Le critique N. T. Binh et le scénographe Pierre Giner soulignent la nature d’un genre qui ne cesse de disparaître et de renaître.
Par Thomas SotinelPublié aujourd’hui à 09h57, mis à jour à 12h22
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De prime abord, le titre qu’a choisi l’écrivain et critique N. T. Binh, commissaire de l’exposition qui a ouvert le 18 octobre à la Philharmonie de Paris, pour célébrer le musical, fait un peu tiquer. En regardant le mur d’affiches qui accueille le visiteur, par exemple. West Side Story, Dancer in the Dark sont des tragédies. La Mélodie du bonheur et Cabaret se concluent sur le triomphe du nazisme… Reste qu’il est à peu près inévitable – à moins de bénéficier d’une santé morale hors du commun – de sortir de meilleure humeur de « Comédies musicales, la joie de vivre du cinéma » qu’on y est entré.
La débauche d’énergie que déploient les artistes à l’écran et les techniciens (le métier d’opérateur ne devait pas être de tout repos sous la direction de Busby Berkeley), le plaisir d’entendre les mélodies de Cole Porter, Leonard Bernstein ou Michel Legrand, de découvrir les dessins des costumes de Cyd Charisse pour Tous en scène (Vincente Minnelli, 1953) sont inévitablement contagieux. N. T. Binh fait remarquer que les seuls moments de bonheur du personnage qu’incarne Björk dans le musical de Lars Von Trier sont ceux où elle chante et danse.
Sur l’immense écran de 24 mètres de large autour duquel le commissaire et le scénographe Pierre Giner ont conçu l’exposition, une séquence vient donner raison au premier. Sur les panneaux centraux du dispositif, on voit Fred Astaire et Ginger Rogers danser Cheek to Cheek (extrait de Top Hat/Le Danseur du dessus, Mark Sandrich, 1935) ; presque insidieusement, viennent se glisser deux autres extraits. L’un de La Ligne verte,de Frank Darabont (1999) : on y voit un condamné à mort (Michael Clarke Duncan) demander comme ultime faveur de voir un film, le premier de sa vie, ce sera Top Hat, et des larmes coulent sur ses joues (un moment insupportable de sentimentalisme dans le film qui devient ici émouvant puisque parfaitement adapté au culte que célèbre l’exposition).
Correspondances était le nom de code baudelairien d’expositions qui confrontaient des artistes vivants aux collections du Musée d’Orsay. Le principe avait été établi par Serge Lemoine, qui dirigea l’établissement de 2001 à 2008. Annette Messager, Ellsworth Kelly, Pierre Soulages, Bertrand Lavier ou Christian Boltanski furent de ses invités. Fâcheusement abandonné par son successeur, ce bon usage est aujourd’hui restauré par Laurence des Cars, directrice d’Orsay depuis 2017, et c’est une heureuse nouvelle.
Fallait-il néanmoins ouvrir cette série avec Julian Schnabel ? Né en 1951 à Brooklyn, l’artiste américain fut une gloire des années 1980. Ses « plate paintings », tableaux hérissés de débris de vaisselles recouverts par d’épaisses touches de couleur, passaient pour une manifestation exemplaire de ce que l’on appelait postmodernisme, du retour à la peinture et même de la résurrection du baroque. On le vit alors dans les lieux où il fallait exposer : les galeries de Mary Boone, Leo Castelli, Yvon Lambert et Bruno Bischofberger, le Stedelijk Museum d’Amsterdam, la Kunsthalle de Düsseldorf, le Centre Pompidou, le CAPC de Bordeaux.
C’est à l’occasion de la prochaine sortie de son film « At Eternity’s Gate »en France que Julian Schnabel est invité à Orsay
Puis l’engouement tomba, à la fin de la décennie. Un film sur Jean-Michel Basquiat, sorti en 1996, marqua le début d’une deuxième vie de réalisateur. At Eternity’s Gate, consacré aux derniers jours de Van Gogh, a été projeté pour la première fois à la dernière Mostra de Venise. C’est aussi à l’occasion de la prochaine sortie du film en France que Schnabel est invité à Orsay.
On aimerait écrire que son exposition annonce brillamment le retour de l’art contemporain à Orsay. Mais son principal intérêt est d’expliquer pourquoi le peintre Schnabel a vite lassé : parce qu’il n’allait pas au-delà d’effets visuels ostensiblement étendus à de vastes surfaces. Ses…
L’artiste donne à Paris le spectacle musical destiné au jeune public qu’elle a créé lors du Festival « off » d’Avignon.
Par Sandrine BlanchardPublié aujourd’hui à 06h46, mis à jour à 07h37
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Marianne James chante pour les enfants, et ça lui va vraiment bien. « Je suis là où je ne m’attendais pas », reconnaît l’ex-cantatrice foldingue de L’Ultima récital, la diva excentrique de Miss Carpenter, devenue une habituée des jurys télévisés (« Nouvelle Star », « La France a un incroyable talent »). Tatie Jambon : tel est son nouveau nom de scène et celui du spectacle musical jeune public (dès 4 ans) qu’elle a créé, cet été, avec succès lors du Festival « off » d’Avignon. Désormais, c’est sur la scène de La Grande Comédie, à Paris, qu’elle propose jusqu’au 4 novembre ce show revigorant.
Accompagnée d’un guitariste et d’un batteur, Marianne James se fait nounou chaleureuse et coquine, enchaînant un répertoire mêlant salsa, bossa-nova, rock, country, funk. Les textes, qu’elle a coécrits avec Valérie Bour, sont tout sauf niaiseux. « Je ne cherche pas à séduire les enfants mais à les intriguer, quitte à ce que ça pique un peu pour toucher toutes les générations », assume-t-elle. Et ça marche.
Energie, douceur et bonne humeur
Grâce à sa générosité, sa convivialité et son espièglerie, Tatie Jambon ouvre l’esprit dans un spectacle musical aux multiples coloris. Il y est question de bonheur, de soirée pyjama, de yoga du rire mais aussi d’amour arc-en-ciel (« S’aimer chacun à sa façon/S’aimer avec ou sans alliance/Aimer aussi les différences/Aimer surtout, quoi qu’on en pense ») et de fraternité (« Rendez-vous sur la planète rose, pour tout recommencer sans les erreurs passées/Pour reprendre à zéro, construire un monde nouveau/Nous aurons les mêmes droits, les mêmes chances, nous vivrons en bonne intelligence »). Parce que les enfants ne sont pas imperméables à l’actualité.
La chanson jeune public, Marianne James s’y est frottée grâce à Valérie Bour
Un copieux programme vous attend ces quinze prochains jours : outre les festivals Jazzycolors à Paris et Jazz vibrations à Sceaux et Malakoff, les Primeurs de Massy et de Castres consacrent leurs scènes aux talents émergents. Et France musique invite Stan Getz dans « Les Légendes du jazz », en diffusant un concert de 1979. Fan de Kurt Vile ? Le rockeur de Philadelphie est ce soir à La Cigale.
