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  • Les Constitutions africaines à l’épreuve de ses hommes forts

    Les Constitutions africaines à l’épreuve de ses hommes forts

    mediaLéopold Sédar Senghor, lors de sa prestation de serment présidentiel, le 9 décembre 1963. EN 1980, il sera le premier président africain à quitter le pouvoir au terme de ses mandats présidentiels.Photo: Rue des Archives/AGIP

    Le processus de démocratisation qui a commencé il y a vingt ans en Afrique s’essouffle. Dans de nombreux pays, l’Etat de droit est mis à mal, les constitutions manipulées, l’opposition marginalisée, le clientélisme et la corruption sont érigés en instruments de gouvernance. Certains experts et membres de la société civile appellent à une refondation de la démocratie dans le continent de Senghor et de Mandela.

    Lorsque Senghor quitta volontairement la présidence du Sénégal après avoir exercé le pouvoir pendant près de vingt ans, il était qualifié de « déserteur » par ses pairs, notamment par le Tunisien Bourguiba et l’Ivoirien Houphouët Boigny qui, eux, avaient opté, pour la « présidence à vie ». La tradition des « présidents monarques » qui s’inscrustent au pouvoir, n’est certes pas spécifiquement africaine, avec les Islam Karimov, les Noursoultan Nazarbaïev ou encore les Bachar al-Assad prospérant à travers le monde. Il n’en reste pas moins que sur les 19 chefs d’Etat qui ont accédé au pouvoir au siècle dernier et qui s’accrochent à leur place, 14 – donc, les trois quarts – sont africains ! Les 4 présidents en place dans le monde depuis plus de trente ans sont tous africains ; 8 sur 10 de ceux qui ont accédé au pouvoir il y a plus de vingt ans le sont aussi !

    Un mal africain ?

    La pérennisation et la monopolisation du pouvoir sont devenues les traits caractéristiques de la pratique politique africaine. Les statistiques sur des dirigeants accros au pouvoir font écho aux débats qui secouent, en ce moment même, plusieurs pays d’Afrique, où les présidents dont les mandats arrivent prochainement à échéance cherchent arguments et moyens pour modifier la Charte fondamentale qui leur interdit d’effectuer plus de deux mandats. Après Ben Ali (Tunisie), Eyadéma père (Togo), Paul Biya (Cameroun), Omar Bongo (Gabon), Mamadou Tandja (Niger), Idriss Déby (Tchad), Yoweri Museveni (Ouganda), Abdelaziz Bouteflika (Algérie) et Ismaïl Omar Guelleh (Djibouti) qui ont réussi à modifier leurs Constitutions pour se perpétuer au pouvoir, d’autres chefs d’Etat africains en fin de mandats présidentiels autorisés par la loi,  sont gagnés par la tentation de prolonger leur mandature.

    Au cours des trois années qui viennent, la question va se poser notamment pour Lucas Pohamba de Namibie (fin de mandat en novembre 2014), Pierre Nkurunziza de Burundi (fin de mandat en juin 2015), Jakatya Kikwete de Tanzanie (fin de mandat en octobre 2015), Blaise Compaoré du Burkina Faso (fin de mandat en novembre 2015), Thomas Boni Yayi du Bénin (fin de mandat en mars 2016), Denis Sassou Nguesso du Congo-Brazzaville (fin de mandat en juillet 2016), Joseph Kabila de la RDC Congo (fin de mandat en décembre 2016), Paul Kagame du Rwanda (fin de mandat en juillet 2017), Ellen Johnson Sirleaf du Liberia (fin de mandat en novembre 2017) et Ernest Koroma de Sierra Leone (fin de mandat en 2017).

    Les états majors de certains de ces dirigeants ont déjà commencé à préparer l’opinion dans leurs pays respectifs à coups d’arguments déjà entendus avant (« on a besoin de stabilité politique pour se développer », « pourquoi se priver de l’expérience et de la capacité de leadership d’un homme (ou d’une femme) qui a démontré son aptitude à gouverner », « la population elle-même le demande »!). Ils se proposent donc de changer la Constitution, rappelant que c’est un droit démocratique. La Constitution française de 1791 ne postulait-elle pas que « la nation a le droit imprescriptible de changer sa constitution ». Des arguments dont l’entourage du Camerounais Paul Biya s’est servi avec un certain succès pour faire supprimer en 2008 cette limitation du nombre de mandats dans la Loi fondamentale du Cameroun. Rappelons que le président camerounais est un des plus vieux chefs d’Etat au pouvoir en Afrique, qui a succédé à l’ancien président Ahidjo en 1982 et, depuis, a souvent remporté les scrutins électoraux avec des scores quasi-soviétiques ! Fort de son amendement constitutionnel, il a été réélu pour un nouveau septennat en 2011.

    Le parlement algérien a lui aussi modifié la Constitution en 2008 pour permettre au président Bouteflika de briguer un troisième mandat l’année suivante, puis un quatrième mandat en 2014, et cela malgré les séquelles d’un AVC qui a réduit ses capacités de mobilité et d’élocution. Aujourd’hui, pour s’attirer les bonnes grâces de l’opposition, le gouvernement algérien propose de revenir à la limitation à deux le nombre de mandats présidentiels.

    « Légale peut-être, mais ce genre de charcutage de la Constitution pour des raisons politiques ne rend pas service au pays », affirme le constitutionnaliste franco-sénégalais Alioune Badara Fall. Selon ce dernier, en voulant se maintenir au pouvoir à tout prix, les chefs d’Etat africains renouent avec l’ancienne pratique des « présidences à vie ». « Ils mettent à mal la notion de l’alternance qui est un des piliers fonamentaux et

    Le constitutionnaliste sénégalais Alioune Badara Fall et le secrétaire-général de l’OIF Abdou DioufFall

    incontournables de la démocratie », poursuit Alioune Badara Fall, professeur agrégé de droit public à l’université Montesquieu Bordeaux IV, et directeur d’un centre d’études sur les droits africains dans la même institution. Il est aussi le rédacteur en chef de la revue électronique « Afrilex » , où des études d’universitaires et de chercheurs consacrés à la pratique du droit sur le continent noir sont régulièrement publiées.

    Marche arrière

    Fondamentalement, la Constitution traduit la vision qu’a une société d’elle-même et de son avenir. Elle définit les principes et les idéaux qui président à la configuration des pouvoirs et les conditions juridiques régissant son développement. A ce titre, les textes constitutionnels jouent un rôle primordial dans cette vaste entreprise de construction de la nation dans laquelle les nouveaux pays d’Afrique sont aujourd’hui engagés. La plupart des constitutionnalistes estiment que les changements faciles et intempestifs de la Constitution créent une instabilité institutionnelle, mettant à mal l’Etat de droit et la démocratie.

    Le professeur Fall attire l’attention sur la marche arrière du continent africain en matière de démocratie et de constitutionnalisme. En effet, les premières Constitutions africaines datent de l’époque des indépendances. Souvent inspirées des Lois fondamentales des anciens pays colonisateurs, elles ont été rapidement modifiées ou abandonnées dans la plupart des pays, dès la deuxième moitié des années 1960, pour permettre l’instauration du système du parti unique. Plusieurs Etats africains ont, alors, connu une période autocratique et sans Constitutions, celles-ci ayant été suspendues à la suite de coups d’Etat militaires.

    Il faudra, ensuite, attendre la fin de la Guerre froide, en 1990, pour voir le continent noir renouer avec la démocratie et l’Etat de droit. Cette démocratisation s’est faite sous la pression conjuguée des pays occidentaux et des « conférences nationales » imposée par les mouvements d’opposition et les sociétés civiles locales. Les Etats ont adopté des Constitutions écrites qui consacrent l’encadrement juridique du pouvoir et son institutionnalisation. Le processus, qualifié de « troisième vague de démocratisation » par le politologue américain Samuel Huntington, toucha l’ensemble du continent, à l’exception d’un certain nombre de pays tels que le Sénégal, la Gambie, le Cap-Vert, l’île Maurice et Lesotho où la démocratisation avait déjà été enclenchée. C’est dans ce contexte que les pays africains ont décidé de limiter à deux le nombre de mandats (de 5 ou 7 ans selon les pays) de leurs présidents. L’objectif était de garantir l’alternance, et surtout d’éviter le retour à la personnalisation du pouvoir, comme cela se passait pendant la période des dictatures.

    Or, ces bonnes résolutions n’ont pas fait long feu, même si un certain nombre de pays ont respecté l’option de limitation du nombre de mandats présidentiels. L’exemple souvent cité est celui du Ghana où, à l’échéance de ses deux mandats présidentiels en 2008, le président John Kufuor a passé le relais à son successeur Atta-Mills (décédé en 2012 et

    Cyril Ramaphosa et Nelson Mandela brandissent la nouvelle Constitution sud-africaine, le 10 décembre 1996.AFP/ ADIL BRADLOW

    remplacé par son vice-président Mahama). On pourra aussi citer le Sud-Africain Mandela qui est parti à la retraite dès le terme de son premier mandat en 1999 ou le Malien Alpha Oumar Konaré qui a quitté le pouvoir après ses deux mandats en 2000. Les imaginaires africains restent encore aujourd’hui marqués par le retrait très digne du Sénégalais Abdou Diouf qui a transmis le pouvoir à l’opposant Abdoulaye Wade qui venait de remporter l’élection présidentielle de 2000.

    Malheureusement, ces présidents vertueux sont les exceptions qui confirment la règle. Dès la fin des années 1990, on a vu de nombreux dirigeants revenir sur leurs engagements et se lancer dans des révisions constitutionnelles laborieuses pour faire abroger la clause de la limitation des mandats présidentiels. Contrairement à une idée reçue, cette volte-face opportune ne concerne pas que les dirigeants francophones qui, héritiers de la vision française d’une « présidence impériale », seraient moins respectueux de la norme constitutionnelle. Dans les faits, parmi les 10 dirigeants africains au pouvoir depuis plus de deux décennies, il y a moins de francophones (Paul Biya du Cameroun et Blaise Compaoré du Burkina Faso, Idriss Déby Itno du Tchad) que de non-francophones :Teodoro Obiang Nguema de la Guinée-équatoriale, Yahya Jammeh de Gambie, José Edouard Dos Santos d’Angola, Robert Mugabe du Zimbabwe, Yoweri Museveni d’Ouganda, Omar el-Béchir du Soudan et Issayas Afewerki de l’Erythrée.

    Pourquoi ?

    Pourquoi les chefs d’Etat africains sont-ils si nombreux à s’accrocher au pouvoir ? C’est parce que, si l’on croit les intéressés, deux mandats sont trop courts pour terminer les différents projets qu’ils ont à peine commencé à mettre en œuvre. « Ce qu’on a pas pu faire en deux mandats, il est hypocrite de faire croire qu’un troisième et un quatrième mandat permettraient de terminer », affirme Badara Fall pour qui la véritable raison qui pousse les présidents à franchir la ligne rouge constitutionnelle, c’est outre la fascination qu’exerce le pouvoir, la peur du gendarme ou plutôt du juge.

    Beaucoup de dirigeants africains craignent de se voir poursuivis pour corruption ou autres manquements graves à la loi le jour où ils ne seront plus couverts par l’immunité présidentielle. « Il faut dire que la démocratisation de la vie politique n’a rien changé aux politiques de prédation, de clientélisme et de corruption qui avaient cours avant les années 1990. Au contraire, elles touchent aujourd’hui l’ensemble de la vie sociale et politique », déclare Alioune Badara Fall, en citant la pratique exacerbée du clientélisme au Sénégal sous Abdoulaye Wade. Et d’ajouter : « Dans ces conditions, cela ne m’étonne guère que nos chefs d’Etat veuillent rester au pouvoir de peur d’avoir de maille à partir avec la justice, tant au niveau interne des Etats que sur le plan international, au regard de la pratique de la Cour Pénale Internationale qui semble leur accorder une place «privilégiée» dans les procédures d’incrimination et de poursuite qu’elle applique aux hommes politiques africains depuis sa création. C’est peut-être une des raisons pour lesquelles cette Cour est aujourd’hui contestée par les Africains. »

    Pour beaucoup d’observateurs de la vie politique africaine, ces résistances à une pratique plus normée de la démocratie démontrent une absence de maturité politique des dirigeants africains dont beaucoup ont accepté d’entrer dans le jeu démocratique contraints et forcés par des contingences domestiques ou internationales. Difficile pour eux d’imaginer les élections autrement que comme un outil de préservation de pouvoir. D’ailleurs, peu de chefs d’Etat ont perdu les référendums qu’ils ont organisés pour faire sauter le verrou constitutionnel au renouvellement de leurs mandats. Les deux exceptions à la règle sont Frederic Chiluba en Zambie et d’Olusegun Obasanjo au Nigéria qui virent leurs tentatives de modification de la Constitution bloquées par leurs parlements, en 2001 et 2006 respectivement.

