Tag: RDC / Angola

  • [Reportage] RDC: les expulsés d’Angola ne sont pas tous des illégaux

    [Reportage] RDC: les expulsés d’Angola ne sont pas tous des illégaux


    Par
    RFI

    Publié le 15-11-2018
    Modifié le 15-11-2018 à 13:25

    En quelques semaines, ce sont des centaines de milliers de personnes qui ont franchi la frontière entre l’Angola et la RDC après une opération de police. Luanda a toujours assuré que les personnes refoulées étaient en situation illégales, mais les témoignages montrent l’inverse. Le Haut-Commissariat aux réfugiés a déjà recensé plus de 1 900 personnes munies de papiers de réfugiés parmi ces expulsés. Un chiffre qui a considérablement augmenté ces dernières semaines, et qui témoigne, selon le HCR, du « manque de discernement » dont font preuve les autorités angolaises dans leur opération d’expulsions forcées.

    Lynn Ngugi, chef de la sous-délégation du HCR dans le Kasaï Central

    15-11-2018
    – Par
    Florence Morice

    Un homme en colère brandit sa carte d’identité angolaise. Un document, obtenu légalement dit-il, après cinq ans de vie en Angola, mais qui n’a pas suffi à l’épargner des expulsions forcées : « Regardez, c’est ma carte. Elle me donne le droit de vivre en Angola et de circuler librement. Pourtant, j’ai été chassé ».

    Au moment de son arrestation, il raconte qu’il n’a même pas osé présenter ce document aux autorités : « J’ai préféré la cacher. Car j’ai vu comment la police déchirait faisaient avec les autres. Ils les battaient et déchiraient leurs papiers. J’avais peur qu’on me fasse la même chose ».

    C’est ce qui est arrivé à ce commerçant : « En fuyant l’Angola lorsque nous sommes arrivés au premier barrage de police ils nous ont demandé de montrer nos papiers. Et dès qu’on les a sortis. Ils nous les ont pris ». Il a vécu deux ans en Angola et dit ne pas comprendre les autorités, qui l’avaient pourtant incité à se faire régulariser avant les dernières élections : « Je suis arrivé pendant la période d’enrôlement et l’on nous encourageait à nous inscrire pour aller voter. C’est grâce à ma carte d’électeur que j’ai obtenu une carte d’identité. Et maintenant, on nous chasse comme des animaux ».

    D’autres témoignent avoir subi le même sort après avoir passé 10, 15, 20 ans en Angola. Sans papiers, et contraints de rentrer dans un pays où parfois ils n’ont plus d’attache. Ils courent le risque de se retrouver apatrides. C’est pour cette raison que le HCR travaille actuellement avec la commission nationale pour les réfugiés et les services de migrations de RDC à dresser la liste des personnes dans cette situation. Il reviendra ensuite aux autorités congolaises de les enregistrer.

    Au moins 1 900 réfugiés

    Pasteur Georges a fui les violences au Kasaï, en mai 2017, après l’incendie de son village. En Angola, il avait obtenu le statut de réfugié et n’avait pas – malgré une immense précarité – l’intention de rentrer en RDC. Mais l’armée angolaise en a décidé autrement : « Il nous a arrêtés, il nous a demandé les documents. On a donné les documents, ils ont dit : les réfugiés n’ont pas le droit ici. On nous a ravi ça. On nous a ligotés, on nous a scotchés comme des cartons, des colis. Et l’on nous a amenés jusqu’au niveau de la frontière ».

    A ses côtés, Mbomba Ntomba garde précieusement dans un sachet plastique la photocopie de sa carte de réfugié, qu’il a pu sauver. Après 21 ans passés en Angola. Il avait fui en 1997, lors de la première guerre du Congo. « Les militaires m’ont confisqué l’original de mes papiers avant de m’arrêter. J’ai protesté. Ils m’ont dit : le gouvernement nous a demandé de faire partir tous les Congolais même les réfugiés. Tout ce que je possédais est resté là-bas, je me retrouve ici les mains vides. Sans famille. Je dors dans des églises et parfois même dehors ».

