier et doit son édification au comité présidé par le général de division Archinard, ancien commandant supérieur du Soudan français. Cette sculpture imposante représente quatre soldats noirs le corps penché vers l’avant encadrant un militaire blanc qui brandit le drapeau tricolore.

    Un deuxième exemplaire est inauguré à Reims en juillet de la même année. « La défense de Reims et l’un des faits de gloire des tirailleurs africains », indique le général à la retraite Jean-Marie Lemoine, ancien président de l’AMAN (Association pour la mémoire de l’Armée noire). « Ces monuments jumeaux sont le symbole de l’amitié franco-africaine, née des souffrances partagées dans les tranchées », analyse le général.

    Disparition

    1940 – L’armée du Reich fond sur la France. Reims, qui avait résisté à l’offensive vingt-deux ans plus tôt, est conquise. Le monument « Aux héros de l’Armée noire » est démonté par les soldats allemands, embarqué à bord d’un train – des photos prises par un agent SNCF en témoignent – et envoyé vers une destination inconnue.

    Sur ce vol, les interprétations divergent. Certains évoquent une volonté d’effacer les souvenirs de la Grande Guerre lorsque les tirailleurs faisaient des chapelets d’oreilles prélevées aux combattants ennemis pour prouver à la France qu’ils avaient bien travaillé. D’autres avancent un besoin en matière première et la possibilité de faire fondre le bronze de la statue, ou encore le souhait d’Hitler d’organiser en Allemagne une exposition sur la dégénérescence de la France que le monument aurait pu illustrer. « En 1940, les Allemands considèrent les Noirs de l’armée française de la même façon qu’en 1917 : ils les voient comme des sous-hommes, ils ne les reconnaissent pas comme des soldats », rappelle le général Lemoine.

    Au lendemain de la Première Guerre, la présence de tirailleurs dans les rangs français avait rendu pour l’Allemagne la défaite encore plus cinglante. Une propagande nauséabonde, « die schwarze Schande » (« la Honte noire ») avait été développée. En 1940, pendant la débâcle française, les combattants faits prisonniers par les soldats du Reich sont parfois séparés en deux groupes. D’un côté les Blancs, de l’autre les Noirs, qui sont massacrés. On estime à 3 000 le nombre de soldats africains tombés ainsi sous les balles allemandes. L’un des exemples les plus marquants est celui du bois d’Eraine en juin 1940 où plusieurs dizaines de tirailleurs sont exécutés.

    Les années passent. A Reims, le socle sur lequel reposait la statue en bronze reste désespérément vide. Il faut attendre 1963 pour qu’un nouveau monument, en partie financé par l’Allemagne, voie le jour. C’est une sculpture sobre, composée de deux colonnes de pierre réunies en une flèche pointée vers le ciel. Seule la mention « La France et la Ville de Reims aux soldats africains tombés pour la défense de la liberté » gravée à ses pieds rappelle le sacrifice des tirailleurs. L’année précédente, la réconciliation franco-allemande a été officialisée par une rencontre, à Reims, entre le général de Gaulle et le chancelier Adenauer.

    Une reconstruction difficile

    2009 – Dans le cadre de la Francophonie, il est décidé de la création d’une association, l’AMAN. Elle a pour mission « l’approfondissement de l’histoire et le développement de la mémoire des troupes coloniales d’origine sub-sahélienne » et « notamment la réalisation de la statue dédiée aux ‘Héros de l’Armée noire’ ». Cette entreprise est menée en partenariat avec la Ville de Reims dont la maire PS de l’époque, Adeline Hazan, en avait fait l’un des thèmes de sa campagne électorale. Prévue initialement pour les célébrations du 90e anniversaire de l’armistice du 11-Novembre, la reconstruction est repoussée à 2010.

    Mais sa mise en œuvre se heurte à de nombreux écueils. Ils sont d’abord financiers. Dans un article publié sur RFI en 2010, Eric Deroo, président de l’honneur de l’AMAN, évalue le coût de la reconstruction « de 700 000 à 1 million d’euros ». Ce sont aussi des dissensions au sein même de l’AMAN. Le général Jean-Marie Lemoine, élu en 2012 à la tête de l’association pour relancer le projet, mentionne ainsi des « rivalités » internes. Ce sont enfin des écueils judiciaires. La réalisation du monument, sur le modèle de celui de Bamako, a été confiée à Jean-François Gavoty. La Ville de Reims est alors confrontée à deux plaintes, l’une au pénal déposée par un candidat à l’appel d’offre qui l’accuse de favoritisme, l’autre par l’association de protection de l’œuvre de Moreau-Vauthier contre Jean-François Gavoty, qui estime que la copie dénature l’ouvrage original.

    Aujourd’hui à la mairie – passée à droite en mars dernier –, on se dit « désolé » par ces procédures qui retardent l’inauguration du monument. « On attend de connaître la décision de justice. On ne peut pas inaugurer une sculpture au centre d’une affaire pour contrefaçon », explique ainsi Pascal Labelle, adjoint à la Culture. Réinstallée à Reims le 8 novembre 2013, la statue « Aux Héros de l’Armée noire » a été placée provisoirement dans un parc de la ville. Pour son inauguration, la Ville souhaiterait inviter les pays qui ont participé à la « force noire ». Mais pour l’heure, on attend.

    RFI

  • Un ressortissant congolais élu juge a la cour pénale internationale

    Un ressortissant congolais élu juge a la cour pénale internationale

    antoine-13ème session de l’Assemblée des Etats Parties au Statut de Rome à New York

    La Coalition Nationale pour la Cour Pénale Internationale de la République Démocratique du Congo (CN-CPI/RDC) se félicite de l’élection d’Antoine Kesia-Mbe Mindua, candidat présenté par la RD Congo, au poste de juge à la CPI par les membres de l’Assemblée des Etats Parties à sa 13ème session, qui se tient actuellement à New-York aux Etats-Unis.

    Le juge Antoine Kesia-Mbe est l’un de six juges que l’Assemblée des Etats Parties au statut de Rome ont élu pour remplacer ceux dont le mandat expire en mars 2015.