    Refondation

    « Un nouveau discours de la Baule s’impose pour rappeler aux pays africains qu’il est important que tous s’engagent dans une véritable refondation de la démocratie », pouvait-on lire dans Le Monde, la veille du Sommet de l’Elysée en décembre dernier consacré à la paix et à la sécurité en Afrique. A la veille d’un autre sommet qui se tiendra en août prochain aux Etats-Unis et qui réunira cette fois Américains et Africains, le président Obama a fait dire aux chefs d’Etats d’Afrique qui prennent à la légère leurs textes constitutionnels et les font amender pour les adapter à leurs ambitions : « ce dont l’Afrique a besoin, ce ne sont pas des hommes forts mais des institutions fortes ! »

    « La refondation de la démocratie africaine passera par la société civile africaine », déclare pour sa part Alioune Badara Fall. « La société civile était dans les rues à Bénin d’où les premières revendications pour la démocratie sont parties en 1989. C’est elle, et non pas la Conférence de la Baule(même si l’on doit reconnaître qu’elle a eu des effets avec la conditionnalité démocratique qui venait de faire son entrée dans les relations entre la France et les pays francophones d’Afrique), qui a propulsé l’Afrique  dans l’ère du multipartisme. Françaois Mitterrand s’était contenté d’apporter sa voix aux revendications qui s’élevaient du fond des sociétés africianes. C’est toujours cette société civile qui a refusé au président Wade au Sénégal de modifier la Constitution pour préparer sa succession au profit de son fils. Ce fut le début de la fin de son règne avec sa défaite à l’élection présidentielle de 2012, alors même que sa candidature contestée avait été validée par le Conseil constitutionnel. ».

    Pour aller plus loin sur ce thème, lire la livraison 129 de la revue Pouvoirs (Paris, 2008). Lire en particulier l’excellent article de Babacar Guèye : « Démocratie en Afrique : succès et résistances ».  Lire aussi les publications d’Alioune B. Fall , directeur du Centre d’études et de recherches sur les droits africians et sur le développement institutionnel des pays en développement (CERDRADI).

    RFI

  • Les métis, enfants oubliés de la colonisation belge

    Les métis, enfants oubliés de la colonisation belge

    collette-Braekman-« Papaoutais »… La belle chanson de Stromae est bien plus qu’un tube à succès… Elle exprime, en termes actuels, le malaise de ceux dont on ne parle pratiquement jamais, et qui furent les enfants oubliés de la colonisation belge, les métis. Aujourd’hui que les couples mixtes se multiplient, nul ne prête plus attention à ces enfants un peu plus bronzés, un peu plus bouclés, qui peuplent les crèches et les écoles. Mais voici quelques décennies, et longtemps après l’indépendance du Congo, du Rwanda et du Burundi, il était loin d’en être ainsi. Le vocabulaire lui-même en témoigne : avant 1960, on parlait moins de « métis » que de « mulâtres » un terme dérivé du mot espagnol « mulato » mulet, qui désignait l’animal hybride né de l’accouplement d’un cheval et d’une ânesse !
    Cependant, ces enfants de « sang mêlé » étaient nombreux, leur existence illustrait un pan peu connu de la colonisation belge et le destin qui leur était réservé démontrait à quel point les mentalités de l’époque étaient imprégnées du concept de la supériorité de la race blanche, qui ressemblait fort à un racisme de bon aloi.
    Lorsque les Belges, dès la fin du 19eme siècle, prennent pied en Afrique centrale, ce sont des hommes seuls qui font le voyage. Ils s’installent en bravant le climat difficile, la mortalité est élevée et dans cette Afrique centrale encore insalubre, il est hors de question de faire venir des femmes. En outre, à l’inverse des Portugais en Angola ou des Français en Algérie, l’administration coloniale n’encourage pas l’établissement permanent des colons, à ses yeux, le Congo est avant tout une entreprise commerciale ou, plus tard, une « œuvre civilisatrice » mais pas une colonie de peuplement. Les hommes cependant ne restent pas seuls très longtemps : pour éviter le « coup de bambou » (sorte de spleen alcoolique) ou régler les problèmes domestiques, les Européens embauchent des femmes congolaises, pudiquement appelées « ménagères ». Elles ne sont pas simplement chargées de tâches domestiques mais souvent vivent en concubinage avec leur « maître », le temps de l’affectation de ce dernier.
    Plus tard, lorsqu’arriveront les épouses belges, ces femmes retourneront dans l’ombre et, à de rares exceptions près, les enfants nés de ces relations interraciales ne seront jamais officiellement reconnus par leur géniteur. A la veille de la deuxième guerre mondiale, le Congo comptait ainsi quelque 5000 enfants nés entre deux mondes…
    Ils n’étaient cependant pas inconnus aux yeux de l’administration coloniale : cette dernière redoutait que la «goutte de sang blanc» qui coulait dans les veines de ces enfants fasse d’eux les instigateurs d’éventuelles révoltes et, méthodiquement, elle retirait les enfants métis du milieu indigène, les soustrayant donc à l’influence et à l’affection de leur mère, sans que pour autant le père les reconnaisse ou les prenne en charge ! Ces jeunes métis, dès le départ, étaient donc victimes d’une double discrimination : on leur avait inculqué qu’ils étaient différents des Noirs et que certains métiers leur étaient réservés (contremaîtres, catéchistes…) mais par ailleurs le monde des Blancs leur demeurait fermé, ils étaient relégués dans leurs propres cercles, vivaient dans des homes situés entre la ville européenne et la cité indigène !Aujourd’hui encore, des métis, nés à la veille de l’indépendance, gardent la brûlure et le souvenir de cette discrimination originelle et certains d’entre eux sont toujours en quête de leur père voire de leur mère, désireux, quelle que soit leur trajectoire sociale, de combler le vide béant de leurs racines arrachée. La plupart du temps, ils se heurtent au déni du côté de leur famille paternelle, peu soucieuse de découvrir cet enfant né « hors mariage » et c’est très difficilement que les plus obstinés réussissent à ouvrir les archives de l’administration coloniale pour tenter de retracer leur filiation.
    Durant plus de vingt ans, Assoumani Budagwa, un ingénieur d’origine congolaise, installé en Belgique, s’est attelé à une tâche qui avait rebuté bien des historiens professionnels : il a méthodiquement rassemblé et compulsé toutes les archives faisant état de l’existence des métis, parcouru textes de loi et dispositions administratives, retracé les histoires individuelles et les parcours collectifs. Et au fil de ses recherches, il a, inévitablement, croisé les fils de dizaines de cas individuels, recueilli les témoignages, mesuré les souffrances, les déchirements des enfants non reconnus. Il a aussi pris connaissance de la douleur des mères auxquelles leur enfant avait été arraché et qui se voyaient repoussées par leur « patron » rappelé en Belgique ou convolant en « justes » noces. L’ouvrage né de ces recherches n’est ni une thèse, ni un roman, ni une compilation de règlements administratifs pas plus qu’une fresque historique. Il est tout cela et plus encore : une véritable somme d’informations, de témoignages, d’histoires plus vraies et plus poignantes les unes que les autres. Mais surtout, ce livre qui, pour la première fois, dit les choses, nomme les cas, ne recule pas devant l’énoncé des souffrances individuelles et des quêtes désespérées, est riche d’une immense valeur thérapeutique. Lors de la présentation de l’ouvrage, plusieurs métis ont tenu à expliquer combien la quête de leurs origines avait marqué leur vie et il apparut que, même à la deuxième voire la troisième génération, cette question existentielle demeurait toujours brûlante…
    L’un des épisodes les plus dramatiques et aussi symptomatique de la geste des métis se situe à Save, au Rwanda, à la veille de l’indépendance.

    Estimant que, de toutes manières, les métis d’un orphelinat tenu par des religieuses seront plus en sécurité en Belgique que dans leur pays d’origine, la sœur Lutgardis et le père Delooz décident de les évacuer massivement vers la Belgique, Des familles belges les accueillent, surtout en Flandre et tous les liens sont coupés avec la mère biologique, victime d’un véritable rapt…Durant des décennies, les « enfants de Save » tenteront de retrouver qui leur mère restée au Rwanda, qui leur père biologique et l’ouvrage se termine sur ces récits poignants d’une quête qui, pour certains, n’est pas encore terminée…

    Assumani Budagwa, Noirs, blancs et métis, La Belgique et la ségrégation des métis du Congo belge et du Rwanda-Urundi (1908-1960) contact : noirsblancsmetismail.com

    Colette Braeckman

  • Cour constitutionnelle, mode d’emploi

    Cour constitutionnelle, mode d’emploi

    Marteau-de-Justice-Le président Kabila a nommé, le 7 juillet dernier, les neuf membres de la Cour constitutionnelle de RDC. Juge pénal du président de la République et du Premier ministre, cette juridiction est aussi en charge des contentieux électoraux et des conflits de compétences entre pouvoirs législatif et exécutif.

    Pourquoi cette Cour a été mise en place seulement début juillet ? Quand sera-t-elle réellement opérationnelle ?

    Le président Kabila a nommé, le 7 juillet dernier, les neuf membres de la Cour constitutionnelle de RDC. La Constitution du 18 février 2006 prévoit l’installation de cette Cour après la promulgation de sa loi organique, finalement publiée le 15 octobre 2013.

    Ces derniers mois, les assises des Concertations nationales, en octobre 2013 également, pour mettre fin à la guerre dans l’est de la RDC, ont occupé le régime et les parlementaires. Les institutions à installer devaient intégrer toutes les sensibilités politiques.

    D’après certains spécialistes, la toute nouvelle Cour constitutionnelle ne devrait être fonctionnelle, au mieux, qu’en 2015 après élaboration d’un règlement intérieur, de la désignation du président de cette juridiction, du serment à prêter au moment d’entrer en fonction et de la nomination d’un procureur général près de cette Cour.

    Peut-elle juger et destituer le président Kabila ou son Premier ministre ?

    La Constitution précise : « La Cour constitutionnelle est le juge pénal du président de la République et du Premier ministre pour des infractions politiques de haute trahison, d’outrage au Parlement, d’atteinte à l’honneur ou à la probité ainsi que pour les délits d’initié et pour les autres infractions de droit commun commises dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions.”

    La décision de poursuites et la mise en accusation du président et du Premier ministre sont votées à la majorité des deux tiers des membres du Parlement composant le Congrès. En cas de condamnation, le président de la République et le Premier ministre sont déchus de leurs charges. La déchéance est prononcée par la Cour constitutionnelle.

     

    Qui sont les 9 juges qui la composent ?

    La Cour constitutionnelle comprend neuf membres nommés par le président de la République dont trois sur sa propre initiative, trois désignés par le Parlement réuni en congrès et trois désignés par le Conseil supérieur de la magistrature. Les deux tiers des membres de la Cour Constitutionnelle doivent être des juristes.

    Les neuf membres sont :

    Félix Vunduawe Te Pemako, député national et professeur de droit, il a été vice-Premier ministre et ministre de l’Administration du territoire sous Mobutu, dont il a été directeur de cabinet.

    Eugène Banyaku Luape Epotu, professeur de droit et politologue est coordonnateur national adjoint de la Conférence internationale sur la paix et la sécurité dans les Grands Lacs. Ancien conseiller à la présidence, a été ministre à plusieurs reprises sous le régime Mobutu.

    Jean-Louis Esambo est professeur de droit et directeur de cabinet adjoint au ministère de l’Intérieur.

    Emmanuel-Janvier Luzolo Bambi Lessa est professeur de droit et ancien conseiller à la Présidence. Il a été de ministre de la Justice dans le gouvernement Muzito.

    Luamba Bindu, a été président de la Cour suprême de justice.

    Prince Funga Molima, Kalonda Kele et Kilomba Ngozi sont des magistrats.

    Corneille Wasenda est avocat près la Cour suprême de justice

    Qu’apporte-t-elle de plus que la Cour suprême de justice qu’elle remplacera à terme ?

    À la différence des membres de la Cour constitutionnelle, les membres de la Cour suprême de justice étaient tous nommés par le président de la République. Ils étaient également tous des magistrats de carrière. “La RDC rejoint les autres nations modernes avec trois ordres de juridictions (administratif, juridictionnel et constitutionnel). Cette spécialisation permettra un traitement rapide des dossiers qui trainaient au niveau de la Cour suprême de justice”, espère Pepe Mikwa Ntanga, défenseur judiciaire prés le Tribunal de grande instance de Kisangani (RDC).

    Quelles sont ses attributions ?