    « Quinze jours sans pouvoir manger »

    Dans la confusion qui a présidé à l’opération d’expulsions, des familles de réfugiés ont été séparées. Philomène a mis deux semaines à retrouver ses enfants : « J’ai été arrêtée avec les documents qui leur permettaient d’accéder aux distributions de nourriture. Ils sont restés 15 jours sans pouvoir manger… Jusqu’à ce que ma famille ici envoie de l’argent en Angola pour payer leur transport et qu’ils me rejoignent ». En septembre dernier déjà Philomène dit avoir fait plusieurs courts séjours en prison côté angolais, secourue chaque fois par le HCR. Comme la majorité de ces réfugiés expulsés, elle n’envisage plus de rentrer en Angola, de peur, dit-elle de ce qui pourrait lui arriver.

    Le HCR poursuit actuellement le travail de recensement de ces réfugiés expulsés, promet de transporter dans leurs familles restées au Congo ceux qui le souhaitent. Et négocie actuellement avec les Angolais la réadmission de ceux qui souhaiteraient retourner en Angola. Le HCR qui appelle par ailleurs les Angolais à respecter les droits et la sécurité de ces réfugiés conformément au droit international.

    Read More

  • [Reportage] RDC: à Kamako, les hôpitaux débordés par l’afflux de réfugiés

    [Reportage] RDC: à Kamako, les hôpitaux débordés par l’afflux de réfugiés


    Par
    RFI

    Publié le 14-11-2018
    Modifié le 14-11-2018 à 13:22

    L’afflux soudain de centaines de milliers de Congolais expulsés d’Angola dans la ville frontalière de Kamako a pris les structures de santé de court. Le centre de santé de référence, prévu pour une population de 20 000 habitants et qui reçoit une vingtaine de patients par jour en temps normal, doit désormais en accueillir quotidiennement 150 en moyenne, des Congolais arrivés affaiblis, parfois gravement blessés et qui tombent malade dès l’arrivée. Sans moyens supplémentaires, le centre de santé peine à faire face.

    Cela fait dix heures que Philomène, affaiblie par la fièvre, patiente dans la cour du centre de santé de Kamako, en République démocratique du Congo (RDC), assise sur une chaise. Elle a posé sa tête contre le mur. Son mari s’impatiente : « Elle n’a toujours pas reçu le moindre médicament. Pourtant, regardez-là, elle est faible, et elle a des irruptions cutanées, à cause de nos mauvaises conditions de vie. »

    Quelques malades ont obtenu des lits. D’autres dorment par terre sur des matelas en mousse cédés dans l’urgence par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Beaucoup, y compris une centaine de patients atteints de la tuberculose, n’ont pas pu être hospitalisés.

    « Depuis 7h du matin, on était déjà débordés, explique le docteur Miko Mibki, l’unique médecin du centre de santé. Notre capacité d’accueil est limitée. Même le personnel est limité. On fait avec nos moyens du bord afin qu’ils puissent bénéficier quand même des soins à notre niveau. »

    Risque de grève

    L’hôpital accueille également plusieurs blessés graves pendant l’opération d’expulsion qu’elle n’a pas les moyens de traiter. Parmi eux, André Kalomba, 32 ans, est tombé dans le puits de mine de diamant en fuyant l’Angola. Alité sur le ventre, il ne peut plus bouger. « En fuyant je suis tombé et me suis retrouvé là-bas, raconte-t-il. Je me suis cassé le dos, la colonne vertébrale. S’il n’y a pas d’intervention, je peux perdre ma vie. »

    Son frère, venu à chevet, cherche désespérément les moyens de le faire évacuer. « Il n’urine pas bien, décrit-il. Il y avait des problèmes de sang qui sortait jusqu’au niveau de l’organe génital. C’est déjà un cas d’urgence. Il faut des médecins spécialisés. »

    La veille, faute de compresses en stock, les infirmiers n’ont pas pu changer les pansements des patients. Depuis la gratuité de soins décrétée le 12 octobre par les autorités, ils ne sont plus payés et menacent de faire grève.

    Read More

  • [Reportage] RDC: l’errance des enfants congolais expulsés d’Angola

    [Reportage] RDC: l’errance des enfants congolais expulsés d’Angola


    Par
    RFI

    Publié le 08-11-2018
    Modifié le 08-11-2018 à 11:59

    Des centaines d’enfants mineurs isolés errent actuellement dans le Kasaï en RDC sans pouvoir retrouver leurs familles. C’est l’une des conséquences des expulsions forcées de Congolais menées depuis plus d’un mois par l’Angola. Elle témoigne de la brutalité et la pagaille qui président à cette opération lancée début octobre sans préavis par l’Angola. A Kamako, ces enfants ont le plus souvent trouvé refuge dans des églises, en attendant, peut-être de retrouver la trace de leurs parents. Reportage à la paroisse ACK, Assemblée chrétienne de Kamako.