TROIS FESTIVALS :
Jazzycolors, dans les instituts et centres culturels étrangers à Paris, du 30 octobre au 30 novembre
Le Forum des instituts culturels étrangers à Paris (Ficep), qui réunit 55 structures, organise durant l’année de nombreuses manifestations pour faireconnaître la diversité des cultures des pays de ses différents membres. Parmi lesquelles, un festival de cinéma, un festival de littérature et ce Jazzycolors, tout dédié au jazz donc, dont la 16e édition débutera mardi 30 octobre, avec le pianiste Bojan Z, au Centre Wallonie-Bruxelles (complet) et devrait se terminer vendredi 30 novembre, avec le trio du pianiste polonais Witold Janiak, à l’Institut hongrois.
De l’un à l’autre, une vingtaine de formations sont annoncées (certaines dans des centres et instituts qui ne sont pas ceux de leur pays d’origine) dont, dans les jours qui viennent, le quartette de la pianiste roumaine Ramona Horvath (à l’ambassade de Roumanie à Paris, Hôtel de Béhague, vendredi 2 novembre), la chanteuse irlandaise Riona Sally Hartman puis le quartette du bassiste Ronan Guilfoyle (Centre tchèque de Paris, samedi 3), le trio Bartok Impressions (Centre culturel irlandais, mercredi 7) et la quartette de la chanteuse lituanienne Indré Gasiuné (Centre culturel canadien, jeudi 8). Sylvain Siclier
Festival Jazzycolors, dans les centres et instituts culturels étrangers à Paris, du mardi 30 octobre au vendredi 30 novembre. Tél. : 01-42-84-14-34. De 5 € à 10 € selon les lieux, réservation conseillée.
Les Primeurs de Massy et de Castres, du 31 octobre au 3 novembre
Rassurant qu’une belle idée puisse avoir une descendance. Créé, il y a 21 ans, le festival Les Primeurs de Massy (Essonne) osait alors, Salle Paul B, le concept original de soirées uniquement consacrées à des artistes venant de publier leur premier album. Depuis 3 ans, l’événement est accompagné d’un petit frère à l’accent du sud-ouest, Les Primeurs de Castres (Tarn), partageant la même semaine, dans la salle Lo Bolegason, l’essentiel de cette programmation.
Après s’être fait le tremplin de jeunes prometteurs tels Tryo, Camille, Asaf Avidan, Yael Naim ou Dionysos, Les Primeurs donnent cette année une double chance à des talents émergents de la chanson et de la pop (dont Clara Luciani, Adam Naas, Corine, Clément Bazin, Dani Terreur, Inuït…, du rock (Minuit, Theo Lawrence & The Hearts, Delgres…), voire du soul-rock malgache avec Kristel, ou du psychédélisme turcophone avec Altin Gün. Stéphane Davet
Les Primeurs de Massy, salle Paul B, 6 allée du Québec, Massy (Essonne). Tél. : 01-69-75-12-80. Du 31 octobre au 3 novembre. 20 € ; forfaits 2 jours, 36 €, 3 jours, 48 €, et 4 jours, 56 €. Les Primeurs de Castres, Lo Bolegason, passage Claude-Nougaro, Castres (Tarn). Tél. : 05-63-62-15-61. Du 1er au 3 novembre. 18 € ; forfaits 2 jours, 26 € et 3 jours, 36 €.
Jazz vibrations, aux Gémeaux, à Sceaux et au Théâtre 71, à Malakoff, du 6 au 17 novembre
« Les scènes nationales du 92 donnent le tempo », annonce le dossier du festival Jazz Vibrations. Celui du jazz, donc, dans ses liens avec son histoire comme dans ceux entretenus avec d’autres genres et avec une programmation proposée par deux salles du département des Hauts-de-Seine, Les Gémeaux, scène nationale de Sceaux, et le Théâtre 71, scène nationale de Malakoff.
Le festival débutera mardi 6 novembre aux Gémeaux avec le groupe The Groove Retrievers mené par le saxophoniste Julien Lourau, puis au Théâtre 71, jeudi 8 novembre avec un concert en solo du percussionniste Xavier Desandre Navarre. Les Gémeaux recevront ensuite, le 9 novembre, le bassiste Fred Pallem avec son orchestre Le Sacre du tympan, et les 16 et 17 novembre, le septette du pianiste Michel Barbaud. Au Théâtre 71, deux formations sont attendues le 13 novembre, le trio Ikui Doki et le groupe nOx.3 avec la chanteuse Linda Olah, puis, le 15 novembre, l’épatant Umlaut Big Band, avec son programme consacré au swing de l’âge d’or et les compositions et arrangements de Don Redman. S. Si.
Festival Jazz Vibrations, Les Gémeaux, 49, avenue Georges-Clemenceau, Sceaux et Théâtre 71, 3 place du 11-Novembre, Malakoff. Du mardi 6 au samedi 17 novembre. De 5 € à 28 € selon les concerts et les salles.
UNE CHANSON : « While My Guitar Gently Weeps (acoustic version/take 2) », par The Beatles
The Beatles – While My Guitar Gently Weeps (Acoustic Version/Take 2/Audio)
L’album « blanc » des Beatles fête cette année le cinquantième anniversaire de sa parution. Le double LP à la fameuse pochette ultra sobre se voit à l’occasion réédité le 9 novembre par Apple/Capitol dans une version 2018 remastérisée, agrémentée d’inédits : 27 démos acoustiques et pas moins de 50 prises enregistrées lors des sessions studios de l’album. Pas de chansons véritablement inédites donc, mais une foison de chutes alternatives jamais entendues, du moins pour le grand public. C’est le cas de cette version acoustique de While My Guitar Gently Weeps, composée par George Harrison, dévoilée en prélude de la sortie de l’album.
Si une autre version acoustique figure déjà sur le volume 3 de la série Anthology, il s’agit cette fois de la seconde prise du morceau, enregistrée le 25 juillet 1968. On y découvre seulement George Harrison au chant et à la guitare, Paul McCartney à l’harmonium. La composition est encore en cours de développement : au bout de trente secondes d’interprétation, Harrison cesse de chanter et s’inquiète de la prise micro, tandis que McCartney l’accompagne en tâtonnant encore sur les accords du morceau. Malgré cela, la magie opère sur cette prometteuse esquisse. Les spécialistes noteront que certaines paroles (« I look from the wings at the play you are staging/As I’m sitting here doing nothing but aging ») seront écartées dans la version finale. Franck Colombani
UNE DIFFUSION RADIOPHONIQUE : un concert du saxophoniste de jazz Stan Getz, à l’Espace Cardin, en 1979
Le 27 novembre 1979, Stan Getz est programmé à l’Espace Cardin. Dans cet ancien café-concert, devenu le Théâtre des ambassadeurs, puis à partir de 1970 l’Espace Cardin, au nom du couturier, concessionnaire des lieux, le jazz est bienvenu, notamment avec les concerts organisés hors les murs par la Maison de la radio. Ce soir-là, André Francis y présente, pour son émission « Jazz vivant », sur France musique, le quintette du saxophoniste, avec notamment le pianiste Andy LaVerne (avec qui il a enregistré un étrange album, Children of The World, sorti quelques mois plus tôt, avec effets sonores et atmosphères un rien pop) et le guitariste Chuck Loeb.