    La CN-CPI/RDC demande au Gouvernement congolais de maintenir son soutien à la CPI comme un tribunal de dernier recours dans la lutte contre l’impunité des crimes graves, tel que l’avait soutenu le président de la République, Joseph Kabila, dans sa lettre de renvoi de la situation de la RDC devant la CPI en 2004.

    » La RDC devra continuer à coopérer pleinement avec la CPI et à encourager les Etats africains parties au statut de Rome à en faire autant, à œuvrer en faveur de la lutte contre l’impunité partout où les pires crimes sont commis et contribuer à l’arrestation et la remise de leurs auteurs à la Cour « .

    Il en est de même du renforcement de la complémentarité par l’adoption de la loi de mise en œuvre du Statut de Rome et celle relative à l’institution des Chambres mixtes spécialisées, a déclaré André Marie Kito, Coordonnateur National de la CN-CPI/RDC.

    Kinshasa appelé à se désolidariser de Nairobi

    La CN-CPI/RDC demande au Gouvernement congolais de se désolidariser des décisions prises par l’Union Africaine et des initiatives du gouvernement Kenyan contre la CPI.

    Kinshasa devra travailler au renforcement du rôle de la CPI en tant que tribunal de dernier recours, plutôt qu’à la déstabiliser par des alliances avec certains gouvernements africains dont les leaders la combattent dans le but de faire régner la culture de l’impunité, conseille la CN CPI/RDC.

    » La RDC doit défendre la CPI contre les attaques non fondées de l’Union Africaine et du gouvernement kenyan. Cette Cour a été créée pour poursuivre les auteurs des crimes les plus graves qui heurtent la conscience humaine et n’intervient que lorsqu’un Etat ne souhaite pas ou n’est pas en mesure d’en juger.

    La RDC devra travailler pour convaincre les Etats africains parties au statut de Rome à ne pas soutenir la demande du Gouvernement de Kenya de faire examiner la conduite de la Cour et du Bureau du Procureur « , a déclaré Me Georges Kapiamba, Coordonnateur adjoint de la CN-CPI/RDC.

    La CN-CPI/RDC rejette les allégations selon lesquelles la CPI ciblerait de manière partiale l’Afrique, car s’il est vrai que toutes les situations qui font l’objet d’enquête se trouve en Afrique, il faut préciser que ces enquêtes ont été ouvertes soit à la demande des gouvernements africains ou sur décision du Conseil de sécurité des Nations Unies à l’exception du cas kenyan où le Procureur de la CPI a agi de sa propre initiative.

    En marge de la 13ème session de l’assemblée générale des Etats Parties au Statut de Rome de la CPI qui se tient à New York, c’est par acclamation que le Garde des Sceaux, ministre de la Justice du Sénégal , Me Sidiki Kaba, a été élu et ainsi confirmé comme président de l’Assemblée générale des Etats parties du Statut de Rome de la CPI.

    Sidiki Kaba présente sa feuille de route

    Elu pour un mandat de 3 ans, le nouveau président de l’Assemblée des Etats parties de la CPI, Me Kaba, s’est fixé, entre autres objectifs, de réconcilier cette juridiction basée à La Haye, aux Pays-Bas, avec l’Afrique. Cela, en travaillant à l’Universalité de l’organisation et sa complémentarité, en s’appuyant sur les mécanismes de la coopération avec les gouvernements à travers le monde, sans pour autant que ne soit remise en cause l’indépendance de la Cour.

    Auparavant, dans son discours, après que le flambeau lui a été remis par Mme Tiina Intelmann, ambassadeur de l’Estonie, le ministre Sidiki Kaba a vivement remercié le président Macky Sall qui, a-t-il souligné, » avait proposé, promu et soutenu (sa) candidature « .

    Ainsi, dans la continuité de l’action du Sénégal, premier pays au monde a avoir signé le Statut de Rome, le président Macky Sall illustre son engagement à lutter contre l’impunité, au renforcement du Sénégal en tant qu’Etat de droit défendant les principes et valeurs de la CPI. Me Sidiki Kaba a rendu un hommage appuyé à la présidente sortante, Mme Intelmann et à son équipe qui, en » périodes troubles » ont relevé des » défis colossaux avec courage et habileté « .

    Ensemble, a dit le nouveau président de l’Assemblée des Etats parties du statut de Rome de la CPI, » ils portent le combat contre l’impunité » en ralliant, à leur combat, des gouvernements et des organisations de la Société civile et des droits de l’homme.

    Le ministre de la Justice, dans ses habits de président de l’Assemblée de la CPI, a promis de servir l’organisation avec » foi et détermination » et à faire triompher ses idéaux.

    A noter que le ministre Sidiki Kaba ne disposera pas d’un salaire à titre de président de l’Assemblée des Etats parties du Statut de Rome. Cette fonction représentative, plutôt diplomatique, dont le mandat est de 3 ans, n’est pas rémunérée. Les différents orateurs qui se sont succédé dont Me Georges Kapiamba et Me André Kito ont loué les qualités, l’expertise et l’expérience du nouveau président de l’Assemblée de la CPI.

    par Par Godé Kalonji Mukendi

  • Miss Monde : 5 Africaines sacrées depuis 1951, dont 3 Sud­Africaines et 1 Égyptienne blanches

    Miss Monde : 5 Africaines sacrées depuis 1951, dont 3 Sud­Africaines et 1 Égyptienne blanches

    miss monde elue-Rolene Strauss, une étudiante sud-africaine en médecine de 22 ans a été élue dimanche Miss Monde devant 121 candidates venues des quatre coins de la planète. C’est la 5e Miss africaine d’un concours qui a fortement tendance à choisir, sur le continent, des lauréates à la peau blanche.

    Elles étaient 121 jeunes-femmes à participer cette année à l’élection de ” Miss Monde 2014 “. La 64e édition du concours s’est tenue dimanche 14 décembre à Londres, ville où s’était déroulée en 1951 la toute première compétition du genre, baptisée à l’époque ” Festival Bikini Contest “. Et c’est une Sud-Africaine de 22 ans, Rolene Strauss, brune de 1,77 mètres aux yeux effilés, étudiante en médecine et passionnée de sport et de musique, qui a rapporté au continent africain son 5e trophée.