    La Cour constitutionnelle contrôle la constitutionnalité des lois et des actes ayant force de loi. Elle connaît des recours en interprétation de la Constitution. Elle est compétente sur les contentieux électoraux et les conflits de compétences entre les pouvoirs législatif et exécutif ainsi qu’entre l’État et les provinces. Elle examine enfin des recours contre les arrêts rendus par la Cour de cassation et le Conseil d’État.

    Sera-t-elle vraiment indépendante ?

    La Cour constitutionnelle sera obligée d’utiliser la Constitution actuelle ou la nouvelle qui lui sera soumise comme instrument de travail pour interpréter toutes les autres lois futures.

    “En outre, trois membres de cette Cour viennent du Parlement acquis au régime Kabila et trois autres sont nommés par le chef de l’État lui-même. L’indépendance des membres de cette juridiction se mesurera à leur capacité à dénoncer d’éventuelles pressions politiques. Attendons de les voir en œuvre”, ponctue Pepe Mikwa Ntanga.

    Jeune Afrique

  • Les Africains aiment les États-Unis, révèle une enquête (américaine)

    Les Africains aiment les États-Unis, révèle une enquête (américaine)

    african-american-Le monde, mais surtout l’Afrique, conserve en 2014 une image positive des États-Unis, selon l’enquête annuelle de l’institut de recherche américain, le Pew Research Center.

    Révélations d’espionnage, opposition à l’usage de drones, controverses autour de son action ou de son inaction militaire au Moyen-Orient, la réputation des États-Unis n’est a priori pas sortie indemne de cette année 2014. Et pourtant, la puissance américaine conserve une image positive dans de nombreuses régions du monde et plus particulièrement en Afrique, c’est en tout cas ce qu’affirme l’enquête mondiale 2014 publiée lundi 14 juillet par le centre américain Pew Research Center.

    L’Afrique toujours séduite

    L’Afrique est la région qui abrite le pourcentage le plus élevé d’opinions positives à l’égard des États-Unis. La moyenne globale est de 65% d’avis favorables, tandis qu’elle grimpe à 74% pour les sept pays africains interrogés. Le taux le plus faible (30%) est atteint au Moyen-Orient.

    “Les Africains expriment une vision particulièrement positive de l’Amérique. Dans les sept pays interrogés, de fortes majorités soutiennent les États-Unis”, indique le rapport. Ainsi 80% des Kenyans sondés, 77% des Ghanéens, 75% des Tanzaniens et 74% des Sénégalais ont une opinion favorable des États-Unis. Des pourcentages qui sont néanmoins en baisse par rapport à l’année 2013.

    Le Moyen-Orient défiant

    Excepté en Israël (où 84% de la population soutient la puissance américaine), les avis négatifs sont la norme dans les pays du Moyen-Orient interrogés. Il s’agit de l’”unique région où l’Anti-Américanisme est à la fois profond et généralisé”, précise le Pew Center.

    Seulement 10% des Égyptiens, 12% des Jordaniens, 19% des Turcs et 30% des Palestiniens ont une vision positive du pays Nord-américain. Le score est moins dramatique au Liban (41%) ainsi qu’en Tunisie (42%), seul pays sondé au Maghreb.

    L’étude révèle également des différences de point de vue au sein même des pays, selon l’âge, l’ethnie et la religion des personnes interrogées. Un gap générationnel existe donc entre les jeunes, globalement plus favorables aux États-Unis, et leurs ainés. 

    Dans des pays comme le Liban, de grandes divergences sont observées entre d’un côté les musulmans sunnites (55% d’avis positifs) et les chrétiens (53%), et de l’autre les musulmans chiites (10%).

    Jeune Afrique

  • “Protégeons notre Nation”:Message des Évêques catholiques aux Congolais:

    “Protégeons notre Nation”:Message des Évêques catholiques aux Congolais:

    eveques-Pour un processus électoral apaisé et porteur d’un avenir meilleur
     
    Message de la 51ème Assemblée Plénière des Evêques membres de la  Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO).
     
    1.    A l’ occasion du 54ème anniversaire de l’indépendance de notre pays la RD Congo, Nous, Cardinal, Archevêques et Evêques, membres de la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO), réunis en session ordinaire de l’Assemblée plénière du 23 au 27 juin 2014 à Kinshasa, adressons un message de paix et d’espérance au Peuple congolais. Cet anniversaire qui intervient au moment où le processus électoral 2013-2016 est lancé, nous offre l’occasion de rappeler à tous, le devoir sacré de protéger la Nation et de sauvegarder la paix acquise au prix de mille sacrifices.
     
    2.    Protéger la Nation, c’est, comme l’ont rêvé les pères de l’indépendance, travailler à bâtir un Congo plus beau qu’avant et assurer sa grandeur. La République est un patrimoine qu’on ne peut se permettre de léguer de manière quelconque aux générations futures[1]. A cet effet, nous saluons tous les efforts de reconstruction de notre pays entrepris par le Gouvernement de la République, notamment, la maîtrise de l’inflation, l’augmentation du taux de croissance, l’assainissement du climat des affaires. Il en est de même de l’amélioration des infrastructures, en particulier la construction des écoles, des routes et l’équipement des hôpitaux. Le chemin est encore long et les efforts doivent être poursuivis pour une effective amélioration des conditions de vie de la population congolaise.
     
    3.    Protéger la Nation, c’est  travailler à ramener la paix dans le pays. A ce sujet, nous observons une dynamique positive pour stabiliser le pays. Grâce à la vaillance de nos Forces Armées et à l’appui de la Brigade d’intervention de la MONUSCO, des progrès sont enregistrés dans la lutte contre les groupes armés, mais beaucoup reste encore à faire pour garantir la sécurité des personnes et de leurs biens sur toute l’étendue du territoire national. Nous rendons hommage à ceux qui ont versé leur sang pour la patrie.
     
    4.    Protéger la Nation, c’est  défendre et promouvoir les droits, la dignité et le bien-être de tous les Congolais contre les maux qui détruisent l’homme créé à l’image et à la ressemblance de Dieu[2]. C’est pour cela que nous exprimons notre compassion à l’égard de nos compatriotes expulsés du Congo Brazzaville. En même temps, nous disons notre indignation sur la manière dont ces expulsions ont été conduites et sur les conditions précaires de vie de ces compatriotes.
     
    5.    Protéger la Nation, c’est valoriser nos ressources naturelles et ne pas les aliéner sans contrepartie équitable par égoïsme ou dans le but d’accéder ou de conserver le pouvoir.
     
    6.    Protéger la Nation, c’est consolider la démocratie par l’organisation des élections libres, crédibles et transparentes. Nous savons que la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) s’emploie à relever ce grand défi et nous l’encourageons à sauvegarder son indépendance et à demeurer dans l’impartialité, la transparence et le respect des prérogatives à lui imparties par la Loi. En effet, c’est à travers les élections que le Peuple congolais est appelé à exercer dans la liberté et avec un discernement requis son droit de choisir ses gouvernants à tous les échelons et ses représentants dans les Assemblées provinciales et dans les deux chambres du Parlement. De ce fait, nous désapprouvons tout mode de scrutin qui priverait le souverain primaire de son droit de désigner ses gouvernants et de participer directement à la gestion de la cité. Comme nous l’avons dit dans notre Communiqué de presse à l’issue de notre Comité permanent de février 2014, nous soutenons les élections des députés provinciaux et même des maires et des bourgmestres par mode de scrutin direct[3].
     
    7.    Protéger la Nation, c’est respecter la Loi fondamentale qui constitue le socle de la nation. C’est pourquoi, nous ne nous lasserons pas de rappeler au peuple congolais et à nos gouvernants la position de la CENCO contenue dans le Mémorandum adressé au Chef de l’Etat au sujet de la non modification de la Constitution, en particulier en ses articles verrouillés qui échappent à toute révision[4]. Tel est le cas de l’article 220 qui stipule :
     
    « La forme républicaine de l’Etat, le principe du suffrage universel, la forme représentative du Gouvernement, le nombre et la durée des mandats du Président de la République, l’indépendance du pouvoir judiciaire, le pluralisme politique et syndical ne peuvent faire l’objet d’aucune révision constitutionnelle ».
     
    Nous désapprouvons également toute sorte d’initiative qui, sans modifier directement l’Article 220, viserait à le vider de son contenu essentiel.
     
    8.    Il est important que les acteurs politiques ainsi que toute la population congolaise comprennent l’enjeu majeur de cette disposition constitutionnelle, fruit d’un large  consensus, pour assurer la stabilité du pays. Cette disposition constitutionnelle traduit et protège les options fondamentales relatives : à la nature de l’Etat congolais qui est une République et non une Monarchie ; à la forme de l’Etat Congolais ;  à la nature de la démocratie congolaise qui demeure une démocratie représentative et fondée sur le suffrage universel ; à la nature du pouvoir politique en RD Congo[5]. Ce pouvoir ne peut être ni personnalisé, ni absolu et non redevable devant personne c’est-à-dire autocratique et dictatorial. Ces options fondamentales sont également relatives :au pluralisme politique et à l’alternance démocratique au pouvoir garantie par l’irréductibilité des droits et libertés de la personne humaine ainsi que la limitation de la durée du mandat présidentiel à 5 ans renouvelable une seule fois ; à l’indépendance de la justice,  condition sine qua non de l’instauration de l’Etat de droit et de la lutte contre l’impunité[6].
     
    9.    Comme l’affirme l’exposé des motifs de la Constitution elle-même,  ces options fondamentales sont le produit de l’histoire de la RD Congo et des expériences politiques malheureuses de la 1ère et de la 2ème Républiques. Elles ont pour finalité non seulement de mettre fin à la crise de légitimité des institutions et de leurs animateurs ainsi qu’aux guerres civiles qui ont jalonné le parcours de la RD Congo depuis son indépendance, le 30 juin 1960, mais aussi de donner au pays toutes les chances de se reconstruire sur des bases nouvelles et solides.
     
    10.                     Faut-il le rappeler, ces options sont par ailleurs la somme des acquis inaliénables de la lutte par étapes successives du Peuple congolais pour l’indépendance, la liberté et, de manière générale, la démocratie.  
     
    11.                     Pour toutes ces raisons, le Constituant les a rendus intangibles à l’article 220 afin de les « préserver contre les aléas de la vie politique et les révisions intempestives »[7]. Dès lors, chercher à violer ces dispositions, serait un dangereux précèdent sur le long chemin de la paix, de la cohésion nationale et une voie ouverte au règne de l’arbitraire.
     
    12.                      Considérant les responsabilités qui sont les nôtres dans cette société, nous lançons un appel pressant à toute la classe politique pour ne pas remettre en cause ce compromis fondateur de l’Etat congolais actuel.  Le Peuple congolais ne doit pas être pris en otage par des pratiques politiciennes qui sacrifient l’intérêt supérieur de la Nation.
     
    Pour un avenir meilleur de la Nation, l’Eglise catholique utilisera des moyens appropriés pour sensibiliser la population sur l’importance capitale de cet article verrouillé et défendra les options fondamentales qui sauvegardent notre jeune démocratie  et la stabilité du pays.
     
    13.                      Pour un processus électoral apaisé et porteur d’avenir meilleur, l’Assemblée Plénière de la CENCO invite les acteurs politiques congolais et toutes les parties prenantes au processus électoral à s’appliquer avant tout à la réalisation d’un consensus aussi large que possible.
     
    14.                     Aussi pour contribuer efficacement à la consolidation de la gouvernance démocratique et à l’assainissement de l’environnement électoral en RD Congo, la CENCO recommande :
     
    1° Au Gouvernement de la République
     
    – De garantir aux parties prenantes un environnement électoral serein et harmonieux ;
     
    – De redoubler d’efforts dans la mobilisation des ressources matérielles et financières afin de garantir la tenue effective des élections dans le respect du délai constitutionnel ;
     
    2° Au Parlement
     
    – De s’abstenir de voter des modifications constitutionnelles susceptibles de rompre un vouloir-vivre collectif et des valeurs fondamentales acceptées par l’ensemble du peuple ;
     
    – De veiller en tant qu’autorité budgétaire à la dotation par le gouvernement des moyens nécessaires à une bonne organisation des scrutins électoraux ;
     
    – D’élaborer des lois nécessaires au processus électoral dont la loi portant répartition  des sièges aux différentes élections des organes délibérants ;
     
    3° Aux Partis politiques
     
    – D’amener leurs membres à s’imprégner et à respecter les lois essentielles au processus électoral et de s’atteler à l’éducation civique et électorale de leurs militants ;
     
    – D’organiser, à temps, l’observation par leurs témoins, des opérations pré-électorales, électorales et post-électorales ;
     
    – De promouvoir la culture démocratique et le « leadership éthique » en privilégiant la construction d’un ordre social juste et la gestion communautaire du « bien-vivre-ensemble » ;
     
    – De faire du débat politique un débat d’idées et non un lieu d’attaques des personnes sur  des  considérations ethniques ;
     
    4° A la CENI
     
    – De s’acquitter avec conscience et honorabilité de la mission qui lui a été confiée par la République  afin de mériter la confiance du peuple ;
     
    – De poursuivre le dialogue avec toutes les parties prenantes pour  garantir l’organisation en toute indépendance, neutralité et impartialité, des scrutins libres, démocratiques, crédibles et transparentes ;
     
    – De respecter les exigences du cycle électoral, les lois et réglementations essentielles au processus électoral ;
     
    5° Aux Organisations de la Société civile
     
    – De contribuer à la vulgarisation des textes légaux, à l’éducation et à l’observation électorales ;
     
    – De mobiliser les électeurs et les électrices congolais à chaque étape du processus électoral.
     