Diffusé à l’époque partiellement, récemment retrouvé dans les archives de l’Institut national de l’audiovisuel (INA), ce concert, restauré, sera présenté, en intégralité et en deux parties, par Jérôme Badini, dans son émission « Les Légendes du jazz », samedi 3 et dimanche 4 novembre, de 18 heures à 19 heures. L’occasion, probablement, dans sa courte présentation, pour Jérôme Badini de rappeler qu’âgé de 13 ans, il avait accompagné son père Gérard Badini, saxophoniste, clarinettiste, pianiste et chef d’orchestre, pour saluer en coulisses, Stan Getz. S. Si.
Concert de Stan Getz, en 1979, dans l’émission Les Légendes du jazz, sur France musique, samedi 3 novembre, première partie et dimanche 4 novembre, deuxième partie, de 18 heures à 19 heures.
UN CONCERT : Kurt Vile, à La Cigale, à Paris, lundi 29 octobre
Avec ou sans ses anciens camarades de The War on Drugs, le songwriter de Philadelphie Kurt Vile a laissé son empreinte dans le paysage du rock américain de ces dix dernières années. Si au départ influencé par Neil Young, Bruce Springsteen et Bob Dylan, ce guitariste et compositeur s’est forgé un son très distinct, prédominé par des guitares folk et électrique usant d’une armada de pédales d’effets distordues, où il pose sa voix traînante et décontractée.
Un an après la sortie de l’album Lotta Sea Lice, une collaboration remarquée avec l’Australienne Courtney Barnett, paraît son septième album solo, Bottle It in (Beggars/Matador) qui continue de creuser le sillon des disques précédents. Il se produira lundi 29 octobre à La Cigale, accompagné de son fidèle groupe The Violators, et avec en première partie, le duo folk Meg Baird & Mary Lattimore, également originaire de Philadelphie. F. C.
La Cigale, 120 boulevard de Rochechouart, Paris 18e. Lundi 29 octobre à 19 h 30. 27,50 €.
Par Sophie DoucePublié aujourd’hui à 18h00, mis à jour à 18h00
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« Bienvenue chez les Ouango ! » Au milieu du joyeux ballet des poulets qui picorent et des chats endormis, des comédiens répètent leur texte sur les planches d’une petite scène installée au fond d’une cour, à l’ombre des manguiers et des calebassiers. Assise à côté de sa maison en terre cuite, la vieille Awa Ouango les observe d’un œil curieux. Les artistes règlent les dernières finitions avant le grand soir, le stress monte. « Je dois faire la cuisine », s’excuse-t-elle. La vie continue. En arrière-fond, le tap-tap du pilon résonne, les casseroles s’entrechoquent.
Depuis près de deux mois, 150 artistes africains et européens (comédiens, metteurs en scène, danseurs, musiciens et scénographes) ont investi les cours de seize familles de Bougsemtenga, un quartier populaire de Ouagadougou, au Burkina Faso, où se déroule le festival Les Récréâtrales, du 26 octobre au 3 novembre. Au programme : spectacles de théâtre et de danse, animations jeune public, ateliers d’écriture et soirées « causerie ». Près de 60 000 visiteurs sont attendus pour cette dixième édition, selon les organisateurs.
« J’ai découvert le théâtre grâce au festival, je m’assois souvent ici pour regarder les répétitions », explique Awa Ouango. Cela fait dix ans que cette cultivatrice d’arachides et de haricots accueille des troupes venues du monde entier dans sa modeste demeure transformée en petit théâtre à ciel ouvert.
« Leur quotidien nous a inspirés »
« On voulait créer un laboratoire de recherche et de création théâtrale, rien de tel n’existait à l’époque. La scène africaine était vue comme le théâtre du pauvre, sans moyens et dépendante des ressources extérieures, explique Etienne Minoungou, le fondateur du festival. L’idée est née dans un verre de whisky, en discutant un soir avec un ami : “Si le théâtre est un espace de discussion sociale, il faut trouver l’endroit naturel où notre parole ait du sens !”, disait-on. En Afrique, la cour familiale est le lieu traditionnel de la sociabilité. Il était 2 ou 3 heures du matin, on a passé la tête par-dessus le mur des voisins et on a commencé à rêver. »
Depuis, le rêve ne l’a plus jamais quitté. En 2002, le comédien et metteur en scène se lance et crée les premières résidences d’écriture et de création théâtrales panafricaines. Mais pour « entrer dans l’intimité » des familles, le dramaturge a préféré avancer « pas à pas » : « Nous prenions les décisions ensemble au cours d’assemblées générales avec les habitants. On ne pouvait pas s’inviter comme ça. Plus que leur espace physique, les familles partagent aussi leurs vies. »
« Voilà une façon d’amener le théâtre au cœur de la cité, ça permet d’apporter un peu de rêve aux jeunes du quartier ! », s’enthousiasme la comédienne et metteuse en scène Odile Sankara, assise sur les gradins en bois de la cour des Nikiéma. Dans le cadre des Récréâtrales, elle présente « Musika », un spectacle monté en six semaines de résidence, « entre les éclats de voix et les bruits de cuisine ».« C’était extraordinaire de pouvoir créer ici, avec la famille qui nous observe et vaque à ses occupations. Le théâtre se nourrit de la vie, leur quotidien nous a inspirés », raconte-t-elle.
Assise sur son petit banc en bois, Bernadette Nikiéma a assisté à la gestation de la pièce dans sa cour, entre le linge suspendu aux arbres et la vieille Renault abandonnée au fond du jardin. « Je suis très heureuse de les accueillir chez moi, on est comme leur deuxième famille. Chaque jour, j’aime les regarder jouer, on s’ennuie dès qu’ils repartent », regrette la doyenne d’une famille d’une dizaine de personnes, devenue l’égérie de cette édition.
« Ça m’a donné envie de faire du théâtre, à force de les écouter je connais le texte par cœur, parfois je souffle aux comédiens quand ils ont des trous », confie sa fille Natolia. Près d’elle, les mains plongées dans une bassine de teinture indigo, Lydie, 29 ans, s’agite pour tisser les derniers pagnes en faso dan fani, le tissu local qu’elle vend aux festivaliers devant leur porte. « Ça nous rapporte un peu d’argent, on fait notre plus gros chiffre d’affaires la semaine du festival », affirme-t-elle, ravie.
« Ça fait vivre le quartier »
A quelques mètres de là, la « rue 9.32 », point névralgique des Récréâtrales, est en ébullition. Une odeur de brochettes et de chenilles de karité emplit l’air, les lampions multicolores s’illuminent dans les arbres sous les yeux émerveillés des enfants, les chaises des maquis débordent dans les ruelles orangées, tandis qu’au loin les échos des percussionnistes vibrent déjà. Les habitants de Bougsemtenga vivent au rythme du festival.