    De fait, ce n’est pas la première fois qu’une Africaine se distingue à Miss Monde. Depuis 1951, sur les 66 lauréates du concours, quatre autres femmes du continent ont été sacrées : l’Égyptienne (aux racines grecques) Antigone Costanda en 1954, puis les Sud-Africaines Penelope Anne Coelen en 1958, Anneline Kriel en 1974, et la Nigériane Agbani Darego en 2001.

    Avec 5 titres, l’Afrique figure cependant en bas du tableau. Même si elle devance l’Océanie, qui ferme la marche avec 3 titres, elle reste loin derrière l’Europe (24 titres), le continent américain (21 titres), ou même l’Asie (12 titres). Un classement quasiment identique (le continent américain détrônant l’Europe) pour le concours Miss Univers, une compétition rivale du concours Miss Monde.

    Seules trois Africaines noires au sommet

    Mais il y a plus dérangeant. L’Afrique n’a été sacrée depuis 1952 que quatre fois à Miss Univers, un concours qui ne compte que deux Miss noires issues du continent : la Botswanaise Mpule Kwelagobe, en 1999, et l’Angolaise Leila Lopes, en 2011. Miss Monde fait pire : une seule des 5 jeunes femmes africaines distinguées est noire : la Nigériane Agbani Darego.

    Alors que des concours de beauté sont organisés depuis des années dans presque tous les pays africains, on ne peut que regretter ce déséquilibre. C’est une évidence : les Africaines – surtout celles à la peau noire – peinent à s’imposer dans les concours planétaires. La faute à des critères sans doute encore beaucoup trop européocentrés.

    Mais au-delà d’un anachornisme qui peut être considéré comme une marque de racisme institutionnel, l’Afrique peut-elle aujourd’hui se sentir honorée par la victoire d’une représentante blanche ? En 2001, toute l’Afrique avait salué l’élection comme Miss Monde d’Agbani Darego. Treize ans plus tard, toutes compétitions confondues, l’Afrique attend toujours sa quatrième reine mondiale de beauté noire.

    Jeuneafrique

  • Racisme : attentat à Tintin

    Racisme : attentat à Tintin

    tintin02-Une opération commando antiraciste vient de s’en prendre, dans une librairie parisienne, aux exemplaires de “Tintin au Congo”. Énième tentative de museler d’anciennes caricatures d’Africains parlant le “petit nègre”…

    “Le XXIe siècle sera raciste ou ne sera pas”, aurait pu dire André Malraux, tant les pulsions policières américaines où les penchants hooligans européens laissent penser que l’acceptation du teint d’autrui n’est pas au programme de ce début de millénaire. Pourtant, la légitime crispation des “officiels” de l’antiracisme ne pourrait-elle pas trouver meilleure cible qu’un personnage de bande dessinée anachronique ?

    Il est vrai qu’en ce mois de Noël, les BD se vendent comme des petits pains ; tout particulièrement les vieux albums, tant il est démontré que les parents achètent, pour leurs enfants, les cadeaux qu’ils auraient aimé recevoir, quelques décennies auparavant. La vieille école graphique de la ligne claire belge remonte donc en tête de gondoles, ce qui ne pouvait échapper au “Groupe d’intervention contre le racisme”.

    Lundi 8 décembre, un “commando” d’une cinquantaine de ses membres s’en est pris à l’album “Tintin au Congo” et son ramassis de phylactères en “petit nègre”. Il a pris une enseigne parisienne à l’abordage – la FNAC des Halles -, déposant, sur chaque exemplaire des aventures africaines du petit reporter, des autocollants “Produit toxique, relents racistes, peut nuire à la santé mentale”.

    Ce n’est pas la première fois que le héros du dessinateur Hergé subit les assauts des antiracistes. Depuis 2012, le Conseil représentatif des associations noires de France réclame, au mieux, l’interdiction de la vente de l’ouvrage, ou, au moins, l’ajout d’une préface avertissant les lecteurs du caractère “colonialiste” de l’album. Mauvais point pour le CRAN : l’étudiant congolais Bienvenu Mbutu Mondondo fut débouté devant la cour de justice de Bruxelles dans une affaire similaire. Bon point : une telle préface existe dans certaines versions américaines, comme celle de l’éditeur Last Gasp qui explique que “Dans son portrait du Congo Belge, le jeune Hergé est le reflet des comportements coloniaux de l’époque. Il a lui-même admis qu’il a dépeint les Africains selon des stéréotypes bourgeois et paternalistes”.

    Dans les années 40, le dessinateur aurait donc été davantage la victime d’un bourrage de crâne que le coupable d’une incitation à la haine raciale. L’actuel éditeur européen, Casterman, quand il ne fuit pas les débats, indique déceler, dans l’œuvre contestée, moins de “racisme” que de “paternalisme gentil”.

    >> Lire notre dossier : “Oublier Tintin”

    Au moment où il dessinait la première version de “Tintin au Congo”, Hergé n’avait jamais mis les pieds en Afrique. Dédouanement supplémentaire d’un artiste qui n’a pas vocation à être historien ? Ou circonstance aggravante qui lui interdisait de placer dans la bouche d’Africains des phrases comme “Li missié blanc très malin”. Lesquels personnages africains parlaient moins bien le français que Milou, le chien de Tintin qui lançait à ces “indigènes” fictifs : “Allons, tas de paresseux, à l’ouvrage !”. Un chien qui houspille des Noirs, c’est peut-être le comble du mépris. Un chien qui parle, c’est peut-être la preuve que l’album ne se voulait pas conforme à la vérité…

    Aujourd’hui, le présumé afrophobe Tintin parle le wolof dans “Kumpag Wangalang Wi”, la version du “Secret de la Licorne”…

    ________

    Par Damien Glez

    Jeuneafrique

  • Archives coloniales belges: les chercheurs en émoi

    Archives coloniales belges: les chercheurs en émoi

    COLON-« Un vent d’inquiétude souffle sur la communauté des chercheurs qui travaillent sur l’Afrique coloniale belge », affirme une pétition publiée le 14 novembre par un Collectif d’une trentaine d’historiens africanistes, belges et étrangers, sous le titre : Un nouvel enterrement pour les archives coloniales belges ? Ses auteurs ont aussi adressé le 2 décembre une «Lettre ouverte» à Charles Michel, Premier ministre du gouvernement fédéral de Belgique. Ils lui demandent « d’arrêter cette opération de transfert physique » des Archives africaines du SPF-Affaires étrangères vers les Archives générales du Royaume.