    6° A la Population congolaise
     
    – De faire preuve de vigilance pour s’opposer par tous les moyens légaux et pacifiques à toute tentative de modification des articles verrouillés ;
     
    – D’interpeller leurs élus en leur demandant de dire leur claire option en ce qui concerne la question constitutionnelle ;
     
    – A nos fidèles catholiques en particulier, de se rappeler que, comme « sel de la terre et lumière du monde »[8], ils ont une grave responsabilité de participer activement au processus électoral et de s’engager pour sa réussite ;
     
    7° Aux Partenaires de la RD Congo
     
    De s’impliquer davantage dans l’appui financier, la logistique et l’accompagnement du processus électoral pour soutenir le Gouvernement congolais dans l’organisation des élections libres, démocratiques et transparentes ;
     
     8° Aux Ecclésiastiques en RD Congo
     
    – D’accompagner la population congolaise dans la réussite du processus électoral ;
     
    – De ne faire allégeance à aucun parti politique et, comme nous l’avons déjà dit, « de ne pas participer activement aux partis politiques et associations à caractère politique, ainsi qu’à la direction des institutions étatiques, quel qu’en soit le niveau, chargées d’organiser les élections »[9].
     
    Notre engagement
     
    15. Redisant notre ferme volonté d’apporter notre contribution pour protéger la Nation et travailler au bien-être intégral de la population congolaise, nous accompagnerons ce processus électoral par l’éducation civique et électorale. Nous organiserons à cet effet, des moments de prière dans tous les diocèses de notre pays. Nous veillerons à sauvegarder la liberté de l’Eglise en évitant toute forme de récupération.
     
    16. Nous souhaitons que la célébration du 54ème anniversaire de l’indépendance de notre pays apporte à tous un sursaut  patriotique et un réel engagement pour réussir le pari de bâtir un pays plus beau qu’avant et d’assurer la grandeur de la RD Congo.
     
    17. Nous confions la réussite du processus électoral à l’intercession de la Vierge Marie et de la Bienheureuse Marie Clémentine Anuarite en cette année du 50ème anniversaire de son martyre. Que Dieu prenne en grâce notre peuple  et bénisse notre pays[10].
     
    Fait à Kinshasa, le 27 juin 2014
     

    [1]Cf. CENCO,  « Il est temps de nous réveiller » (Rm 13,11b) Message de la Conférence Episcopale Nationale du Congo aux fidèles catholiques et aux hommes de bonne volonté à l’occasion du 48ème anniversaire de l’indépendance, Kinshasa, Editions du Secrétariat Général de la CENCO 2009, n° 15.

    [2]Cf. Gn 1,26.

    [3]Cf. Communiqué du Comité permanent  de la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO) sur le cycle électoral 2013-2016, 28 février 2014. n° 8.

    [4]
    Cf. Mémorandum du Comité permanent de la Conférence Episcopale Nationale du Congo au Président de la République sur l’état actuel de la Nation, le 22 février 2014, n° 18.

    [5]
    Cf. Constitution de la République Démocratique du Congo, Exposé des motifs de la Constitution du 18 février 2006, dans Journal Officiel de la République Démocratique du Congo, 52eme Année, Kinshasa, 5 février 2011, p.82.

    [6]
    Ibidem.

    [7]
    Ibidem. 

    [8]
    Mt 5,13.14.

    [9]
    CENCO, « Année électorale : Que devons-nous faire ? » (Ac 2,37). Exhortation du Comité permanent de la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO) aux fidèles catholiques, aux hommes et aux femmes de bonne volonté, Editions du Secrétariat Général de la CENCO, 2011, n° 21.

    [10]
    Cf. Ps 66, 2.
     
    Publié Mardi, le 01 Juillet 2014, par Abbé Jean Marie B.
     
    RDC : l’église catholique demande à Kabila de partir en 2016
    Olivier Ribouis
    La Nouvelle Tribune, 2 juillet 2014
     
    «Protégeons notre nation». C’est l’invitation que la conférence épiscopale congolaise a, par une déclaration du même nom, adressé à tous les Congolais de la République démocratique du Congo en marge de la célébration du 54ème anniversaire de l’indépendance du pays. 
     
    Une invitation qui s’adresse particulièrement au président de la Rdc, Joseph Kabila dont le dernier mandat constitutionnel arrive à terme en 2016. A cet effet, disent les évêques de la conférence épiscopale du Congo, « Protéger la nation, c’est respecter la loi fondamentale, le socle de la Nation ». Ceci, relativement à l’article 220 limitant le nombre de mandats présidentiels, dont la modification est en vue pour permettre au président Joseph Kabila de se représenter à la prochaine élection pour laquelle il n’est plus éligible pour l’instant.
     
    « Nous désapprouvons également toute sorte d’initiative qui, sans modifier directement l’Article 220, viserait à le vider de son contenu essentiel » ont affirmé les évêques soucieux de l’avenir du pays.
     
    L’article 220 en question, selon la conférence épiscopale, affirme que « la nature de l’état congolais qui est une république et non une monarchie. » Dans sa déclaration, l’église catholique en Rdc, a aussi indiqué clairement qu’elle se met dans la bataille de la sensibilisation des Congolais afin de faire barrière à toute tentative de révision constitutionnelle. Et son objectif, c’est que de réussir à empêcher les pratiques politiciennes qui sacrifient l’intérêt supérieur de la Nation de prendre le peuple congolais en otage.
     

    Comme le relève le discours présidentiel du 29 juin 2014 : Le soutien de Joseph Kabila à la CENI intrigue plusieurs Congolais

    Publié le mercredi 2 juillet 2014
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    Y a-t-il meilleur moyen d’asseoir la paix et la sécurité dans un pays que d’empêcher de créer des conditions favorables à l’éclatement des conflits ?
     
    La veille de la célébration du 54ème anniversaire de l’accession du pays à l’indépendance, aucun Congolais ne se berçait d’illusions au sujet du discours de circonstance qu’allait prononcer Joseph Kabila, surtout en ce qui concernerait son contenu concret !
     
    Les filles et le fils du pays n’avaient pas tort en adoptant cette attitude pleine de réalisme à l’endroit de ce discours d’anniversaire qui est à tous points semblable à tant d’autres prononcés par le précité en d’autres circonstances dans un passé encore récent. Une analyse froide du texte qui fait actuellement le tour de chancelleries diplomatiques et de sociétés savantes à travers le monde permet de relever de graves contractions entre les intentions exprimées aujourd’hui par Joseph Kabila et ce que fait quotidiennement son régime autocratique au pays !
     
    Dans sa première proclamation solennelle, Joseph Kabila fait à juste titre l’éloge de Forces armées de la République démocratique du Congo qui ont réussi à mettre en déroute les forces du mal qui avaient durablement occupé la partie orientale de ce pays mais refuse ostensiblement de faire allusion au concours très apprécié de la Brigade internationale d’intervention de la MONUSCO qu’il n’a pas citée nommément ! Pourquoi donc cette grave entorse à la vérité ?
     
    En rupture de ban avec le peuple !
     
    Dans sa deuxième proclamation solennelle, Joseph Kabila reconnait l’héroïsme et le grand prix payé par les compatriotes tombés sur le champ d’honneur au moment des affrontements avec l’ennemi et promet d’ériger un imposant mémorial en leur mémoire mais ne s’engage pas devant la nation à indemniser les veuves orphelins t autres proches des infortunés ! Que signifie cette omission sujette à diverses interprétations ?
     
    Dans sa troisième proclamation solennelle, Joseph Kabila invite les compatriotes vivant à l’extérieur à revenir pour prendre part à l’effort du développement national. Qu’a fait l’illustre auteur de cette exhortation ?
     
    Dans sa quatrième proclamation solennelle Joseph Kabila s’engage à accélérer la mise en œuvre des recommandations des concertations nationales. Comment peut-on accélérer une action qui n’est même pas encore à son démarrage ?
     
    Dans sa cinquième proclamation solennelle, Joseph Kabila demande au peuple congolais d’appuyer la CENI (Commission électorale nationale indépendante). Pourquoi le chef de l’Etat en fonction apporte son soutien à une institution en rupture de ban avec l’immense majorité du peuple qui doute de sa neutralité par rapport au régime politique en place qui veut modifier la constitution du pays à son seul profit ?
     
    Dans sa sixième proclamation solennelle, Joseph Kabila déclare que les élections tenues en 2006 et 2011 l’avaient été pour consolider la démocratie. Est-il vrai que ces élections ont réellement contribué à la consolidation de la démocratie en RDC ? Ces élections n’ont-elles pas été à la base de l’aggravation de la situation politique et à l’échec des concertations nationales en RDC?
     
    Dans sa énième proclamation solennelle, Joseph Kabila parle du souci collectif de consolider la paix en RDC. Y a-t-il meilleur moyen d’établir la paix dans un pays que d’empêcher de créer des conditions favorables à l’éclatement des conflits ? Le cas de la tentative de la MP de modification de l’article 220 de la constitution !
     
    KAMBALE MUTOGHERWA
  • Karl Marx n’a rien inventé, assure le pape François

    Karl Marx n’a rien inventé, assure le pape François

    PAPE FRANCOISPAPE FRANÇOIS – Marx n’a rien inventé, “les communistes ont volé notre drapeau, le drapeau de la pauvreté est chrétien”, a déclaré le pape dimanche dans une interview, dans laquelle il a aussi évoqué sa position de “neutralité” face au Mondial de football au Brésil.

    A une question du quotidien romain Messaggero sur le fait qu’il serait décrit comme un “communiste, ‘paupériste’, populiste”, François a rétorqué: “La pauvreté est au centre de l’Evangile”.

    Il a cité l’Evangile selon Saint Mathieu évoquant “le protocole sur lequel nous serons tous jugés: j’ai eu soif, j’ai eu faim, j’ai été en prison, j’étais malade, j’étais nu”. Pour le pape, c’est le rôle du chrétien de secourir toute personne se trouvant dans une telle situation.

    Il a aussi évoqué “les Béatitudes, une autre banderole” que le christianisme et le communisme ont en commun, sachant que les Béatitudes s’attachent à réconforter “ceux qui pleurent”, “ceux qui ont faim et soif de justice”, etc.

    Sur le Mondial, il a promis à Dilma Roussef de rester neutre

    “Les communistes disent que tout cela est communiste. Ben voyons! Vingt siècles plus tard cependant! Alors on pourrait dire d’eux qu’ils sont chrétiens dans ce cas”, a ajouté le pape en éclatant de rire, a raconté la vaticaniste Franca Giansoldati qui l’a rencontré.

    Dans un autre passage de l’interview, la journaliste l’interroge sur l’équipe qui a sa préférence pendant le Mondial de football au Brésil. “Saint-Père, qui soutenez-vous?”, demande-t-elle au pape argentin, qui lui répond alors: “Moi vraiment personne, j’ai promis à la présidente du Brésil (Dilma Roussef) de rester neutre”.

    Jorge Bergoglio, qui allait souvent au stade le samedi avec son père et était supporter du club San Lorenzo de Buenos Aires, a reçu plusieurs fois des footballeurs au Vatican. Il les a mis en garde contre l’argent roi, soulignant leurs responsabilités auprès d’un très jeune public qui les prend pour modèles.

    Le jour de l’ouverture de la Coupe du monde le 12 juin, François avait souhaité que le Mondial se joue “dans un esprit de vraie fraternité”, de “solidarité entre les peuples” pour que le foot soit “une occasion de dialogue, de compréhension, un enrichissement réciproque”.

    AFP

  • Le roi des Belges, roi souverain du Congo?