« Il faut avouer qu’on était un peu sceptiques au début, je craignais les nuisances sonores et pour la sécurité des petits, mais aujourd’hui je suis content : tout le monde est impliqué, un groupe de femmes est chargé du nettoyage, les jeunes s’occupent de l’accueil et de la billetterie, certains sont même devenus électriciens et menuisiers, ça fait vivre le quartier », se félicite le chef de Bougsemtenga dans sa cour, où des voisines maquillent une troupe de danseurs.
« Toute une économie informelle a émergé. Mais surtout, chaque année on a des bébés qui naissent, des amours et des amitiés qui se créent, c’est ça la grande économie humaine », glisse Etienne Minoungou, l’œil malicieux, avant de filer. Le festival peut commencer.
Et c’est avec la fin de ce chapitre 2 que s’achève notre 3e journée, ce qui n’est pas hyper intuitif mais que voulez-vous, c’est comme ça.
Quid de la suite ? Nous hésitons.
Allons-nous continuer, dès demain, à vous raconter “en live”, la suite du jeu ?
Ou alors fêter les 30 ans de la Megadrive (hé oui, c’est demain !) en rejouant en direct à certains de nos jeux préférés ?
A vous de nous le dire dans le champ “Posez votre question” !
En attendant, n’hésitez pas à retrouver :
Sur ce, je vous souhaite une bonne fin de week-end, et je suis certain que si William n’était pas très occupé à se faire démonter les arcades sourcilières, il en ferait autant. A bientôt !
Une authentique PlayStation 4 premier modèle.
(avec des manettes déchargées)
Treize heures de jeu : le chapitre 3 commence.
On a déjà joué au poker ainsi que, attention, ne riez pas, aux dominos.
Willam me dit qu’il le savait. J’avoue que je suis estomaqué. Mille fois merci.
Il y a tout un volet “vie quotidienne”, gestion du camp, chasse, pêche, qu’on a un peu exploré hier et moins aujourd’hui, parce qu’il faut bien avancer et qu’il ne nous reste plus que trois semaines de direct.
(je plaisante)
(enfin à moitié, on revient quand même demain et mardi)
Elle est très appropriée, plutôt belle, jamais envahissante et s’adapte en permanence à l’action (ou à son absence).
Vous me faites penser que je dois publier une interview d’Olivier Derivière, qui me parlait en début de semaine du potentiel inexploité de la musique de jeu vidéo en tant qu’expression artistique.
Les menus sont lents, lourds, et assez compliqués. On s’étonne par exemple de devoir aller chercher la carte du jeu dans un sous-menu.
Et après douze heures de jeu, je ne sais toujours pas où se situe le résumé des quêtes en cours, ni même s’il existe. William prétend qu’on peut le trouver en appuyant longuement sur “Options”.
Mais pire que les menus, ce sont les combinaisons de touche à retenir. Il y a des centaines de choses à faire dans le jeu, mais plutôt que des actions contextuels, le jeu privilégie des combinaisons de touches pas forcément évidentes à assimiler, d’autant qu’on s’en sert assez rarement.
Il y a des pages très intéressantes qui ont été écrites sur le parallèle entre le jeu et la guerre, qui commence aux chatons de quelques semaines se chamaillant jusqu’à Red Dead Redemption II (avec pas mal d’étapes intermédiaires).
Le pourcentage de femmes dans le jeu est très faible. Nous n’en avons pour le moment croiser que trois, qui étaient systématiques des prostituées*.
L’éditeur de jeu vidéo Rockstar est du reste régulièrement critiqué pour la façon dont les personnages féminins sont représentées et traitées dans leurs jeux.
* : ok, c’était vrai il y a encore trente secondes.
Je m’en remets à William.
William ?
– Hmm… 3 – 1 pour Paris.
On n’en saura pas plus.
On pense aussi à Breath of the Wild, même si le dernier Zelda propose tout de même beaucoup d’action, et des décors parfois presque abstraits par rapport au réalisme de Red Dead Redemption II.
Personnellement je garde une tendresse infinie pour les Elite, Daggerfall ou plus récemment No Man’s Sky, jeu gigantesque dans lesquels il n’y a strictement rien à faire. Ou, à une échelle moindre, le très beau Proteus.
Bonjour Nestor,
Quand ça ne tire pas oui, à condition qu’on nous propose de faire autre chose que du cheval.
Alors que nous avons allègrement dépassé les 12h de jeu, cette phrase, terrible :
– J’aimerais bien voir quand même le chapitre 3…
Il n’avait pas mis son clignotant, je ne l’ai pas vu arriver, je n’ai pas eu le temps de l’esquiver, monsieur l’agent.
– “Il faut que tu payes ta prime pour pouvoir débloquer la prochaine quête…
– Ou que je meurs.
– Ou que tu meurs.
– Ou que je meurs…”, répète William, d’un air pensif qui n’augure pas que du meilleur.
On n’en a pas vraiment vues en vérité, restez tunés comme disent nos amis Anglo-saxons.
Je profite d’avoir piqué le clavier pour donner mon point de vue, pas nécessairement en accord avec celui de William : je pense que le jeu vidéo est un média très mal nommé, puisque cela fait bien 10 ou 20 ans qu’il est acquis qu’un bon jeu n’est pas forcément un jeu fun.
Intéressant : le jeu vise par défaut le cavalier.
Si on insiste pour vouloir tirer sur le cheval, on perd des points de “loyauté” qui peuvent à terme nous causer de gros soucis avec la justice.
Alors que si on tire sur les gens, ça passe sans trop de souci.
Il y a de la truculence dans les dialogues, mais ce n’est pas vraiment du second degré, du méta, ou juste de la parodie, comme cela peut être le cas dans GTA.
Si vous nous rejoignez, nous testons Red Dead Redemption 2 depuis vendredi, et cela fait désormais trois semaines que Corentin essaie d’abattre cette diligence.
Je vous l’avais dit. En malgache, certes, mais je vous l’avais dit.
Je dirais plutôt qu’il est désarçonnant. Ce n’est pas un jeu amusant, comme peut l’être un GTA. C’est une immersion, lente, méticuleuse, une ode inattendue à la lenteur, mais qui a son charme.
On ne saurait mieux le dire, et je suis extrêmement d’accord avec vous, même si la confraternité m’interdit de vous traduire ici.
(Ary ratsy i Corentin amin’ny lalao video.)
Pas du tout.
Regardez la peinture par exemple : même si, techniquement, l’art de la peinture à l’huile est plutôt limitée, cela n’empêche pas certains de trouver des qualités à la Joconde.
Un jeu peut manquer de moyen technique, fonctionner sur une console peu puissante, ou souffrir de bugs, et cependant être très beau (ce qui est le cas ici).
(Faux, le malgache se rapproche du malais, pas du japonais, qui est lui généralement classé avec le coréen et l’aïnou).
Je ne me plains pas.
William préférerait être chez lui pour passer son dimanche en famille tout en étudiant les rapports entre les langues japonaises et malgaches.
La direction artistique est très réussie mais techniquement ce n’est pas une grosse claque.