    A l’origine de ce cahier des doléances, trois historiens – Jean-Pierre Chrétien, directeur de recherche émérite au CNRS, Christine Deslaurier, chargée de recherche à l’Institut de recherche pour le développement, et Léon Saur, docteur en Histoire à Paris1 Panthéon Sorbonne -, qui tentent d’alerter l’opinion sur les dangers du transfert des Archives africaines du « SPF-Affaires étrangères » vers les Archives générales du Royaume en Belgique. De leur point de vue, « les chercheurs et le public intéressé à consulter les archives coloniales belges n’ont rien à gagner dans une telle opération ».

    « Ces fonds méritent une attention plus large, explique Jean-Pierre Chrétien, car ils concernent l’histoire de toute l’Afrique centrale, de l’époque léopoldienne aux guerres mondiales, des périodes coloniale et postcoloniale, de la mort de Lumumba ou de l’évolution contemporaine tant du Rwanda que du Burundi… » C’est dans cet esprit que les auteurs de la pétition ont adressé le 2 décembre une « Lettre ouverte » à Charles Michel, Premier ministre du gouvernement fédéral belge, et à Didier Reynders, vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères et européennes.

    Ils rappellent que la consultation de ces archives a « permis une percée décisive dans le dossier Lumumba [et a] contribué à renouveler en profondeur la connaissance que l’on a de la révolution rwandaise de 1959 et de l’accession du Burundi à l’indépendance »… Et demandent d’arrêter purement et simplement « cette opération de transfert physique qui sera coûteuse pour le budget national et [qui] pourrait nuire à la crédibilité de la Belgique en donnant à penser que celle-ci a peur de son histoire coloniale ».

    La réponse ne s’est pas faite attendre, en la personne de Pierre-Alain Tallier, chef de section aux Archives générales du Royaume qui, le 3 décembre, a livré à RFI la réaction officielle des AGR – déplorant au passage que les intéressés n’aient pas pris contact avec lui pour en discuter en amont.

    L’homme s’est voulu rassurant, au téléphone comme dans la lettre qu’il nous a fait parvenir et dont nous vous livrons la copie intégrale. Il qualifie la décision du transfert « des archives statiques du ministère des Colonies » (5 kms linéaires) « et du gouverneur général de Léopoldville » (4,5 kms) de « rationnelle ».

    Et pour preuve de sa bonne foi, il nous fait parvenir un Jalon de recherche – un manuel des archives coloniales -, ainsi que les actes d’un colloque consacré à la gestion des archives africaines anciennes et contemporaines. « Ces deux publications vous montreront combien nous sommes impliqués dans la bonne conservation et l’ouverture à la recherche des archives relatives aux relations belgo-africaines », assure-t-il.

    Dont acte, nous répond Christine Deslauriers, qui se réjouit de l’ouverture d’un dialogue mais qui n’apprécie pas la réduction des questions des chercheurs « à une forme de résistance au changement ». Tout comme Léon Saur, qui déplore le « discours lénifiant » de M. Tallier, estimant qu’il cherche à « décrédibiliser ses contradicteurs en les faisant passer pour des conservateurs inadaptés ».

    « Un nouvel enterrement pour les archives coloniales belges ? »

    Elikia Mbokolo, l’un des signataires de la pétition, nous éclaire sur un malentendu qui peut paraître à première vue technique ou corporatiste, mais dont les enjeux sont bien réels : la poursuite du libre accès des chercheurs de toutes nationalités à ce patrimoine et le respect de son intégrité – qu’il estime menacée.

    RFI : Pourquoi cette inquiétude par rapport à ces archives ?
    Elikia Mbokolo : Oui, parce qu’il y a déjà eu un premier enterrement des archives. Le Congo a été la propriété personnelle du roi Léopold II de la Conférence de Berlin, 1885, jusqu’en 1908 – quand il a décidé de le céder à la Belgique moyennant des dessous de table financiers très importants. Avant de mourir, le Roi, personnellement, a fait brûler toutes les archives compromettantes pour lui, presque toutes. On sait que ces archives parlent du caoutchouc, de l’ivoire ou du massacre des éléphants congolais entre 1885 et 1908. Elles parlent de l’épisode assez connu des « mains coupées » : si les villages ne rendaient pas la quantité de caoutchouc dont on avait besoin, on prenait les hommes mâles adultes et on leur coupait la main. Je ne sais plus si c’était la gauche ou la droite pour commencer ; la deuxième fois, on leur coupait l’autre main, et si la famille continuait à ne pas donner le caoutchouc, on tuait le bonhomme ! Du côté des Belges, tout cela a été brûlé. Heureusement, il y avait des Anglais, des Suédois et autres, donc on a quand même des traces. Et les archives de la période belge qui restent, ont été gardées d’abord dans un bureau spécial du ministère des Colonies et puis transférées au ministère des Affaires étrangères où elles se trouvent aujourd’hui.

    Comment étaient-elles accessibles aux chercheurs ?
    Jusque vers 1985-1990, quand on allait dans ces archives, il était interdit de photocopier des documents. On pouvait prendre des notes bien sûr, mais chaque chercheur devait laisser les notes qu’il avait prises dans la journée et revenir le lendemain pour que l’archiviste ait le temps de vérifier les choses qu’il avait notées, est-ce qu’il y avait des choses compromettantes, etc. Il y eu un mouvement d’opinion qui a fait qu’on a ouvert ces archives. Et je peux dire – j’y étais encore l’année dernière, je dois y retourner en février – qu’elles sont libres d’accès. Mais si on les déplace aux Archives générales du Royaume, les AGR, il y a de forts risques qu’on les expurge… Quand on va les transférer, il faudra tout un temps pour les classer de nouveau, etc. On va sans doute les expurger, et je crains que l’accès soit difficile pour les chercheurs, surtout pour les chercheurs africains ou, comme on dit en Belgique, les « chercheurs noirs ». La couleur de la peau est un véritable enjeu parce qu’on imagine que si vous êtes noir, c’est que vous êtes anticolonialiste et donc, on ne vous montrera pas tous les documents que vous voulez voir… Alors qu’aujourd’hui, franchement, on peut voir, et même photocopier, tout ce qu’on veut.