    Ils sont cinq frères et sœurs, ils ont entre 4 et 12 ans, sont nés en Angola, ne connaissent personne au Congo et ont perdu la trace de leurs parents il y a presque un mois : « Les militaires sont venus chez nous. Ils ont arrêté papa et maman sous nos yeux. On est d’abord restés là dans la maison à pleurer et le soir, j’ai fermé la porte pour que nous dormions. Le lendemain, lorsque j’ai vu tous ces gens dehors en train de fuir vers le Congo, on les a suivis parce qu’on ne savait pas où aller ».

    Après des jours de marche sans manger, une fois dépassée la frontière, les cinq enfants ont croisé Georges Mponga, un pasteur violemment expulsé d’Angola lui aussi. Il les a pris sous son aile : « A mon retour, j’ai trouvé les enfants qui souffraient, qui ne connaissaient pas le tshiluba, le lingala, ni le français. Comme moi, je connais le portugais, je me suis intéressé à prendre même leur charge. C’est pour cela que je suis resté avec eux ».

    Quatre mètres sur quatre et un matelas posé sur le sol, c’est dans ce bureau de la paroisse de l’ACK, Assemblée chrétienne de Kamako, qu’ils ont trouvé refuge. Une église que dirige le pasteur Jean-Marcel Kasabubabo : « Voilà, les enfants dorment dans ces conditions avec nous ici. Ce sont les enfants que nous avons ici avec douleur. Ils souffrent. La  charge nous dépasse. Nous ne sommes pas assistés ni par les gens de la communauté internationale ni par le gouvernement. C’est avec nos petits moyens de l’église que les enfants vivent ».

    Dix-huit enfants isolés vivent actuellement dans cette église dans l’espoir que leurs parents viendront les y chercher.

    Il y a des enfants soit qui sont restés en Angola et les parents sont ici, soit dont les parents sont encore en Angola et qui ont été emportés par la foule de personnes qui commençait à voyager vers le Congo.

    Anna Praz, chef des opérations du CICR à Kamako

    08-11-2018
    – Par
    Florence Morice


    ■ Renouer le contact avec les familles

    Pour aider ces expulsés désemparés, le Comité international de la Croix-Rouge ( CICR) a installé au centre-ville de Kamako une cabine téléphonique. Chaque jour, une centaine de refoulés d’Angola s’y rendent pour appeler gratuitement leurs proches, tenter de les retrouver et le plus souvent leur demander de l’aide. Ils ont droit chacun à un appel de trois minutes pour sortir de l’impasse.

    André affiche une mine soulagée. Arrêté, tabassé, dépouillé, puis expulsé par l’armée angolaise, il erre depuis quinze jours sans rien à Kamako. Ce matin, il a au moins pu appeler un de ses oncles à l’aide : « Je lui ai demandé de m’envoyer de l’argent, pour pouvoir faire le trajet jusqu’à Kananga, où se trouve ma mère. Sans ça, je suis coincé ici ».

    André range précieusement sans sa poche le numéro de son oncle. Un an qu’il n’avait pas pu lui parler : « Leur numéro ne passait plus depuis la guerre dans le Kasaï. Mais ce matin, j’ai croisé un cousin ici qui m’a donné leur nouveau numéro. Je suis tellement soulagé. Je pensais que toute ma famille avait été exterminée pendant le conflit et que je n’avais plus personne ici. Ils sont à Tshikapa. Je vais tout faire pour les rejoindre ».

    A ses côtés, Kasonga vient de raccrocher avec sa nièce. Un appel à l’aide pour lui aussi. Mais il n’est pas optimiste : « Elle me dit qu’elle n’a pas les moyens de m’envoyer de l’argent. Elle aussi a une vie difficile. Elle ne travaille pas. Mais je n’ai personne d’autre à qui demander de quoi payer le trajet pour quitter ici. Je ne sais pas ce que je vais devenir ».

    Un peu en retrait, Jean Sy, lui cherche encore le numéro de sa famille. Noté sur un carnet qu’il a perdu dans la panique en quittant de force l’Angola où il vivait depuis douze ans.

    Read More