Maintenant, rappelons que nous jouons sur PlayStation 4, et que le résultat est paraît-il très différent sur Xbox One X.
Rappelons aussi qu’il s’agit du même moteur graphique depuis Rockstar Table Tennis.
Merci au mode “cinéma”, qui nous offre la possibilité de nous sustenter tout en jouant.
On n’est pas déjà pas très, très bons à la visée, alors si on bouge en même temps, ça va pas trop arranger nos affaires.
J’ai les réflexes d’Assassin’s Creed, je me cache dans les fourrés, ça ne marche pas.
Les dix prochaines heures de stream seront donc consacrées à fuir.
C’est tout à fait possible.
On y reviendra éventuellement dans un second temps, le service ne sera lancé que le mois prochain !
De toute façon, il faut des semaines, des mois, des années, avant de pouvoir juger de ces jeux “services”.
Et nos tests/critiques n’ont pas toujours vocation à dire ce que valent les jeux, pour parfois plutôt se concentrer sur ce qu’ils disent.
CL : “Il y avait beaucoup de gens qui vivaient au far west à l’époque ?”
WA, en pleine fusillade : “En tout cas il y en a moins maintenant”.
Ok je descends chercher à manger, je dis à William de bien s’occuper des moutons, je reviens et c’est l’anarchie.
C’est vrai ! Merci Rantanplan.
Je prends la manette, tremblez, moutons.
N’en jetez plus, voici et de très loin le meilleur jeu de cowboy sur Switch :
Remontons sur la selle et reprenons : notre bande de hors-la-loi s’est établi au sud de la ville de Valentine et tente de se faire passer pour des gens sans histoires (ce qui est très mal nous connaître).
Il y a eu un drame à Black Water dont on n’a pas bien compris la portée ET BIM LE PANNEAU
Une remarque intéressante de Didier Pasamonik, spécialiste de la bande dessinée franco-belge, à propos de Lucky Luke :
“Bien davantage que l’Histoire, c’est le code du western qui régit les aventures de Lucky Luke. Or on sait à quel point il est fabriqué. Cette poétisation de la conquête de l’Ouest par Hollywood a d’ailleurs souvent été écrite par ses propres acteurs : Buffalo Bill, Emmet Dalton, Wyatt Earp, le héros de Tombstone, en Arizona, qui y croisa un jeune acteur, Marion Michael Morrison, connu plus tard sous le nom de John Wayne.”
Le cinéma a formé l’imaginaire du western, et tout autant que la bande dessinée, c’est également à cette école que le jeu vidéo s’est formé, s’y confrontant en permanence.
Cela pose une question aux reconstitutions en monde ouvert comme Red Dead Redemption 2 : s’agit-il d’une reconstitution historique des Etats-Unis de 1899, documenté par des livres d’histoire ou des témoignages d’époque, ou d’une reconstitution spatiale d’un monde de western, fantasmé à travers le septième art ?
(Si vous avez la réponse, merci d’écrire à Pixels, Le Monde, 80 boulevard Auguste Blanqui, 75013 Paris).
Pour ceux qui nous rejoignent : nous testons en direct Red Dead Redemption 2, pour la troisième journée consécutive. Notre avis sur le jeu évolue au fur et à mesure que nous avançons, et après de premières heures assez poussives et malgré la lourdeur et la raideur du héros, on prend désormais du plaisir à vivre cette vie de cowboy crotteux, immersive et pas si trépidante. Par exemple, Corentin, qui tient la manette, vient de s’exclamer “Je me demande si on peut prendre un bain”.
Alors qu’Arthur, le héros, s’engouffre un ragoût au clair de Lune pendant que nous devons encore attendre nos plats 14 minutes dans le studio vidéo du Monde. La vie est tellement injuste.
Absolument zéro fois. Il faudra peut-être voir au chapitre suivant.
Il ne le sait pas. Nous sommes des journalistes honnêtes, mais en tant que cowboys, nous avons nos moments de faiblesse.
Excellente question, Catel. C’est effectivement pertinent et cela colle dans les date : les jeux de survie comme Rust ou Ark ont effectivement explosé entre 2012-2014, durant la phase de conception initiale de Red Dead Redemption 2, et on peut en effet sentir le parallèle. Même s’il intègre cette dimension très différemment.
Je lui pardonne beaucoup de choses, c’est lui qui a commandé notre pitance pour ce midi. (Que nous attendons un peu fébriles, il faut reconnaître)
Elle est franchement impeccable, variée, dans le ton, immersive, intelligemment utilisée, bien placée, et je cherche un reproche mais je n’en trouve pas, à part, peut-être, que le bruit du ventilateur de la PS4 en fond sonore ne fait peut-être pas très western (mais quoique, il y avait des ventilateurs aussi dans les saloons, et bruyants eux aussi, de quoi se plaint-on ?)
“On est à douze heures de jeu, et il m’apprend comment on regarde par la fenêtre. J’ai l’impression que l’aventure entière est un tuto sans fin”, s’esclame Corentin, sans que l’on puisse savoir s’il s’agit d’un compliment ou d’une critique.
Je m’en veux tellement.
(bonjour)
“Pourquoi ?”, demande Corentin, manifestement plongé dans sa partie. “Demain ?”, propose-t-il un peu au hasard sans trop savoir qui lui parle et pourquoi. Cet homme ne le dit pas, mais il joue et il a faim, ses capacités cognitives maximales ont été atteintes.
Autre élément historique, dont Red Dead Redemption 2 ne rend pas vraiment compte, contrairement à une idée répandue l’anglais n’est pas la seule langue parlée à l’époque (vision faussée par les films tournés par Hollywood). Les colons allemands sont très nombreux, notamment dans le Nord central des Etats-Unis, où semble se dérouler le jeu. Sur la décennie 1880-1890, l’immigration allemande représente même
Comme souvent dans les jeux Rockstar, les noms de lieux sont fictifs, et le monde réel librement réinterprété. Pour l’instant, on pense pouvoir affirmer que nous ne sommes pas au Texas (ni à Levallois-Perret).
C’est très fluide et bien amené. Contrairement aux productions Ubisoft qui séparent de manière parfois artificielle leur carte en région, le monde de RDR2 est organique, on passe d’un paysage à un autre juste en se baladant, et il faut consulter sa carte pour s’apercevoir du chemin parcouru. C’est très élégant.
Le sachiez-vous ? Le gouvernement fédéral octroie à l’époque des lots fonciers massifs aux compagnies ferroviaires pour encourager leur développement, souvent au détriment des tribus indiennes. C’est la naissance des premiers magnats du rail, comme Cornelius Vanderbilt, et dites-moi si je vous embête, Corentin fait rien qu’à se croire au cinéma.
Pour se faire une idée, entre 1840 et 1920, le réseau ferroviaire américain est passé de 5 000 kilomètres à 360 000, essayé-je d’expliquement doctement en lisant mon livre pendant que Corentin met le dawa au Dakota.