    De quoi a-t-on peur ? Pourquoi ce recul dans l’accès aux archives, puisque vous l’analysez comme tel ?
    Mais c’est qu’il y a toujours des problèmes par rapport au passé colonial belge. Ils n’en sont pas totalement revenus. Il y a d’abord l’affaire Lumumba, mort assassiné. On a longtemps incriminé l’Etat belge, à commencer par le Palais. Ils ont toujours nié y être pour quelque chose et puis, un historien flamand a repris les archives, les textes, pour montrer qu’il y avait véritablement un plan pour l’assassiner. L’affaire est allée à un point tel que le Sénat belge a monté une Commission d’enquête sur les responsabilités belges. Et il est apparu qu’il y avait en effet un certain nombre de responsables mais, nous dit-on, à titre purement individuel. L’Etat, la monarchie, n’avait rien à y voir. Or aujourd’hui comme dans toute l’Europe, la société belge est de plus en plus ouverte. Beaucoup de Belges d’origine africaine, et notamment congolaise, demandent qu’il y ait des rues, des places Lumumba. Et la famille Lumumba veut réintenter un procès puisque, parmi les gens dont les noms ont été cités, quelques uns sont vivants et occupent des positions extrêmement élevés dans les milieux financiers et politiques belges. Des gens qui ont 85 ans environ.

    On peut les citer ?
    Il y a un Dolignon, qu’on connaît bien, qui est dans le staff de la compagnie Bruxelles Airlines et un de ses grands patrons. Du côté des banques, c’est plus compliqué parce que les banques belges, la Banque Lambert, la Société générale, ont été dans le grand mouvement européen absorbées par d’autres banques, notamment des banques françaises. Donc, s’il y avait une demande de « réparation », cela pourrait aller très loin. On fait tout pour escamoter cela et je crains qu’il y ait une opération de nettoyage des archives qui va être une catastrophe pour la connaissance du passé.

    Y a-t-il d’autres dossiers épineux ?
    Il y a des dossiers très compromettants sur les « relégations », comme on disait. Non pas des criminels qu’on emprisonnait, mais tous ceux qu’on reléguait dans des villages très loin de chez eux, qui étaient dans le secteur politique, dans l’agitation culturelle et même religieuse. La colonisation belge a été une sorte de Sainte Trinité, entre la famille royale- l’Etat -, les banques – la Banque Lambert, la Société générale – et bien sûr, l’Eglise catholique belge, qui avait obtenu que le Vatican et la Colonie signent un concordat pour avoir le monopole de l’enseignement. Donc, c’est une bombe à retardement. Jusqu’ici, la chance des chercheurs, c’est qu’il y a eu des missionnaires protestants, grâce au rôle des Etats-Unis dans la création de l’Etat indépendant du Congo et grâce aussi aux missionnaires anglais et suédois, qui eux ont des archives qu’on peut consulter. Mais les archives belges restent pour nous quand même de très, très loin, les plus importantes…

    Y a-t-il eu une réaction des autorités congolaises ?
    Elles sont un peu embarrassées par le dossier. Les autorités du Congo ont décidé que le passé, c’est passé, on n’en parle plus, [et que] maintenant, il faut parler d’autre chose. Cette réaction est très différente de celles de l’ancienne Afrique française ou de l’ancienne Afrique anglaise. Dans le cas de la France, par exemple, le massacre de Thiaroye en 1944 est quelque chose dont on parle encore. Et le président François Hollande s’est engagé dans les jours qui viennent à donner une copie de toutes les archives sur Thiaroye au Sénégal. On voit que c’est le jour et la nuit. Le passé, de toute façon, il est passé. Nous, notre boulot, c’est de le faire connaître. Et plus on le cache, plus les gens vont soupçonner qu’il y a vraiment des choses d’une gravité extrême.

    Qu’espérez-vous obtenir ?
    Dans beaucoup de pays, les archives coloniales, qui sont une chose spécifique dans l’histoire des nations, sont séparées des archives nationales. Et cela permet aux spécialistes des problèmes coloniaux d’avoir un accès, disons, confortable aux archives qui les concernent. Or, si on mélange ces archives, les responsables auront tendance à ouvrir plutôt les places aux chercheurs qui s’occupent de l’histoire nationale plutôt qu’à ceux qui s’occupent de l’histoire coloniale. Sans compter que dans le transfert des archives, il y a toujours un nettoyage. On peut craindre, compte tenu du passé léopoldien et colonial, que pendant ce nettoyage, le plus intéressant soit détruit à jamais.

    Vous demandez un statu quo ?
    On demande un maintien en l’état actuel et que peut-être – on a un dossier important de réparations – si ces locaux sont insuffisants, on trouve ou qu’on construise un autre espace où on pourrait déposer ces archives. Dans l’affaire, il serait intéressant que le pouvoir belge s’approche du pouvoir congolais de telle sorte que le Congo s’investisse aussi dans ces archives : c’est quand même la mémoire de l’Etat congolais.