    Le roi des Belges, roi souverain du Congo?

    leopold 2-Dans quelques jours, la RD Congo va fêter ses 54 ans d’indépendance, le 30 juin 2014. Il nous a paru normal d’en appeler à quelques souvenirs. Et par les écrits de cet éminent chercheur qu’est Anicet Mobe, nous vous permettons de vous faire revivre quelques séquences historiques. Le Congo a connu des relations tumultueuses avec la Belgique. Le chercheur Anicet Mobe retrace l’histoire coloniale du Congo et invite Congolais et Belges, à abandonner les mythes pour s’approprier cette histoire commune. “Que Dieu protège la Belgique et notre Congo.” C’est ainsi que le Roi Léopold III conclut, le 17 juillet 1951, son discours d’abdication en faveur de son fils, le Roi Baudouin.
     
    Huit ans après, alors que les Congolais  font  vaciller  l’ordre  colonial,  le  roi  Baudouin  attire  fermement  l’attention  du  Premier ministre Gaston Eyskens sur « l’incalculable préjudice moral et matériel que subirait la Belgique, si les Belges (devaient) perdre l’incomparable patrimoine que (nous) a légué le génie de Léopold II”. Léopold  II,  roi  des  Belges  (1865-1909),  roi-souverain  du  Congo  (1885-1908).  Soyons  attentifs  à l’Afrique  centrale  avec laquelle nous avons tissé tant de liens ». Tel est un de quatre souhaits  que formule, pour l’avenir, le roi Albert II lors de son discours d’abdication, le 21 juillet dernier.

    Ainsi donc, d’un règne à l’autre; les rois des Belges s’emploient à « sauvegarder au Congo les droits imprescriptibles  que  se  sont  crées  nos  pionniers  pour  assurer  impérativement  la  continuité  de l’association de la Belgique et du Congo » (Baudouin 1°,le 04 septembre 1959). Il faut croire que leurs discours  inspirent  certains  hommes  politiques,  notamment   les  présidents Joseph  Kabila,  Joseph Mobutu et Moïse Tshombe…

    Magnifier l’œuvre de la Belgique ?

    Le 10 février 2004, devant le sénat belge, le président Joseph Kabila rend un vibrant hommage aux pionniers de l’aventure coloniale léopoldienne.  Le 18 juin 1970 à Kinshasa, le Président Mobutu et le Roi Baudouin rivalisent de rhétorique pour magnifier l’œuvre que la Belgique, selon Mobutu, n’a pas achevée. Il attribue au roi, à « sa grandeur d’âme et à son sens politique, l’évolution favorable des relations  belgo-congolaises ».  Le  roi  renchérit  en  soulignant  qu’ »au-delà  des  souvenirs,  ce  qui demeure, c’est une grande œuvre qui se poursuit aujourd’hui dans des circonstances nouvelles ».

    Parfois, c’est de l’establishment colonial -voire de la famille royale- que surgissent les critiques

    S’appuyant sur un argumentaire solidement articulé, une certaine historiographie universitaire -Jean Stengers, Guy Vanthemesche, Elikia M’Bokolo, Jean-Marie Mutamba Makombo et  Matthieu Zana Etambala-  contredit  avec  pertinence  les  assertions  béatement  admiratives  de Kabila et  Mobutu. Parfois, c’est de l’establishment colonial -voire de la famille royale- que surgissent les critiques les plus acerbes contre le régime léopoldien et le Congo-belge.

    “Le travail en Afrique,l’or à Bruxelles”

    Lors de son voyage au Congo, en 1909, le Prince héritier Albert note dans ses carnets: « Le travail en Afrique, l’or à Bruxelles. Voilà la devise de l’Etat indépendant  du Congo ». Il dénonce sévèrement l’état  désastreux  des  infrastructures  hospitalières  et  scolaires  pour  les  Congolais.  Rappelons  les ouvrages  de  Félicien  Cattier,  professeur  à l’université  Libre  de Bruxelles  – La Situation  de l’Etat indépendant  du  Congo,  1906  –  et  du  père  jésuite Arthur  Veermersch,  professeur  à  l’université
     
    catholique de Louvain – La Question congolaise, 1906 – dressant un réquisitoire implacable contre les violences infligées aux Congolais sous Léopold II.

    Donnons la parole au Gouverneur, le général Pierre Ryckmans, au moment de quitter ses fonctions, le 5 juillet 1946 : “L’investissement devient synonyme d’envahissement; et la colonie, éternelle tributaire, voit s’écouler vers l’extérieur le flot de sa richesse.”

    (Re)lisons  l’opinion  d’un  Congolais  -Joseph-  lui  aussi  et  pur  produit  de  la colonisation-  dont  la démarche intellectuelle s’est totalement émancipée du corset culturel colonial: « La colonisation nous a transformés en un peuple d’exécutants d’un travail sans intérêt et nous a longtemps exclus de toute participation aux charges et responsabilités de la vie politique et sociale; (et a) laissé grandir en nous l’attirance pour le brillant et le superficiel au détriment du développement des valeurs essentielles de la vie professionnelle et de la vie sociale ». [Cardinal Malula, homélie du 29 juin 1970 en présence du roi et du président Mobutu]

    Pour en finir avec des légendes dorées d’un Léopold II, philanthrope

    L’historien belge, Jules Marchal estime avec prudence, que de son vivant, le monarque retira du Congo une  fortune  évaluée  à 220 millions  de francs de l’époque,  l’équivalent  de plus  de 6 milliards  de francs français,  en 1997.  Cette  fortune  a notamment  servi  à l’embellissement  de la Belgique.  Cet enrichissement  s’est réalisé au prix d’horribles  atrocités  où périrent  des milliers de Congolais.  Dès
    1892, des missionnaires protestants anglo-saxons s’élevèrent contre les traitements terrifiants infligés à la population congolaise. Créée par le décret du 23 juillet 1904, une commission d’enquête présidée par Edmond Janssens, avocat général à la cour de cassation de Belgique, sillonna le Congo du 5 octobre 1904 au 21 février 1905.

    Le 1er février 1908, Léopold II renonce à ses prétentions sur la Fondation du Domaine de la Couronne

    Elle  établit  un  rapport  accablant  pour  dénoncer  de  multiples  exactions  dont  étaient  victimes  les Congolais.  Le 3 juillet 1906, Léopold II se déclare prêt à céder le Congo à la Belgique, si celle-ci reconnaît la Fondation du Domaine de la Couronne, afin qu’il garde l’administration et l’exploitation de régions étendues dont la superficie équivalait à 10% du territoire congolais, représentant un espace d’environ dix fois plus grand que la Belgique.

    Le 1er février 1908, il renonce  à ses prétentions  sur la Fondation  du Domaine  de la Couronne  en exigeant  en  compensation  d’un  « témoignage  de  gratitude » qu’un  fond  spécial  de 50  millions  de francs belges, à charge de la colonie, lui soit attribué ainsi qu’à ses successeurs. Légué à la Belgique, ce  fonds  est  un  des  éléments  constitutifs  de  la  « Donation  Royale »  dont  le  patrimoine  équivaut aujourd’hui à 500 millions d’euros » (Le Soir, Bruxelles 23-24 février 2008).

    Congo… pépite d’or de la couronne de Saxe-Cobourg

    Avant l’accession au trône ou juste après, l’intérêt manifesté pour le Congo semble faire partie du programme de préparation pour les futurs monarques belges.

    En 1909, le Prince Albert visite le Congo; devenu roi, il y retourne en 1928 accompagné de la Reine Elisabeth où ils inaugurent  le monument  équestre de Léopold II. En avril 1925, il apporte un soin méticuleux au voyage de son fils, le prince Léopold. Il le félicite chaleureusement, le 25 novembre au terme de sa « superbe randonnée en Afrique, certes la plus complète entre celles entreprises par des non-professionnels  des  colonies.  Cet  examen  approfondi  du  Congo  te  conférera  une  force  et  une supériorité  dont il faudra savoir user pour le prestige monarchique  et l’avancement  des possessions belges d’Afrique »[1].

    Le roi Baudouin impose Léon Pétillon, au poste de ministre du Congo.

    Le 30 décembre 1932, le Prince Léopold retourne au Congo, chargé d’une mission officielle par le Sénat dont il est membre de droit depuis le 8 novembre 1927. Le rapport qu’il présente le 25 juillet 1933 connaît un certain retentissement. On évoque alors le projet d’ériger au Congo, une vice-royauté au  profit  du  Prince  Léopold   qui,  du  reste,  entretient   d’étroits   contacts   avec  le  ministre   des colonies, Paul Tschoffen. En 1947, le Prince -régent Charles visite le Congo.

    Le Prince royal (10 août 1950), Baudouin réserve aux membres du Cercle Royal Africain, son premier discours public, le 22 février 1951: il leur exprime sa « Ferme volonté de maintenir sur le plan colonial, l’attitude de mes prédécesseurs et de me consacrer comme ils l’ont fait avec tant de sagesse au développement matériel et moral de notre magnifique empire ».

    Politique congolaise de la Belgique: domaine réservé du roi?

    Multiples et variées, certaines initiatives royales -germées parfois en marge ou à l’encontre de la ligne gouvernementale- ont marqué les évolutions que le Congo a -ou non- connues. Relevons en quelques unes qui, depuis 1955, illustrent  les immenses  capacités  d’influence  du Roi: en juillet 1958, le roi Baudouin impose l’ancien gouverneur -général Léon Pétillon, au poste de ministre du Congo. En avril 1959, il s’oppose à la nomination de Scheyven pour remplacer le gouverneur- général Cornélis.

    Rappelons que le 14 septembre 1934, le Roi Léopold III imposa Pierre Ryckmans qu’il a connu en 1925 comme gouverneur- général alors même que celui-ci n’avait obtenu que 3 voix lors du vote au
    Conseil des ministres.

    Le message royal du 13 janvier 1959, se démarqua substantiellement de la déclaration gouvernementale sur  l’avenir  politique  du  Congo. Hormis  le  Premier  ministre,  Gaston  Eyskens  et le  ministre  du Congo, Maurice Van Hemelrijck, le gouvernement n’était nullement informé des positions royales. Le professeur  Stengers  qualifie,  pour  cette  époque,  la démarche  du roi « D’acte  probablement  le plus important du règne ».

    Le président du parti social-chrétien interpelle le roi pour stigmatiser la politique menée en faveur du Katanga sécessionniste

    En décembre 1959, sans en informer le gouvernement, le Roi Baudouin entreprit un voyage au Congo – où l’avait discrètement précédé son père- afin de reprendre la main après le soulèvement populaire du 4 janvier,  férocement  réprimé  par  la Force  Publique  coloniale.  C’est  au  cours  de  ce  séjour  que  le commandant  en  chef  de  la  Force  Publique,  le  général  Janssens  s’employa  à  le  persuader  de proclamer l’indépendance du Congo sous l’égide de la couronne, le 1er juillet 1960.

    Au plus fort de la sécession katangaise, alors que les autorités congolaises s’efforcent de résorber la crise, le Roi apporta publiquement le 21 juillet 1960, un soutien à Tshombe. Celui-ci est, du reste, reçu à Bruxelles, le 6 décembre et est décoré du Grand cordon de l’ordre de la couronne par le ministre des affaires africaines. Le rapport de la commission  d’enquête parlementaire  belge a clairement établi que le Palais royal entretenait des liens très étroits avec des personnalités belges -major Weber, d’Aspremont Lynden Harold, le Recteur Dubuisson de l’université de Liège- directement impliquées dans les sordides manoeuvres ayant abouti à l’assassinat du Premier Ministre Lumumba.

    Dans  une  lettre  qu’il  lui  adresse  le  4  août  1960,  le  président   du  parti  social-chrétien, Théo Léfevre interpelle vivement le Roi pour stigmatiser la politique personnelle qu’il mène en faveur du Katanga sécessionniste. Le roi reçut chaleureusement, en 1965, Tshombé, venu en Belgique brader le patrimoine congolais -portefeuille- au profit des intérêts des capitalistes belges.

    Les relations belgo-congolaises  se sont distendues  en 1967 après la révolte des mercenaires  belges, français et sud- africains- commandés par le colonel belge Jean Schrame – qu’avait recrutés Tshombe et que Mobutu avait incorporés dans l’armée nationale congolaise en 1965. Le dégel vint d’une initiative personnelle du Roi Baudouin qui dépêcha son frère, le Prince Albert de Liège,- Roi Albert II – à Rome pour inviter le Président Mobutu à venir en Belgique. Celui-ci arriva à Bruxelles, le 8 juin où le roi lui remit le Grand Cordon de l’ordre de Léopold.

    Le Prince Albert séjourna au Congo en février 1969, à la tête d’une importante délégation économique et au mois d’avril 1969, le Roi Léopold III reçut le Président Mobutu à Nice. La famille royale se mobilisa pour préserver le joyau de la couronne afin de sceller la réconciliation économique entre le capitalisme belge et le régime Mobutu.