Commençons par un point commun inattendu et non moins essentiel entre Lucky Luke et Red Dead Redemption 2 : les trains, moyen de locomotion ô combien emblématique de la période. Ils donnent même leur nom (ou presque) à un album du célèbre cow-boy franco-belge, Des rails sur la prairie. Dans RDR2, ils servent de moyen de locomotion entre les villes – à ce stade, le jeu n’offre pas de fonction téléportation, et les chevaux étant très lents, on est bien content d’en attraper un – parfois comme on peut, comme l’a lâchement immortalisé mon éminent binôme).
Il est tout à fait vrai que Lucky Luke n’est jamais sorti sur Mega Drive, et qu’il s’agissait à l’époque d’une exclusivité Super Nintendo. (Si vous êtes venu.e.s voir des vidéos de jeux vidéo de cow-boy, vous êtes bien tombés)
L’exigence de clarté nous oblige à expliquer que nous fêtons demain les 30 ans de la Mega Drive (principal événement jeu vidéo de cette année 2018) ; que nous affichons depuis le début vendredi de ce vidéo-test de Red Dead Redemption 2 une inquiétante fébrilité devant les attaques de loups et une attirance toute aussi inquiétante pour les arbres (souvent expliqué par une distraction, comme la lecture de vos nombreuses questions et délicieux commentaires).
L’objectif, vous l’aurez compris, est de live-lire un fact-check d’une bande dessinée pendant un test en streaming d’un jeu vidéo. Autant dire qu’à côté, l’opéra Wagner et son art total fait profil bas.
Voici par ailleurs le livre qui nous accompagnera aujourd’hui (on ne voulait pas déranger un ou une vénérable universitaire un dimanche) :
Plutôt agréable, voire très réussie en action, même si on ne comprend toujours pas très bien les différentes jauges à l’écran. En revanche, l’interface dans les menus est particulièrement mal fichue, avec une carte disponible dans un sous-menu et une sélection d’armes abominablement pas naturelle.
Je transmets à Corentin : la boussole est intéressante, car on peut l’afficher tantôt façon GPS, boussole à l’ancienne, ou ne pas l’afficher, selon le degré d’immersion et d’aides voulus.
Enfin, si j’écris beaucoup, c’est tout simplement parce que Corentin a pris d’autorité la manette pour jouer en premier.
Enfin, nous serons accompagné aujourd’hui non pas d’un invité, mais d’un livre, Les personnages de Lucky Luke et la véritable histoire de la conquête de l’Ouest, qui nous servira autant de matériau pour remettre en contexte Red Dead Redemption 2 que pour nous replonger dans l’histoire des Etats-Unis à la fin du 19e siècle.
Il nous est également arrivé à certaines reprises de tirer sur des brigands, ce qui relève à ce stade un peu de l’obligation syndicale pour ce genre de jeu, mais de manière étonnamment rare. Cette nouvelle session sera l’occasion d’essayer d’avancer dans l’histoire et de voir si elle est capable de nous proposer quelques séquences épiques (sans vouloir manquer de respecter à nos sympathiques mais néanmoins extrêmement calmes randonnées équestres d’hier)
Samedi, cinq heures de jeu plus tard et enfin sorti d’une introduction abominablement lente et dirigiste, on a découvert un monde vibrant et immersion, et une approche du western étonnamment réaliste, parfois proche de la simulation. En tout cas, on a brossé notre cheval, préparé notre café, rasé nos favoris, mangé des boîtes de conserve et pêché au fromage, et c’était bien comme dans un jeu Animal Crossing.
Vendredi, à l’issue de nos cinq premières heures de jeu, l’avis de Pixels était plutôt mitigé, partagé entre d’un côté de réelles innovations dans la manière d’amener la narration, et une impression générale de lourdeur, manette en main, comme dans la navigation et l’exploration. Il y a même eu quatre bâillements (le professionnalisme nous a formellement obligés à les compter).
Hier, nous étions en présence d’Alexis Blanchet, maître de conférences en études cinématographiques et spécialiste des liens entre jeu vidéo et cinéma. Il a répondu à vos nombreuses questions – réponses dont vous pouvez trouver une sélection dans l’article qui s’affiche en dessous de cette phrase à l’évidence trop longue.
Françaises, français, Calamity Jane, Calamity John, nous avons le plaisir pour notre troisième jour de test en direct marathon au format étonamment vidéotextuel (TEDMAFEV pour les intimes) de Red Dead Redemption 2.
Chronique. La scène est glaçante : plan large, caméra de surveillance, sur le vaste et informel hall de Villepinte (Seine-Saint-Denis) abritant, le temps d’une épreuve, les quelques milliers de carabins aspirant à devenir médecins, chacun devant sa petite table et face à son destin. Plus tard, une autre scène lui répond : le cinéma se fait alors peinture car c’est un tableau filmé en contre-plongée, nimbé de l’élévation d’une vocation. Autour de la table de dissection et du maître qui opère, les « troisième année » triés sur le volet recueillent la transmission d’un savoir médical comme au temps de La Leçon d’anatomie saisie par Rembrandt…
D’un côté, la masse anonyme des impétrants ; de l’autre, l’intimité familière des disciples. Entre les deux, le film de Thomas Lilti étire le temps de cette Première année des facultés de médecine – ici Paris-V-Descartes – violente et ritualisée, tout entière finalisée par le passage dans le chas du concours : beaucoup d’appelés (amphis bondés) et peu d’élus, environ un sur dix, ce qu’on nommait « décimer » pendant la Grande Guerre. Chose étonnante, la sortie du film a correspondu à la suppression officielle du numerus clausus qui en forme le nœud dramaturgique, le rendant immédiatement obsolète ou puissamment performatif selon les interprétations !
Cauchemar des étudiants, de leurs parents, de leurs grands-parents… le fameux numerus clausus fut établi en 1971 comme outil de régulation de la démographie médicale. Politiquement sensible – on est trois ans après 1968 –, ce contingentement par concours est rendu possible par l’alliance conjoncturelle d’un ordre des médecins, garant d’un certain malthusianisme bien entendu de la profession et de la médecine hospitalière qui, désormais, avec la suppression du concours de l’externat (en 1968) doit assurer la formation de tous les étudiants dans les centres hospitaliers universitaires. Cela n’aurait pas suffi si ne s’y était ajouté…
On ne le retrouve guère, sur le Net, qu’en Monsieur Loyal dans l’émission de Canal+ « Nulle part ailleurs », submergé par des fous rires à l’écoute de la bande des Nuls ou de son délirant comparse Antoine de Caunes. Un complice qui n’aura eu de cesse de le moquer pour sa petite taille et ses supposées talonnettes, ses grandes oreilles ou ses brushings façon « moumoute ». Mais au regard des décennies pendant lesquelles il a officié tant à la radio qu’à la télévision, le parcours professionnel de Philippe Gildas illustre surtout la mutation qu’ont connue les médias au cours des cinquante dernières années ainsi que les relations étroites et mouvantes entre le politique et l’audiovisuel, tant public que privé. Philippe Gildas est mort à Paris dans la nuit du samedi 27 au dimanche 28 octobre à l’âge de 82 ans, a fait savoir Antoine de Caunes. Il souffrait d’un cancer.