    RFI

  • OIF : une trentaine de chefs d’État et de gouvernement présents au Sommet de Dakar

    OIF : une trentaine de chefs d’État et de gouvernement présents au Sommet de Dakar

    mackydiouf-Plus de 30 chefs d’État et de gouvernement sont à Dakar pour le XVè Sommet de la Francophonie, les 29 et 30 novembre. Parmi eux, 19 chefs d’État africains ont fait le déplacement vers la capitale sénégalaise.
    Les déclarations d’Abdou Diouf et de François Hollande en avaient fait hésiter certains. Le secrétaire général de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) et le président français avaient tous deux insisté, ces dernières semaines, sur le nécessaire respect des constitutions et l’importance de ne pas s’éterniser au pouvoir. Mais au final, très peu de chefs d’Etat africains ont fait le choix de snober le Sommet de Dakar, du 29 au 30 novembre… au risque d’entendre des déclarations qui les agacent.
    Au total, 19 chefs d’État africains seront présents. La plupart sont arrivés ce vendredi 28 novembre, comme le président de transition du Burkina Faso, Michel Kafando, qui assistera à son premier grand raout en tant que président. Il doit d’ailleurs s’entretenir en tête-à-tête avec François Hollande samedi dans l’après-midi.
    Les chefs d’État concernés par la limite constitutionnelle du nombre de mandats seront présents : le Congolais (Brazzaville) Denis Sassou Nguesso (il soutient la candidature d’Henri Lopes au secrétariat général), son homologue de Kinshasa, Joseph Kabila (président en exercice de la Francophonie pour quelques heures encore), le Béninois Boni Yayi (la Cour consititutionnelle béninoise vient de s’exprimer contre la modification de la Constitution et il a déjà fait savoir qu’il quitterait le pouvoir) ou encore le Burundais Pierre Nkurunziza (qui présente la candidature de Pierre Buyoya). Paul Kagamé, lui, sera représenté par sa ministre des Affaires étrangères, Louise Mushikiwabo, mais cette absence était attendue : le président rwandais goûte peu les sommets de ce genre et entretient un rapport ambigü avec la francophonie.
    Le président togolais, Faure Gnassingbé, sera aussi présent et doit également s’entretenir avec François Hollande, tout comme le Camerounais Paul Biya.
    Le président mauricien, Kailash Purryag, qui soutient la candidature de Jean-Claude de l’Estrac, est pour sa part arrivé dès jeudi.

    Parmi les grands absents, on notera celle du Djiboutien Ismaïl Omar Guelleh. La Tunisie, qui est dans l’entre-deux-tours de son élection présidentielle, sera représentée par le chef du gouvernement, Mehdi Jomâa, lequel doit rencontrer François Hollande.
    Quant au Liban, il n’a plus de chef d’État. Ce qui n’empêche pas de nombreuses spéculations autour du dernier homme à avoir occupé cette fonction, Michel Sleimane, parfois cité comme possible candidat de dernière minute au poste de secrétaire général depuis qu’il a rencontré François Hollande à l’Élysée, le 27 novembre au soir.
    Le suspens autour de l’élection du nouveau secrétaire général est décidément la véritable animation de cette 15è édition de la grand-messe francophone.
    Pays membres représentés par leur chef d’État (23) :
    Bénin, Burkina Faso, Burundi, Cameroun, Congo-Brazzaville, RD Congo, Côte d’Ivoire, France, Gabon, Guinée, Guinée-Bissau, Guinée équatoriale, Madagascar, Mali, Mauritanie, Maurice, Monaco, Niger, Sénégal, Suisse, Tchad, Togo. Le président du Kosovo, non membre de l’OIF, sera aussi présent.
    Les membres représentés par leur vice-président (2) :
    Comores, Viet-Nam
    Pays membres représentés par leur chef de gouvernement (8) :
    Belgique, Canada, Djibouti, Egypte, Québec, Nouveau Brunswick, Tunisie, Wallonie
    jeuneafrique

  • Francophonie : candidats au poste de secrétaire général, leurs atouts et leurs faiblesses

    Francophonie : candidats au poste de secrétaire général, leurs atouts et leurs faiblesses

    Candidats francophonie-Dimanche à Dakar, les chefs d’États membres de la Francophonie éliront le nouveau secrétaire général de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF). Présentation des points forts et faibles des cinq prétendants.
    Dans l’histoire de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), la course à la succession à Abdou Diouf au poste de secrétaire général, est une première. Pendant des mois, les candidatures (parfois éphémères) se sont succédées. Certains prétendants ont mené des campagnes très intenses, à l’image de la canadienne Michaëlle Jean (CN), qui a voyagé sur les cinq continents.

    Dans cette dernière ligne droite (l’élection aura lieu dimanche 30 novembre, dans le huis clos des chefs d’États, lors du Sommet de la francophonie de Dakar) cinq candidats officiellement présentés par leur pays, sont toujours en course. Quels sont les points forts et les points faibles de chacun ? Revue de détails, en gardant à l’esprit qu’un nouveau candidat peut toujours sortir du chapeau à la dernière minute.
    Michaëlle Jean (Canada)
    Passez la souris sur le pictogramme vert (à gauche) pour faire apparaître les points forts, sur le rouge pour les points faibles.

    Jean-Claude de l’Estrac (Maurice)Pierre Buyoya (Burundi)

    Henri Lopes (Congo-Brazzaville)Agustin Nze Nfumu (Guinée équatoriale)