    Quand les colonisés couronnent le monarque métropolitain…

    L’accueil triomphal -impensable en Belgique à cette époque- que reçut le Roi Baudouin dès son arrivée à Kinshasa, le 16 mai 1955,valut -à tort- pour les Belges, approbation de leur entreprise coloniale alors qu’ils essuient des critiques acerbes à l’ONU. L’enthousiasme délirant des Congolais offrit aux Belges l’image -illusoire- d’une nation unie, réconciliée et réconfortée dans ce qu’elle considère comme son droit de pérenniser l’exploitation coloniale alors que la conférence de Bandoung (avril 1955) sonnait le glas de l’ère coloniale.

    Il importe que les Congolais soient des acteurs avisés des évolutions résultant de ces initiatives

    Discours royaux et princiers ainsi que des initiatives politiques émanant du Palais illustrent clairement que  depuis  plus  d’un  siècle, la  dynastie  belge a  une  conscience  aigue  des  enjeux  -politiques, économiques et diplomatiques- de l’aventure coloniale et post-coloniale dans l’équilibre et la stabilité de la Belgique, ainsi que de son influence dans les relations internationales. En décembre dernier, le roi Albert II s’est inquiété de menaces qui pèsent sur le Congo.

    Ayant  été  préparé  par le roi Baudouin  à l’exercice  de sa fonction  royale,  le roi  Philippe prendra, certainement, des initiatives -ou en soutiendra- pour marquer de son empreinte les relations belgo- congolaises. Il importe que les Congolais soient des acteurs avisés des évolutions résultant de ces initiatives.

    Il appartient aux intelligences belges et congolaises -libres de tout préjugé (néo)colonial- d’élaborer des outils conceptuels pour approfondir les questionnements épistémologiques liés à l’écriture et à l’enseignement   de  l’histoire  coloniale  afin  que  nos  peuples  se  défassent  de  mythologies  pour s’approprier intelligemment des pans entiers de notre histoire commune.

    Par Anicet MOBE, chercheur en sciences sociales et membre du collectif des intellectuels congolais
    « DEFIS ».
    Eco 243
  • L’ex Président Lula humilie les Présidents africains au sommet de l’Union Africaine

    L’ex Président Lula humilie les Présidents africains au sommet de l’Union Africaine

    L'ex Président Lula humilie les Président africains au sommet de l'Union Africaine– Suivant l’exemple de l’amerique Latine, l’Afrique devrait decider de prendre sa vrai independance qui est aux mains des occidentaux. Le continent Africain qui est riche de gisement mineral et de terre fertile, aurait en effet toutes les potentialités pour devenir le première puissance economique planetaire, mais elle est encore opprimée sous la coupole coloniale des grandes puissances de la terre.Ce sont les parole de l’ex -president bresilien Lula Da Silva, qui etait la semaine dernière en Guinée equatoriale pour la reunion des chef d’etats Africains.

    Lula a invité les chef d’etat à ouvrir les yeux sur ce qui se passe en Afrique ces derniers mois , en libye et en cote d’ivoire : l’interference de la France et des etats unis constitue un sérieux danger pour la souveraineté Africaine et pour les futures générations.

    Durant l’assemblée generale sur le role des jeunes africains, une session detachées de la reunion avec theme la crise libyenne, Lula a accusé les chefs Africains d’ètre avides, d’assoifés de pouvoir, de trahir leurs propres pays et surtout d’ètre des servants de l’occident ! qui saccagent le continent noir et déciment sa souveraineté.

    La devise de ces chefs d’etats étant : “chacun pour soi , Dieu pour tous” ne portera loin l’Afrique, Il faut le sens de responsabilité, d’humilité,de dignité et d’Unité pour bien gouverner ! critiquant le fait que les leaders africains qui sont arrivés au pouvoir par un coup d’état ou pour le vouloir des puissances occidentales.

    Il a ensuite critiqué et denoncé le monopole des 5 pays du monde. ajoutant que: l’Union Africaine a 1,4 milliard d’habitants, l’Amérique latine 400 000 d’habitants et que c’est inconcevable que les USA, la France, la Chine, la Russie et la Grande Bretagne dictent la loi au conseil de securité de l’ONU !!!! surtout que la crise ecomìnomique mondiale provient des etats unis .

    Et il a deploré le fait que l’Union Africaine soit financé seulement par 5 pays africains et le reste par des dons occidentaux .Par consequent, pour cela , l’UA ne peut pas faire les interéts de l’Afrique et avoir un poids au niveau international . C’est cette mème U.A qui legitime les coups d’ètats, les rebellions ou actions illegales pour l’obtention du pouvoir en Afrique, ignorant la volonté du peuple et la finalité des élections.

    Beaucoup de chefs d’etats presents avaient la tète basse à qui il a réitéré l’invasion Francaise dans le continent noir ! La France nourrit et arme les rebelles dans les pays qui ont cessé d’ètre leurs colonies. avec des interferences dans les affaires internes des pays africains ! c’est clair la reference avec le cas de la Cote d’Ivoire, où Paris avec l’utilisation de la force a enlevé le president Gbagbo pour mettre à son poste Ouattara.

    Si pour la Cote d’Ivoire ,rien a été fait pour arréter le coup d’état ,l’union Africaine peut demander le cessez le feu immediat en Libye. en soutien s’est ajouté le president Jacob zuma, un des chefs opposants qui tient tète à l’occident disant qu’ils n’ont pas le droit d’assassiner Kadafi.

    Un silence d’ombre dans la salle de l’UA où les présidents qui sont les talons de l’occident étaient nombreux en occurence Abdoulaye Wade du Senegal qui a sejourné à Benghasi pour reconnaitre le gouvernement des rebelles, Blaise Compaore du Burkina Faso qui ha soutenu la rebellion de Outtara en Cote d’Ivoire contre Gbagbo, Yoweri Museveni de l’Uganda qui combat les Al Shabaab en Somalie, Paul Kagame du Rwanda qui saccage pour le compte de l’occident et puis Sassou N’Guesso du Congo Brazzaville, Idriss Deby du Tchad, Paul Biya du Cameroun, Faure Gnassingbe du togo, Odinba Ali Bongo du Gabon et le dernier récruté qui s’est ajouté à la dependance des des puissances de l’oppression est Allassane Ouattara de la cote d’ivoire !

    Texte en italien traduit en français par Kouame Celestin N’Brah&l
    Le lien d’un journal officiel italien : www.rinascita.eu by Lendo Kumbu

  • Les quatre puissances militaires régionales d’Afrique

    Les quatre puissances militaires régionales d’Afrique

    Généralités

    Helicoptere Puma
    Helicoptere Puma

    -Dans le système classique, l’industrie et la technologie contribuent de façon déterminante à la hiérarchie mondiale et au classement des nations. La puissance militaire dépend d’une péréquation entre deux variables : le format (la taille) des forces armées d’une part; la qualité de ces dernières d’autre part. La puissance militaire est donc une convergence entre les systèmes d’armes et les systèmes d’hommes et qu’elle ne saurait être réduite à une simple « stratégie des moyens ». La détention et l’emploi générique de technologies et de plateformes aériennes, terrestres, maritimes, aussi évoluées soient-elles, ne peuvent plus aboutir à un résultat opératique efficace sans des personnels dotés d’initiative et d’une culture stratégique autonome. Le cas des pétromonarchies du Golfe est éloquent est illustratif de ce point de vue : elles détiennent un matériel sophistiqué importé dont leurs armées ne maîtrisent pas réellement l’emploi, et sont forcées de faire recours aux personnels et experts étrangers pour les encadrer. Cet exemple montre que la composition brillante d’un ordre de bataille et le niveau d’un budget de défense ne reflètent pas à eux seuls l’autonomie guerrière d’un acteur étatique, ni son efficacité.

    Outre le format de l’armée, les indicateurs qui comptent le plus dans la définition moderne d’une puissance militaire nationale sont : la modernité des capacités détenues, le professionnalisme et l’entrainement des soldats recrutés, le niveau du budget de défense rapporté aux ambitions affichées, ainsi que la solidité et l’autonomie de la base industrielle et technologique de défense (BITD) considérée. Le chercheur chinois Hai Ping proposait dès 1998 de hiérarchiser les armées mondiales suivant l’équation suivante: La puissance Militaire = La capacité des forces armées + la technologie militaire et les capacités de l’industrie d’armement + les capacités globales du pays, en croissance économique. (Badie, B. et Vidal, D., 2013).

    Une progression moyenne en Afrique subsaharienne boostée par le Nigeria (à l’ouest), l’Angola (au centre) et la RSA (au sud)

    Avec une croissance de 64,9% des dépenses militaires, l’Afrique enregistre la plus forte progression au monde sur la période 2002-2011. Cette hausse s’élève  depuis 2002 à 109% pour l’Afrique du Nord et à 44% pour l’Afrique sub-saharienne. Pour l’année 2011, l’évolution des dépenses est chiffrée à 8,8% sur le continent. Elle est de 24,8% pour l’Afrique du Nord . En Afrique sub-saharienne, les dépenses sont restées relativement constantes depuis 2010. Les États les plus dépensiers de l’Afrique subsaharienne sont l’Afrique du Sud, l’Angola et le Nigéria (Stockholm International Peace Research Institute: SIPRI).

    Selon l’Agence Ecofin, l’Afrique a enregistré la plus forte progression au niveau mondial dans le domaine des dépenses militaires en 2013, a annoncé le SIPRI. Dans son  rapport publié le 14 avril 2014, le think tank suédois a précisé que les dépenses militaires du continent ont augmenté de + 8,3% l’an passé, à 44,9 milliards de dollars. Cette augmentation a été essentiellement dopée par les revenus pétroliers de pays comme l’Algérie et l’Angola.

    A l’échelle africaine, la plus forte augmentation des dépenses militaires a été enregistrée au Ghana. Ce pays producteur de pétrole a presque triplé son budget dédié à l’armement, passé de 109 à 306 millions de dollars entre 2012 et 2013. Les dépenses militaires de l’Angola, ont quant à elles, culminé à 6,1 milliards de dollars en 2013 (+36% sur un an). L’Angola est  ainsi devenu le deuxième pays  africain en termes d’importance de budget consacré à la défense, devant l’Afrique du Sud (4,1 milliards en 2013).

    L’Algérie reste, quant à elle, le champion africain dans le domaine des dépenses militaires. Ce pays pétrolier a vu son budget consacré à l’armement augmenter de 8,8% en 2013, pour atteindre 10,4 milliards de dollars. «C’est la première fois que les dépenses militaires d’un seul pays africain dépassent le seuil de 10 milliards de dollars», souligne le rapport du SIPRI qui explique cette montée des dépenses algériennes par le désir de ce pays pétrolier d’Afrique du Nord d’acquérir le statut de puissance régionale, le rôle prépondérant de l’armée algérienne et le souci de  lutter plus énergiquement contre le terrorisme islamiste en plein essor à la frontière algéro-malienne.

    D’autres pays africains ont aussi augmenté dépenses militaires de façon remarquable l’an passé. Il s’agit, entre autres de la République Démocratique du Congo (+34%) et de la Zambie (+15%).

    Les dépenses militaires sur le continent africain ne sont pas uniformes. Selon les experts, notamment le colonel Joseph Sibanda, officier retraité de l’armée du Zimbabwe, consultant pour la défense, le marché africain de la défense sera, dans les prochaines années, pratiquement au même niveau que celui de l’Asie du Sud-Est. « Les avions militaires, véhicules blindés et système d’artillerie devront être modernisés afin de répondre aux nouvelles menaces qui planent sur la sécurité. »

    Selon l’hebdomadaire américain Defense News, les dépenses militaires en Afrique vont augmenter de 20 milliards de dollars au cours de la prochaine décennie contre plus de 40 milliards en 2012, selon SIPRI. Ce phénomène est lié au développement récent de plusieurs armées en Afrique qui, depuis la fin de l’époque coloniale, connaît bon nombre de guerres, d’insurrections et de coups d’État. D’autre part, l’Occident fait, depuis 2001, beaucoup d’efforts pour renforcer les capacités de lutte antiterroriste, particulièrement dans la zone sahélo-saharienne, la Corne de l’Afrique et la côte orientale où les groupes djihadistes demeurent très présents.

    Les luttes contre le terrorisme et les nombreux conflits civils expliquent en grande partie l’augmentation des dépenses militaires en Afrique. Toutefois, il n’est pas certain que ces facteurs soient les principales motivations pour l’augmentation des budgets militaires. En effet, des pays qui subissent les dommages collatéraux du conflit somalien, comme l’Éthiopie, le Kenya ou l’Ouganda, ont réduit leur budget de défense. Les ambitions régionales nourries par certains États seraient ainsi une explication majeure dans l’augmentation des dépenses militaires.