Enorme bosseur, pointilleux jusqu’à l’obsession, malin tendance débrouillard, le verbe sobre mais capable de rognes telluriques aussitôt oubliées, l’allure décontractée – jamais de cravate –, Philippe Gildas, qui ne se prenait jamais au sérieux, se sera vu confier la rédaction des trois plus importantes stations de radio, RTL, Inter et Europe 1, aura présenté le journal télévisé au temps de l’ORTF d’après Mai-68, avant de devenir une figure emblématique de la première chaîne privée à péage du paysage audiovisuel français, Canal+. Et pourtant « je n’ai jamais eu de plan de carrière, assurait-il au Monde en 2008.Mon parcours est un condensé de contradictions mais je n’ai ni remords ni regrets. Le hasard m’a porté à chaque fois au bon croisement. » Une antienne reprise dans sa biographie, coécrite avec Gilles Verlant,Comment réussir à la télévision quand on est petit, breton, avec de grandes oreilles ? (Flammarion, 2010).
Débuts à la radio
Si ce jeune Breton, né le 12 novembre 1935 à Auray (Morbihan), choisit, sans le sou, de s’ancrer à Paris au sortir du Centre de formation des journalistes (CFJ), c’est qu’il est déjà marié et père du premier de ses trois fils, né en 1960 et prénommé Gildas. Il entre tout d’abord au journal Combat, où il devient rapidement chef des informations générales. Mais il est rattrapé par ses obligations militaires : de la classe 61, il risque de devoirpartir en Algérie, pour une guerre contre laquelle il a milité, à la Sorbonne, pendant ses études de lettres classiques. Il atterrit finalement au service d’information des armées à Paris.
Il n’en a pas encore fini avec ses vingt et un mois de service militaire qu’une rencontre avec son plus proche camarade au CFJ l’amène à être recruté pour une nouvelle tranche matinale qu’entend créer Radio Luxembourg, future RTL, alors en pleine mutation. Il entre pour la première fois dans une radio sous son vrai nom, Philippe Leprêtre, le 24 décembre 1962 à minuit, et, poussé vers le micro, lit son premier bulletin d’information le 1er janvier 1963, celui de 6 heures, sous le pseudonyme de Philippe Gildas : le titulaire avait trop bien fêté la Saint-Sylvestre et lui, toujours sous les drapeaux, a ajouté le prénom de son fils au sien pour échapper à toute sanction.
Le « cadeau » le plus durable qu’il estime avoir laissé à la télévision ? La météo !
Rapidement repéré pour sa rigueur et ses capacités à diriger des équipes – il est l’aîné de sept frères, a été un cadre scout et milité à l’UNEF à la Sorbonne –, il prend la direction de l’information de Radio Luxembourg deux ans seulement après son arrivée. « Je suis un bon OS, un ouvrier spécialisé dans l’information, estime-t-il dans sa biographie. (…) Je n’ai rien d’un génie de l’info. Je ne la conceptualise pas, je ne m’intéresse pas aux idées qui sont derrière, seule la façon de communiquer me préoccupe. Avec à la clé cette question essentielle : comment arriver à la justesse de l’info ? »
Présentation du JT
Après de belles années à RTL, les dissensions au sein de la rédaction, nées en Mai 68 et restées vives, amènent Gildas à présenter sa démission. Il intègre en 1969 l’ORTF, en pleine mutation post-événements, au sein de la nouvelle unité d’information que dirige Pierre Desgraupes. Il y présente notamment le JT, « Information première », en alternance avec Etienne Mougeotte. Sans prompteur, sans cravate et avec des cheveux longs pour cacher ses oreilles.
Le « cadeau » le plus durable qu’il estime avoir laissé à la télévision ? La météo ! De par son passage à RTL, Gildas a retenu une vérité première : à chaque heure, l’info météo est celle que le public attend en priorité. Aussi, son leitmotiv étant « Tout est info », il fera de la météo un rendez-vous incarné à l’intérieur même du JT. Il ne s’agit pas encore avec d’une « miss météo », mais ça viendra…
Le 5 juillet 1972, le premier ministre de Georges Pompidou, Jacques Chaban-Delmas, tenant d’une libéralisation de l’information, démissionne. Pierre Desgraupes est remercié ; solidaire, Philippe Gildas quitte l’ORTF. Il passe une saison à France Inter (1973-1974), mais c’est dans la station concurrente qu’il va rebondir. Sous la nouvelle présidence de Valéry Giscard d’Estaing, l’Etat, actionnaire d’Europe n° 1, remercie les deux patrons historiques de la station. Jean-Luc Lagardère, homme de confiance de Sylvain Floirat, le patron de Matra et propriétaire de la radio, prend la tête de la station. Gildas est appelé à la rédaction en chef de la matinale, qu’il intègre en décembre 1974. Il peut alors donner vie à sa marotte, une matinale en continu – au-delà des seules sessions d’information habituelles –, qu’il lance en 1976. Il est au micro de 6 h 30 à 9 heures, avec, à ses côtés, Maryse, l’animatrice vedette de la station, qu’il épousera en 1984.
Dans cette matinale d’Europe n° 1, Gildas mêle déjà information et animation. L’austère homme-tronc qu’il fut pour le JT de l’ORTF apprend la décontraction, le rire à l’antenne, les changements de rôle et de ton. Ce mélange des genres, Gildas le résume d’une formule à laquelle il tient : « Info + spectacle n’est pas de l’info-spectacle ». Il animera d’ailleurs pendant deux saisons le jeu télévisé La Tête et les jambes, puis La Chasse au trésor, tous deux pour l’A2. Tout en continuant d’assurer la matinale d’Europe, dont les audiences grimpent.
Le vaisseau Canal+
L’arrivée de la gauche au pouvoir, en mai 1981, rebat une fois de plus les cartes dans l’audiovisuel. Le directeur d’Europe n°1, Etienne Mougeotte, démissionne – sa tête a été demandée, place de la Bastille, le soir du 10 mai –, Gildas fait de même par solidarité ; mais Mougeotte et Lagardère le convainquent de rester et de prendre la direction de l’antenne pour sauvegarder la rédaction. Pour autant, « Directeur, ça n’est pas mon métier », le micro lui manque. Il tient néanmoins la maison pendant cinq ans, jusqu’en 1986, en y restant comme simple animateur jusqu’en 1988… alors qu’il a déjà embarqué sur un nouveau vaisseau baptisé Canal+, en quête de territoires inexplorés.