  • Au Rwanda, le français longtemps mis de cote fait un discret retour

    Au Rwanda, le français longtemps mis de cote fait un discret retour

    rwanda-“Education breeds confidence, hope and peace”. Dans le centre de Kigali, l’ONG Plan vante, en grand et en anglais, les vertus de l’éducation pour la “confiance, l’espoir et la paix”. L’affiche est traduite en kinyarwanda. Pas en français.
    Quasiment inusité avant le génocide de 1994 et l’arrivée au pouvoir de Paul Kagame, l’anglais a progressivement gagné en puissance dans l’ex-colonie belge. Certains prédisaient même la disparition du français. Qui effectue pourtant aujourd’hui un discret retour.
    L’annonce de Plan est un exemple parmi d’autres: devantures et affiches ont adopté l’anglais dans la capitale. Quand le soleil se lève sur le petit pays d’Afrique centrale, ce n’est plus “Bonjour” mais “Good morning” que les enfants lancent aux étrangers.
    C’est Paul Kagame, arrivé au pouvoir à la tête d’une rébellion basée en Ouganda anglophone et lui-même davantage à l’aise dans la langue de Shakespeare que celle de Molière, qui a propulsé l’anglais langue officielle.
    Le français, comme le kinyarwanda, seule langue parlée par toute la population, est restée langue officielle. Mais il a perdu du terrain à mesure que les relations entre le Rwanda et la France, accusée par Kigali d’avoir joué un rôle dans le génocide, se dégradaient.
    En 2008, Kigali a remplacé le français par l’anglais comme langue d’enseignement obligatoire dans le public. L’année suivante, le pays, toujours membre de la Francophonie, rejoignait le Commonwealth.
    – Frustration –
    Ces changements ne se sont pas faits sans mal, notamment pour les enseignants, largement francophones.
    “J’arrive à enseigner en anglais maintenant, mais je ne peux pas dire que j’enseigne efficacement”, reconnaît Laurent, professeur de sciences humaines. “La plupart des enseignants mélangent l’anglais et le kinyarwanda pendant les cours”.
    Assis derrière son ordinateur du kLab, centre pour jeunes entrepreneurs, Pacome Munyaneza, reconnaît l’utilité de l’anglais pour travailler avec les voisins kényans ou ougandais.
    Mais son apprentissage lui a “demandé beaucoup d’énergie” pour un résultat médiocre: “je suis (d’un niveau) moyen dans les deux langues”, estime-t-il, regrettant d’avoir “perdu (son) français”.
    L’abandon du français en a aussi frustré certains, qui se sont sentis marginalisés.
    “Lorsque l?anglais est devenu une langue dominante (. . . ) j?étais sans emploi et je n?ai pas pu rejoindre l’administration (car) vous étiez obligés de passer le test en anglais”, raconte un journaliste francophone. “J’ai été écarté et j?ai rejoint la presse privée”.
    Il y a aussi les nostalgiques du français, langue surtout parlé par une élite avant 1994.
    “C?est un acquis que l?on voudrait sauvegarder”, dit un Rwandais né au Burundi, ex-colonie belge restée très francophone, et revenu après le génocide.
    “C’est un univers de pensée et de symboles”, renchérit le journaliste, énumérant ses références littéraires – “Racine, Voltaire, Camus. . . “.
    Pour Pacome Munyaneza, le français a aussi une valeur sentimentale : “Mon grand-père et ma grand-mère utilisent quelques mots de français dans leurs phrases en kinyarwanda. Dans notre village, nous avons grandi avec le français (. . . ) Je ne peux pas souhaiter le perdre. ”
    Pour la défense du français, ces nostalgiques avancent son côté pratique: mieux vaut parler deux langues étrangères. D’autant que le Rwanda est entouré de pays anglophones et francophones.
    – ‘Revirement’ –
    Signe de temps qui changent à nouveau, l’argument est repris par les anglophones.
    “Pour être compétitifs sur le marché du travail nous devons pouvoir parler les deux langues”, reconnaît Pierre Mugisha, laborantin né en Ouganda qui apprend le français.
    Autre changement: en 2016, une heure de cours de français par semaine sera réintroduite dès la 4e année de primaire.
    “On a constaté que (les élèves) n?ont pas de bagage suffisant” à la sortie du secondaire pour faire des études supérieures en français, explique Joy Musabe, chef des programmes scolaires au ministère de l’Education.
    Elle se défend d’un rétropédalage mais Evariste Ntakirutimana, de l’Université nationale du Rwanda, note que “le revirement est sensible”: le gouvernement a entendu “les réclamations tacites” des Rwandais favorables à la diversité linguistique.
    Ce début de retour en grâce est cependant loin de refléter les relations franco-rwandaises, qui se sont même encore refroidies en avril quand le président Kagame a de nouveau accusé la France de participation au génocide.
    Dans la foulée, Kigali fermait le centre culturel français, invoquant un problème d’urbanisme. Les cours de français qu’il dispensait se déroulent depuis dans l’école française.
    jeuneafrique

  • RDC : le discours de Denis Mukwege, prix Sakharov 2014, devant le Parlement européen

    RDC : le discours de Denis Mukwege, prix Sakharov 2014, devant le Parlement européen

    Denis-mukwege-On le connaît comme le “juste qui répare les femmes”. Mercredi, le docteur Denis Mukwege a reçu le prix Sakharov du Parlement européen, qu’il a dédié au “peuple congolais”. Le chirurgien est honoré pour son action près de Bukavu, en RDC, où il a soigné plus de 40 000 victimes de viols depuis 1996.
    C’est une récompense de plus dans le combat d’une vie, celle du docteur Denis Mukwege, qui dirige depuis 1996 la clinique de Panzi, près de Bukavu, en RDC. Le chirurgien gynécologue congolais a reçu mercredi le prix Sakharov du Parlement européen, à Strasbourg, en l’honneur de son combat dans le Nord-Kivu, où il a soigné, depuis l’ouverture de son centre de soins, plus de 40 000 femmes et petites filles victimes de violences sexuelles dans la région.
    Le corps des femmes est devenu un véritable champ de bataille.
    Une récompense qu’il reçoit “avec humilité”, a-t-il déclaré, en rappelant que le Kivu payait les conséquences d’une guerre “bassement économique”. “La région où je vis est l’une des plus riches de la planète (…) [où] le corps des femmes est devenu un véritable champ de bataille, et le viol est utilisé comme une arme de guerre”, a ainsi dénoncé le chirurgien dans son discours, que Jeune Afrique retranscrit ci-dessous en intégralité.
    >> Lire aussi : “Docteur Denis Mukwege : “Au Kivu, le viol demeure une véritable stratégie de guerre””
    “Mon père priera et moi je soignerai”
    C’est de son père, pasteur, que Denis Mukwege, né à Bukavu en 1955, a hérité sa vocation d’aider son prochain. “Je l’admirais. Quand il partait à la rencontre des malades, quand il prêchait en tant que pasteur, je l’accompagnais car j’aimais le voir en action”, explique le chirurgien dans Panzi, livre sorti en juin 2014.
    Il y raconte notamment ce jour lors duquel son père fut appelé au chevet d’un bébé mourant. Impuissant, le pasteur ne pût qu’offrir ses prières à la famille et à l’enfant tandis que son fils pensait : “Il faut que je sois médecin, ainsi mon père priera et moi je soignerai”. Sa vocation était née. Denis Mukwege avait alors huit ans.
    C’est de son père, pasteur, que Denis Mukwege, né à Bukavu en 1955, a hérité sa vocation.
    Après des études de médecine au Burundi, à Bujumbura, à partir de 1978, un premier poste à l’hôpital de Lemera, en RDC, il débarque en France, à Angers, pour se spécialiser en gynécologie. Il y apprendra une technique révolutionnaire à l’époque, la laparoscopie, modèle de chirurgie peu invasive qui se révélera précieuse, avec l’aide du spécialiste belge Guy-Bernard Cadière, dans le traitement des lésions chez ses patientes de Panzi.