    Développer la sécurité pour protéger les ressources naturelles

    “La ruée vers le marché de la défense africain vient tout juste de commencer, et il se poursuivra au cours de la prochaine décennie”, estime le colonel Joseph Sibanda, cité par Defense News. Il estime que les pays comme le Mozambique – ancienne colonie portugaise pauvre désormais en plein boom gazier de même que la Tanzanie voisine -, l’Ouganda et le Kenya devront rediriger leurs besoins de défense vers la protection de leurs gisements de pétrole et leurs infrastructures de gaz onshore et offshore. C’est le cas actuellement pour l’Angola, selon DESC, qui ne cesse de croitre de manière fulgurante ses dépenses militaires depuis 2010 en vue de la sécurisation de ses zones pétrolifères et minières.

    Il s’agit là d’une bonne nouvelle positive pour l’Afrique du Sud, seul producteur de l’armement en Afrique. Jusqu’à maintenant, l’Afrique n’avait jamais été un marché-clé pour les grands contractants militaires occidentaux, même si des pays riches en pétrole comme le Nigeria, l’Algérie ou la Libye ont déjà acheté des systèmes d’armes de haut niveau, des avions, des navires de guerre et des armes au fil des ans.

    Qui dépense le plus pour l’armement en Afrique ? (en millions de dollars, 2012)

    1) Algérie 9.325 ; 2) Afrique du Sud 4.470; 3) Égypte 4.372 ; 4) Angola 4.146 ; 5) Maroc 3.402 ; 6) Libye 2.987 ; 7) Nigeria 2.327 ; 8) Sud Soudan 964 ; 9) Kenya 798 ; 10) Tunisie 709 ; 11) Côte d’Ivoire et Namibie 407. [Source : Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI)]

    Comme on peut le constater, “le marché africain de la défense sera, dans les prochaines années, pratiquement au même niveau que celui de l’Asie du Sud-Est”, annonce Sibanda. “Les avions militaires, véhicules blindés et système d’artillerie devront être modernisés afin de répondre aux nouvelles menaces qui planent sur la sécurité”, poursuit-il.

    Evolution des dépenses militaires depuis 2008 (en millions de dollars)

      2008 2009 2010 2011 2012 2013
    Algérie 5259 5712 6045 8652 9014 9367
    Angola 3741 3640 3894 3674 3827 4092
    Sud Afrique 4384 4590 4434 4596 4785 5076
    Nigeria 1741 1825 2143 2386 2100 2043
    RDC* 203 154 209 239 229 247

    Source : SIPRI, IFRI, IISS, recoupements DESC

    Effectifs et principaux matériels des quatre puissance (+ la RDC) (année de référence 2013)

      Effectifs Armée de terre Armée de l’air Marine Chars Avions de combat Navires
    Algérie 167.000 147.000 14.000 6.000 1050 125 4 sous-marins + 4 frégates
    Nigeria 80.000 62.000 10.000 4.000 250 78 1 frégate + 2 corvettes
    Angola 107.000 100.000 6.000 1.000 300 85  
    Afrique du Sud 62.000 37.000 10.500 6.000 167 235+91 hélicos (dont ‘Rooivalk’) 3 sous-marins + 4 frégates
    RD Congo 134.500 110.000 + 10.000 GR 6.703 2548 100 5 avions Soukhoi SU-25 + 3 hélicos  1 patrouilleur

    Sources : SIPRI, IISS, IRIS, Le Monde Géostratégie – Recoupements DESC.

    1. La suprématie militaire de l’Afrique du Sud au regard de son ambition hégémonique continentale

    L’Afrique du Sud est, à notre avis, actuellement le seul pays africain qui peut prétendre à réunir tous les paramètres de puissance militaire.

    L’hélicoptère de combat sud-africain Rooivalk rivalise actuellement avec les meilleurs hélicoptères du monde tels que le tigre européen, l’apache américain ainsi que ceux de la Russie. Sa première mission de combat fut celle effectuée contre le M23. Les hélicoptères sud-africains Rooivalk de la MONUSCO ont été décisifs en appui aux FARDC grâce à des incessants bombardements des positions du M23 de Kanyamahoro pour ouvrir la voie à Kibumba ayant permis aux FARDC de poursuivre leur assaut final jusqu’à leur éviction des collines de Chanzu et Runyonyi. Après avoir perdu Rumangabo et Bunagana, le M23 fut confiné dans ces deux collines, essayant de résister pendant quelques jours en contenant les tentatives d’assaut infructueuses des FARDC avant que les hélicoptères Rooivalk ne viennent faire le dernier nettoyage. (A lire e extension dans notre ouvrage à paraître prochainement)

    La RSA dispose d’une armée estimée à 62.000 hommes avec 167 chars; 235 avions de combat dont les hélicoptères ‘Rooivalk’ d’appui au combat de l’Armée de l’Air sud-africaine qui furent déterminants en RDC en appui à la MONUSCO et sa Brigade d’intervention de la Force (FIB) dans l’exécution de son mandat offensive en premier déploiement de combat contre le M23 entre octobre et novembre 2013.

    Les dépenses militaires de l’Afrique du Sud étaient de 4 milliards de dollars en 2002, avant d’atteindre 4,8 milliards de dollars en 2011, ce qui équivaut à une croissance de 20% en l’espace de 10 ans. À noter que pour l’année 2011, les dépenses militaires sud-africaines ont augmenté de 4,3%. Cette accélération des dépenses est due à une restructuration des salaires et permettra l’achat de nouveaux équipements.

    Les seul pays africain ayant des industries d’armement autochtones sont l’Afrique du Sud – bien que son secteur de la défense lié à Israël ait considérablement diminué depuis la fin de l’apartheid, en 1994 – et l’Egypte qui, depuis l’accord de paix signé en 1979 avec Israël, s’est davantage tournée vers les États-Unis.

    Le secteur de la défense sud-africain est dirigé par Denel, capable de produire des systèmes de missiles avancés, de l’artillerie aux standards internationaux et des systèmes aérospatiaux. La plus grande économie d’Afrique pourrait bien être l’une des principales bénéficiaires de la mise à niveau majeure de l’équipement des forces armées du continent.

    2. L’Algérie domine l’espace militaire nord africain

    L’Afrique du Nord enregistre, avec une croissance de 109%, une progression sans précédent dans les dépenses militaires depuis 2002. Cette tendance s’explique par l’augmentation des dépenses de l’Algérie et du Maroc, les deux États les plus dépensiers de la région. En effet, les dépenses militaires algériennes sont passées de 3 milliards en 2002 à 8,2 milliards en 2011, soit un accroissement de 173%. Rien que pour l’année 2011, l’augmentation des dépenses militaires algériennes est de 44%. Pour l’année fiscale 2013, la loi de finance 2012 octroie un montant total de 10,3 milliards de dollars au secteur de défense, en vue de la modernisation et de la mise à niveau des équipements, un accroissement de 14,2% par rapport à 2012 et vise l’achat de nouveaux équipements pour l’armée, l’aviation et la marine.

    Plusieurs facteurs expliquent une telle évolution. Tout d’abord, l’Algérie s’est lancée dans un programme de modernisation et de réarmement de son armée. Ensuite, elle est en proie aux attaques terroristes sur son territoire, des agressions commises par la branche d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), ainsi que des attentats dans la bande sahélienne. Par ailleurs, l’Algérie s’est massivement équipée suite au conflit chez son voisin libyen, dont elle redoutait des débordements sur son territoire. Mais la lutte contre le terrorisme ou les inquiétudes nourries par la guerre civile libyenne ne sont pas les seules explications- à la croissance des dépenses militaires. En effet, au regard du matériel acheté et des nouveaux équipements – principalement des systèmes sols et airs, qui ne sont pas employés dans la lutte contre le terrorisme – il semblerait que les ambitions nourries par l’Algérie, et sa grande rivalité avec le Maroc pour le leadership régional, soit peut-être une explication à de telles dépenses. L’influence des militaires dans le pays est aussi un facteur à prendre en compte. En ce qui concerne le Maroc, ses dépenses militaires ont augmenté de 45,5% depuis 2002. Pour l’année 2011, cette croissance est néanmoins inférieure à 1%.

    En effet, au Maghreb, l’Algérie est la première puissance militaire en termes de forces, d’équipements et de capacités. Les effectifs des forces armées sont estimés à 167.000 hommes dont 147.000 hommes pour l’armée de terre (Armée nationale populaire, ANP ; dont 80.000 conscrits effectuant un service militaire de 18 mois : 6 mois d’entraînement de base et 12 mois dans des projets civils), mais l’ANP compte également 150.000 réservistes de moins de 50 ans). A cela, il faut ajouter des forces paramilitaires : 1.200 gardes républicains, 20.000 gendarmes, 16.000 membres des forces de sécurité nationale. Le nombre des forces auxiliaires (Brigades de légitime défense et gardes communaux), créées durant la guerre civile, est estimé à environ 150.000 civils.

    L’Algérie est également, au Maghreb, le leader sur le plan de l’effort de défense, avec 54% du total des dépenses militaires régionales. Selon SIPRI, en 2012, Alger a accru celles-ci de 5,2%, et leur progression atteint 189% pour la période 2003-2012.

    En juin 2012, le gouvernement algérien avait décrété une augmentation de 40% de la solde des personnels militaires. En novembre de la même année, le ministre en charge des Relations avec le Parlement annonçait une réévaluation des retraites des militaires, cherchant par là à désamorcer le mécontentement qui régnait au sein des forces armées après l’augmentation accordée aux policiers et aux douaniers un an plus tôt.

    Enfin, en matière d’achats d’armements, l’Algérie a supplanté l’Afrique du Sud – avec 43% des importations contre 18%, offrant aux fournisseurs étrangers le plus grand et le plus dynamique marché de défense du continent. Au niveau mondial, l’Algérie est passée du 24ème  rang, en 2011, au 7ème rang, en 2013, des importateurs d’armements conventionnels. Ainsi, le volume des livraisons d’armement vers l’Algérie a connu un accroissement de 277% entre 2003 et 2007. Cependant, la capacité de son industrie d’armement nationale est très faible et inférieure à la RSA (9,4 milliards de dollars. Son taux de croissance annuel moyen estimé à 6,2% pour la période 2013-2018, devrait atteindre 13,6 milliards de dollars d’ici 2017).

    La guerre civile (1992-2000) a absorbé énormément de ressources au point que la modernisation des forces armées algériennes s’en est trouvée ralentie, voir freinée. C’est pourquoi, la supériorité militaire de l’Algérie par rapport à ses voisins n’est pas forcément synonyme de qualité des matériels et des compétences. Des améliorations et des mises à niveau sont encore à entreprendre en matière d’entraînement et de préparation à la guerre asymétrique (contre les groupes terroristes et criminels), ainsi que dans les domaines logistique et de soutien des forces. (Centre français de recherche sur le renseignement : Bulletin de documentation N°7, Evolution de la politique de défense algérienne)

    3. L’Angola, le gendarme de l’Afrique centrale titille l’Afrique du Sud

    L’Angola, le deuxième État le plus dépensier de la zone subsaharienne, a triplé ses dépenses militaires en une décennie : 1,4 milliard de dollars en 2002  à plus de 5,7 milliards de dollars en 2013. Cela représente 8,26% du budget national et plus de 80% du budget national de la RDC. Le pays peut compter sur d’importantes ressources pétrolières (9 milliards de barils de réserves prouvées, production de 1,91 million de barils par jour en 2008) ainsi que sur l’exploitation de mines de diamants.

    Luanda a récemment passé commande pour plus d’un milliard de dollars de matériels militaires d’origine russe. Les contrats ont été signés à l’occasion d’une visite, en octobre 2013, de Dmitri Rogozine, le vice-premier ministre russe.

    L’Angola a  acheté 18 avions de combat de type Su-30K pour environ 500 millions de dollars. En outre, l’Angola a passé commande de pièces de rechange pour des matériels datant de la période soviétique (et ils sont nombreux), des armes légères, des munitions, des blindés, des canons et des hélicoptères de transport Mi-17. Il a été convenu de construire dans le pays une usine destinée produire des cartouche. Les forces aériennes angolaises mettent en œuvre des MiG-21 Fishbed, des MiG-23 Flogger et quelques Su-27 Flanker acquis auprès de la Biélorussie, ainsi que des Sukhoi Su-22 Fitter et des Su-25 Frogfoot pour l’attaque au sol. Cependant, il est difficile d’établir un inventaire précis des matériels en dotation, ou du moins en état de vol. Si les appareils d’origine soviétique sont prédominants, Luanda a toutefois cherché à diversifier ses sources d’approvisionnement, en commandant plusieurs avions du constructeur brésilien Embraer (EMB-314  et EMB-312) ou de l’avionneur suisse Pilatus (PC-7).