En 1987, « Nulle part ailleurs »arrive à l’antenne en soirée. Sous couvert d’improvisation apparente […], l’émission s’avère en réalité une mécanique de précision
Avant que la presse ne qualifie les dix premières années de Canal+ de « fabuleuse aventure audiovisuelle », avant que ses inventeurs ne s’acheminent vers la formule magique de son émission phare, en clair, que fut « Nulle part ailleurs », ses créateurs auront testé tout et n’importe quoi. A la conception, le patron Pierre Lescure – que Gildas avait recruté à sa sortie du CFJ du temps de Radio Luxembourg –, le directeur des programmes Alain de Greef, et Philippe Gildas. Tous trois partagent le même credo que « tout est news », et entendent lancer un talk-show à l’américaine : une émission basée sur l’actualité, qui marque les esprits moins pour ses invités que grâce à son animateur, et où se mêlent info et divertissement. Ce qui aboutit en 1985 à « Direct », une émission de 90 minutes, le midi, pour les ménagères et les lycéens en mal de curiosités, face aux très sérieux JT des concurrents.
Une horloge dans le ventre
Parrainée par Coluche, cette émission-laboratoire, qu’il présente en polo ou en chemise Lacoste, lui permet de défricher des sujets inédits voire incongrus et de lancer à la télévision nombre de jeunes qu’il a sous la main à Europe 1. En 1987, « Nulle part ailleurs »arrive à l’antenne en soirée. Sous couvert d’improvisation apparente, de rubriques farfelues et de délire parfois incontrôlé, l’émission s’avère en réalité une mécanique de précision : elle est séquencée en modules de quelques minutes, d’autant que Gildas a une horloge dans le ventre, tous en témoignent.
Au fil de ses dix ans d’animation, Philippe Gildas aura testé quelque 150 chroniqueurs , et l’équipe comptera, hors techniciens, pas moins de 50 à 80 personnes… « Ce qui est apparu comme un esprit était une cohérence. Tous les gens qui fabriquaient cette chaîne étaient au même endroit. (…) Tous appartenaient grosso modo à la même génération, possédaient les mêmes références. Une singularité par rapport aux autres chaînes, fabriquées par des producteurs extérieurs », résumait pour Le Monde en 2014 Arielle Saracco, arrivée à Canal en 1990.
Après une première année, en 1987, où l’aspect divertissement de « Nulle part ailleurs » est assuré par la bande des Nuls, Gildas recherche quelqu’un qui puisse les remplacer – le rythme quotidien ayant amené les Nuls à abandonner. « Ma grande découverte, c’est bien sûr Antoine de Caunes », note-t-il. Antoine de Caunes peut tout se permettre, tandis que Gildas contrebalance ce qui peut apparaître comme trash ou outrancier par sa bonhomie et sa sympathie pour les invités, incapable qu’il est d’apostropher quelqu’un à la façon d’un Ardisson, d’un Fogiel ou d’un Guillon. Grands complices – « son seul défaut est d’avoir des goûts de chiottes en musique : il adore Michel Sardou », commentait Antoine de Caunes au Monde en 2008 –, tous deux animeront d’ailleurs l’émission ensemble à partir de 1991.
Après le départ de De Caunes en 1995, Gildas continue mais la magie n’opère plus, faute d’un solide duo (« Je sais que j’ai vécu un miracle »). Après une dernière et piteuse saison 1996-1997 en compagnie de Baffie, Gildas cède son fauteuil à Guillaume Durand ; lequel commencera à accueillir des politiques, au contraire de Gildas qui l’interdisait – il ne votait jamais.
Opposé à la retraite – mais aussi à la mort, qu’il haïssait pour être « inhumaine » –, Philippe Gildas reste malgré tout dans le groupe jusqu’en janvier 2003. Il animera ou participera à des émissions sur Canal, Paris Première, Voyage, Europe 1, France 2, Comédie… Il « bricole », en « une semi-oisiveté ». Jusqu’à ce que l’idée de créer une chaîne pour les seniors le mobilise et le désespère à la fois : alors qu’il pensait la lancer dès 2003, Vivolta ne verra le jour qu’en 2007, seulement sur le câble et le satellite. Une chaîne d’art de vivre pour celles et ceux qui ont du temps et des moyens, qui s’éteindra en 2014 faute d’audience.
« Longtemps, je fus catholique et breton. (…) Je ne comprends pas pourquoi l’homme est mortel. J’ai du mal à me faire à l’idée qu’il n’y a rien après », note Philippe Gildas dans sa biographie, qu’il avait décidé de clore sur ces mots : « Maryse et moi avons décidé de nous faire incinérer. Et quand je passerai de l’autre côté des flammes, faites aussi l’économie de l’urne : répandez mes cendres au hasard, en vous amusant, comme je n’ai cessé de le faire ! »
Une histoire des civilisations. Comment l’archéologie bouleverse nos connaissances,sous la direction de Jean-Paul Demoule, Dominique Garcia et Alain Schnapp, La Découverte/Inrap, 606 p., 49 €.
Une somme, voilà le terme qui décrit le mieux Une histoire des civilisations, fruit d’une coédition entre l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) et La Découverte. Dirigé par les archéologues français Jean-Paul Demoule, Dominique Garcia et Alain Schnapp, cet ouvrage de 600 pages rassemble les contributions de quelque 70 chercheurs et a pour ambition d’embrasser le parcours des sociétés humaines depuis l’émergence du genre Homo jusqu’à la globalisation actuelle.
On pourrait presque voir comme une provocation, alors que les archéologues ont longtemps été considérés comme de simples supplétifs des historiens, cette volonté de prendre à bras-le-corps rien de moins que le destin de l’humanité. Mais cette approche se justifie par les nombreuses évolutions que la discipline a connues au cours des dernières décennies.
La notion de « civilisation » revisitée
L’archéologie est notamment la seule discipline capable de retourner aux racines de l’humanité. A cet égard, la première partie du livre, présentée par le préhistorien Jean-Jacques Hublin et consacrée à l’hominisation de la Terre ainsi qu’aux premières sociétés de chasseurs-cueilleurs, se révèle profondément originale pour ce type d’ouvrage.
La notion usuelle de « civilisation » est ainsi révisée, revisitée, et ce n’est qu’au bout de 250 pages, après l’exploration des sociétés agricoles du néolithique, que l’on entre, avec l’apparition des Etats centralisés, dans l’histoire classique et l’ère de l’écriture. Les maîtres d’œuvre ont pris soin de ne pas tomber dans le piège de l’européocentrisme et, au fil des chapitres, le lecteur se promène dans l’Inde ancienne, fait connaissance avec la métallurgie…
Robert Guédiguian tourne et travaille avec une tribu de fidèles. Notamment trois acteurs, que l’on retrouve à l’affiche de quasiment tous ses films, vingt exactement, depuis Dernier Eté (1980). A savoir Ariane Ascaride, qui est également son épouse, Gérard Meylan et Jean-Pierre Darroussin. Ce trio illumine La Villa (2017), dernier film de Guédiguian, qui contient une scène tirée de Ki lo sa (1985), film tourné il y a donc plus de trente ans, où les mêmes acteurs surgissent à l’écran dans leur insolente jeunesse.
Samedi 6 octobre, au Théâtre des Bouffes du Nord, dans le cadre du Monde Festival, Robert Guédiguian a raconté ce qui le pousse à travailler en tribu et ce qu’il en attend. Un témoignage inédit sur la « méthode Guédiguian » et sur le plaisir de travailler en collectif.