    Denis Mukwege, ©AFP
    Il quitte Angers pour la RDC en 1989. Suivent des années de guerre, les conséquences du génocide au Rwanda, les conséquences au Kivu puis la fondation de sa clinique, avec l’aide d’associations suédoise et britanniques et de l’Union européenne. Quelques habitations en pisé d’abord, avant des locaux en dur. Puis la première victime de viol, en 1999. “Cette femme avait été violé à 500 mètres de l’hôpital”, se souvient-il : “À l’époque, j’ignorais que ce serait le début d’une série de plus de 40 000 victimes.”
    “Notre pays est malade mais, ensemble, (…) nous allons le soigner”
    Ce 26 novembre, au Parlement européen, c’est le représentant de l’”un des principaux défis du siècle à venir : réduire les violences envers les femmes”, qui est honoré par le prix Sakharov. Le témoin d’un Kivu où l’atrocité – il parle dans son discours, par exemple, d’une enfant violée de 18 mois, entre la vie et la mort -, côtoie l’”horreur économique qui nous conduit à la veulerie, au nihilisme sans conscience et finalement à la barbarie”.
    Vous avez décidé d’accroître la visibilité du combat mené par les femmes congolaises depuis plus de 15 ans.
    “C’est avec beaucoup d’humilité et un grand espoir que je reçois aujourd’hui le prestigieux Prix Sakharov pour la liberté de l’esprit”, a déclaré Denis Mukwege à la tribune du Parlement européen mercredi. “Par ce prix, vous avez décidé d’accroître la visibilité du combat mené par les femmes congolaises depuis plus de 15 ans et de reconnaître leur souffrance mais aussi leur dignité et le courage qu’elles incarnent”, explique-t-il encore.
    “Chaque femme violée, je l’identifie à ma femme ; chaque mère violée à ma mère et chaque enfant violé à mes enfants. Comment me taire quand nous savons que ces crimes contre l’humanité sont planifiés avec un mobile bassement économique ?”, s’interroge Denis Mukwege.
    Unissons-nous et marchons avec l’Europe, afin qu’une fois pour toutes, la paix et la justice soient restaurées au Congo.
    “Quel est cet être humain doué de conscience qui se tairait quand on lui emmène un bébé de six mois dont le vagin a été détruit soit par la pénétration brutale, soit par des objets contondants, soit par des produits chimiques ?”, at-il dit devant les députés européens, en réclamant un règlement européen au sujet de l’approvisionnement en minerais.
    S’adressant au “peuple congolais”, Denis Mukwege explique enfin que le prix qu’il a reçu est “le symbole de la liberté de pensée”, “un droit qui nous a été retiré, (…) auquel, suite à la terreur et l’oppression, nous semblons parfois avoir renoncé”.
    Et de conclure : “Aujourd’hui, tout haut, et devant le monde entier, l’Europe nous exprime sa solidarité. Elle veut marcher avec nous dans notre quête pour la restauration d’une vie congolaise digne. Unissons-nous et marchons avec elle, afin qu’une fois pour toutes, la paix et la justice soient restaurées au Congo et que nous puissions aspirer à un futur meilleur. Notre pays est malade mais, ensemble, avec nos amis de par le monde, nous pouvons et nous allons le soigner.”

    Discours du Docteur Denis Mukwege à l’occasion de la remise du Prix Sakharov


    Jeuneafrique.

  • Ces avocats qui ont marqué 2014

    Ces avocats qui ont marqué 2014

    robe-avocat-Pour la troisième année consécutive, “Jeune Afrique” dresse la liste des avocats d’affaires qui ont marqué l’actualité économique récente en Afrique francophone.

    Pour la troisième année consécutive, Jeune Afrique dresse la liste des avocats qui ont marqué l’actualité économique récente en Afrique francophone. Cette liste (qui n’est pas un classement) distingue des associés pour des dossiers phares, sur lesquels – il faut le préciser – ils ont toujours travaillé en équipe. Les missions en conseil, en contentieux ou en arbitrage sont prises en compte, mais les dossiers d’arbitrage étant souvent confidentiels, quelques avocats pourtant incontournables cette année dans ce domaine ­- comme Emmanuel Gaillard de Shearman & Sterling – n’apparaissent pas ici.

    Lire aussi :

    Les 15 avocats d’affaires de 2013

    Droit des affaires : les avocats africains montent en puissance

    Jusqu’à quarante dossiers

    Le fait qu’il se soit illustré dans une grande opération sur le continent ne fait pas nécessairement d’un cabinet un grand spécialiste de l’Afrique francophone.

    Certains ne traitent qu’une poignée de dossiers concernant cette région du monde quand d’autres, tels que Linklaters, Herbert Smith Freehills ou Simmons & Simmons, en gèrent trente ou quarante chaque année. Toutefois, une chose est certaine : un nombre croissant de cabinets d’avocats ont mis l’Afrique au menu. Et certains comptent jusqu’à une cinquantaine de juristes (basés dans leurs différents bureaux à travers le monde) intervenant sur le continent.

    Bataille vive

    Dans ce contexte, la bataille pour recruter les talents reste vive : Roland Ziadé, actif dans plusieurs grands dossiers d’arbitrage impliquant l’Afrique, a ainsi quitté fin 2013 Cleary Gottlieb Steen & Hamilton pour Linklaters. L’avocat camerounais Jean-Jacques Essombè est passé de Heenan Paris à Orrick.

    Mais ces cabinets se heurtent aussi aux difficultés liées à la pratique des affaires sur le continent. Cette année, Dentons a ainsi réclamé devant un tribunal américain dix millions de dollars à la Guinée pour des opérations de conseil non payées. Et qui a oublié que ce sont les activités louches en Afrique d’un ancien associé qui ont conduit à la disparition pure et simple du puissant cabinet canadien Heenan Blaikie en début d’année ?

    Jeune Afrique