    4. Le Nigeria, un colosse ouest africain confronté au terrorisme et à la guerre interethnique religieux

    Malgré son instabilité politique, ses tensions communautaires et une corruption endémique dans son secteur énergétique, le Nigéria est une puissance régionale ouest africaine et une puissance continentale, en devenir, incontournable du XXIème siècle. Le pays confronté au terrorisme de Boko Haram illustre le paradoxe des armées africaines intraverties, incapables de protéger leurs populations contre les menaces externes.

    L’échelon régional constitue communément l’un des leviers d’affirmation de puissance pour certains États pivots, dont l’ambition est de tenir un rôle d’influence et régulateur à un niveau plus global dans les relations internationales. À bien des égards, le Nigéria répond à la définition d’État pivot, statut qui détermine éminemment sa politique extérieure : «Les États pivots peuvent être considérés comme des pays destinés – en raison de leur emplacement stratégique, de leur potentiel économique et démographique, et des préférences politiques – comme des nœuds importants de la croissance économique et d’importants facteurs structurants de la géopolitique dans les principales régions du monde ». De plus, un État pivot revêt une importance telle, au niveau régional, que son effondrement peut générer l’instabilité dans les pays voisins. On le voit avec la RD Congo. À l’inverse, sa prospérité et sa stabilité tendent à renforcer la vitalité économique et l’équilibre politique de toute sa sous-région. (Luntumbue, M.,  « Le Nigéria dans la géopolitique ouest-africaine : atouts et défis d’une puissance émergente », GRIP, 18/07/2013).

    Dans le cas du Nigéria, il existe une interdépendance particulièrement étroite avec ses voisins immédiats, sur le plan à la fois culturel (pôle culturel), économique (et développement) et sécuritaire. Elle est d’ailleurs illustrée par l’impact négatif de la fermeture des frontières nigérianes sur les économies de ces États, à l’occasion notamment des mesures ponctuelles d’urgence, visant à contrôler le mouvement des activistes du groupe Boko Haram. La situation géographique du pays, au cœur du complexe sécuritaire du golfe de Guinée, en fait à la fois un facteur de stabilité sous-régionale et paradoxalement un vecteur potentiel des tensions vers les autres pays riverains. Des incidents meurtriers survenus depuis le premier semestre 2012 dans ces zones frontalières, confirment les risques d’une déstabilisation des pays voisins à partir des foyers de tensions nigérians (Luntumbue, M.,  ibid).

    Sur le plan géostratégique, le Nigéria est en effet un des Etats pivots d’Afrique, sur lequel s’appuient les États-Unis, ayant une capacité régulatrice de l’ordre politique régional ouest africain. La politique africaine des États-Unis s’appuyant sur les États pivots s’oppose à l‘approche française et européenne davantage régionale. Membre de l’OPEP, intégré dans la CEDEAO, marché de l’ordre de 380 milliards de dollars en 2010, le Nigeria est à la fois la puissance économique et militaire dominante en Afrique de l’Ouest, avec l’armée la plus puissante de la région (80.000 soldats). L’Afrique de l’Ouest reste son pré-carré, sa démographie (environ le 1/6 de la population de l’Afrique noire)[1]et son économie « écrasent » ses voisins.

    Sur le plan économique, le Nigeria devient officiellement depuis le 6 avril 2014 la première puissance économique du continent et la 26ème plus grande économie dans le monde, dépassant l’Afrique du Sud. Le pays dispose de fortes potentialités en ressources énergétiques (pétrole, gaz) et naturelles, agricoles, hydrauliques et minières (fer, colombite…). Ses recettes pétrolières – 2,5 millions  de barils par jour et 4 millions prévus en 2010 – et gazières sont estimées à plus de 16 milliards de dollars ( Philippe Hugon, Géopolitique de Afrique, 2012). En effet, le produit intérieur brut (PIB) du Nigeria était désormais de 510 milliards de dollars en 2013, contre 453,9 milliards de dollars en 2012. Le PIB sud-africain était d’environ 384 milliards de dollars cette même année. Toutefois, le PIB par tête d’habitant du Nigeria est de 2688 dollars contre 1555 dollars en 2012. Celui de l’Afrique du sud reste nettement plus élevé, à 7 508 dollars.

    En tant que puissance économique au sein de la zone CEDEAO dont il est le plus important contributeur au budget, assurant près de 60% des coûts de fonctionnement de la CEDEAO, le Nigeria tente de contre-balancer l’hégémonie de la France au sein de l’UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africains) dans la zone dite du Franc CFA. Cette rivalité qui ne dit pas son nom a poussé François Hollande de mettre à profit son séjour du 27 au 28 février 2014, lors du centenaire de l’unification de ce pays le plus peuplé d’Afrique, avec 170 millions d’habitants, pour mener une opération diplomatico-économique de charme et de rapprochement géopolitique. Au Nigeria, la France « a perdu à la fois en parts de marché et en influence politique depuis 30 ans« et « notre réseau de coopération a considérablement diminué« , relève Marc-Antoine Pérouse de Montclos, spécialiste de ce pays à l’Institut de recherche pour le développement. Le Nigeria connaît un taux de croissance de 7% par an depuis 8 ans et son PIB est en passe d’être réévalué par le Fonds monétaire international (FMI), ce qui le propulserait devant l’Afrique du Sud, première économie du continent. (AFP, 27/02/2014)

    En 1976, le Nigéria a également créé, en accord avec la Banque africaine de développement (BAD), le Nigeria Trust Fund (NTF) ou Fonds spécial du Nigéria (FSN). Son objectif est de soutenir les efforts de développement des pays membres de la CEDEAO à faible revenu nécessitant des financements à taux concessionnels. Si à l’origine, le capital du fonds était de 80 millions de dollars, il s’élevait fin mars 2010, à 200 millions de dollars. (Luntumbue, M., ibid). Le Nigeria est enfin, avec  l’Afrique du Sud, l’Algérie, l’Égypte et le Sénégal, les pays fondateurs du NEPAD (Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique), dont les principaux objectifs du NEPAD consistent à réduire la pauvreté, placer l’Afrique sur la voie du développement durable, mettre un terme à la marginalisation de l’Afrique et autonomiser les femmes.

    Sur le plan militaire, avec une croissance de 22% depuis 2002, le Nigeria se place juste derrière l’Angola. Ses dépenses militaires s’élevaient en 2010 à 1,8 milliards de dollars. L’armée conduit des missions de contreterrorisme pour lutter contre les activités du groupe armé Boko Haram qui sévit sur son territoire, ce qui explique la croissance des dépenses au Nigeria. Le SIPRI souligne qu’en 2010 et 2011, les dépenses allouées au contre-terrorisme étaient respectivement de 232 et 137 millions de dollars, représentant respectivement 12% et 6% de l’ensemble des dépenses militaires nigérianes. Pour le président nigérian, Jonathan Goodluck, la conduite des opérations de défense et de contreterrorisme est l’une des priorités nationales, ce qui engendrerait de nouvelles augmentations allouées aux dépenses militaires.

    Le Nigeria développe également une diplomatie active et pacifique et se veut, à l’instar de la République Sud africaine, le porte-parole de l’Afrique. Il  a intégré dans sa sphère d’influence les péripéties frontalières. Le Nigeria est de loin le premier pays africain pourvoyeur de troupes pour les missions de maintien de la paix de l’ONU, domaine dans lequel le pays s’est bâti une solide réputation. La première opération à laquelle ont participé les troupes nigérianes remonte à la crise congolaise de 1960, quelques jours seulement après la proclamation de l’indépendance nigériane. Cinquante ans plus tard, en avril 2013, le Nigeria comptait plus de 6.000 soldats servant dans diverses opérations de maintien de la paix des Nations unies, au Soudan, en Somalie, au Mali (600) et en Côte d’ivoire et dans le cadre de forces militaires régionales, au Liberia et en Sierra Leone.

    L’armée nigériane n’a jamais mené d’opérations offensives hors de ses frontières et en dehors de mandats liés à la gestion collective ou régionale de la sécurité. Dans le cas des tensions régionales et litiges frontaliers qui l’ont opposé à ses voisins immédiats, le Nigéria semble en effet avoir privilégié l’usage du « soft power ». C’est le cas du litige qui l’oppose au Cameroun à propos de la souveraineté sur la péninsule de Bakassi en golfe de Guinée, qui a été soumis à l’arbitrage de la Cour internationale de justice (CIJ, en sa défaveur. Au final, le Nigéria a rétrocédé pacifiquement ce territoire en août 2008, suite à décision de la CIJ qui lui était défavorable. De plus, Abuja et Paris se sont récemment accordé sur une approche commune des crises régionales (SlateAfrique.com, 6/6/2012).

    Jean-Jacques Wondo Omanyundu/ Exclusivité DESC

    *La RD Congo est mentionnée à titre illustratif de comparaison avec les autres puissances.

    [1] Un autre facteur de puissance (relative) du Nigeria est sa démographie. Pour le spécialiste des relations internationales, Hans Morgenthau, une population nombreuse est un atout de la puissance d’un État par le fait qu’aucun pays ne peut prétendre de rester ou devenir une puissance de premier plan s’il ne fait partie des nations les plus peuplées de la terre. Mais il ne s’agit que d’un attribut parmi d’autres, la taille du territoire et la dynamique économique, entre autres, jouent également un rôle important.  Des conditions que remplissent potentiellement le Nigeria.

    Autre source : Sabrina Lesparre et Luc Mampaey, Dépenses militaires, Production et transferts d’armes, Compendium 2013, rapport, GRIP 2013/4)

  • Les 50 Africains les plus influents du monde

    Les 50 Africains les plus influents du monde

    Découvrez les 50 africains les plus influents du monde. Découvrez les 50 africains les plus influents du monde. © Jeune Afrique

    Qui sont les hommes et femmes du continent qui, dans leur domaine, font autorité à l’échelle planétaire ? Celles et ceux qui, à leur manière – grain de sel ou grain de sable -, agissent sur la marche du monde ? Voici la sélection de Jeune Afrique des 50 Africains les plus influents dans le monde.

    Après moult séances de brainstorming, de débats et, surtout, d’interrogations (c’est quoi “l’influence” ?), Jeune Afrique vous présente, pour la première fois, sa sélection des 50 Africains les plus influents… dans le monde – et non plus à l’intérieur des seules frontières du continent. Des hommes et des femmes qui s’illustrent dans des domaines aussi différents que les affaires, la recherche, l’art, l’esprit, le style, le sport, l’abstrait et le concret. Une sélection de talents évidemment subjective, pour le meilleur, mais aussi, parfois, pour le pire, dont le principal critère est la capacité à modifier l’ordre des choses, dans un domaine infiniment petit ou beaucoup plus vaste, à l’intérieur d’un périmètre national mais aussi régional ou planétaire.

    Exercice ô combien délicat, car l’étalon semble bien flou, surtout pour ceux qui ont la lourde charge d’élaborer la liste des récipiendaires. On ne mesure pas (seulement) le pouvoir, la notoriété, le compte en banque ou le curriculum vitae. On raisonne en termes d’impact, de sillons tracés, de capacité à toucher des auditoires plus ou moins larges… Bref, ceux qui font autorité, quel que soit le domaine concerné. Quitte, parfois, à sortir du carcan défini par leur emploi du moment. Sont évidemment exclus de notre sélection les dirigeants politiques. L’Afrique est à la mode, pas seulement pour les opportunités d’investissements qu’elle propose. En voici la preuve.

    Tidjane ThiamAbdelmalek Droukdel

    Alaa el-Aswany

    Béchir Ben Yahmed

    Omotola Jalade Ekeinde

    Johann Rupert

    Abdou Diouf

    Lakhdar Brahimi

    Didier Drogba

    RedOne

    Nkosazana Dlamini-Zuma

    Mo Ibrahim

    James Mwangi

    Jamel Debbouze

    Dambisa Moyo

    Kofi Annan

    Ayman al-Zawahiri

    Achille Mbembe

    Alphadi

    Desmond Tutu

    Fatou Bensouda

    Simon Njami

    Souleymane Bachir Diagne

    Wole Soyinka

    Mostafa Terrab

    Malika Zeghal

    Issad Rebrab

    Yasmina Khadra

    Yonov Frederick Agah

    Aliko Dangote

    Tahar Ben Jelloun

    Lionel Zinsou

    Ousmane Sow

    Rached Ghannouchi

    Elsie Kanza

    Youssef al-Qaradawi

    Naguib Sawiris

    Germaine Acogny 

    Tarek Ben Ammar

    Elias Zerhouni

    Nicky Oppenheimer

    Boniface Mongo-Mboussa

    Issa Hayatou

    Makhtar Diop

    David Adjaye

    Malek Chebel

    Donald Kaberuka

    Alain Mabanckou

    Nawal el Moutawakel

    Isabel dos Santos

     

    (Jeune Afrique)