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Par J.-P. Mbelu
Dans son rapport publié en ce début du mois novembre 2009, Human Rights Watch est d’avis que « les forces armées congolaises dans l’est de la République démocratique du Congo ont tué brutalement des centaines de civils et perpétré un très grand nombre de viols au cours de trois derniers mois, lors d’une opération militaire appuyée par les Nations Unis ». Cet avis est pour HRW le fruit des missions d’enquêtes menées à l’est de notre pays. « Human Rigths Watch a mené 21 missions d’enquête sur le terrain dans le Nord Kivu et le Sud Kivu entre janvier et octobre 2009, et a constaté que des soldats de l’armée congolaise avaient tué délibérément au moins 505 civils depuis le début de l’opération Kimia II entre mars et septembre. En outre 198 civils ont été tués délibérément par des soldats de l’armée congolaise et leurs alliés de l’armée rwandaise lors d’une opération conjointe précédente qui a duré cinq semaines et connu sous le nom d’Umoja Wetu, fin janvier et en février ». En plus des soldats de l’armée congolaise et leurs alliés de l’armée rwandaise, HRW « a aussi documenté les attaques brutales menées en représailles par les milices FDLR, qui s’en sont pris délibérément aux civils congolais en réponse aux opérations militaires du gouvernement. De fin janvier au mois de septembre, les milices ont tué au moins 630 civils, nombre d’entre eux dans les régions de Ziralo, Ufumandu et Waloaluanda, à la frontière entre les provinces du Nord Kivu et du Sud Kivu. »
Présente aux côtés de l’armée congolaise, la Monuc est accusée par HRW d’avoir soutenu des opérations ayant conduit à la commission des crimes de guerre.
Une première lecture du rapport de HRW donne l’impression que l’on est en présence d’un texte très bien documenté. Mais une autre lecture suscite des doutes sur l’identité des forces en présence et soulève des questions sur la politique miliaire menée chez nous.
Une relecture citoyenne de notre histoire depuis le mois de janvier 2009 nous pousse à poser certaines questions : « Où sont passées les forces soutenues par le Rwanda et opérant sur notre territoire ? » Le récent rapport de HRW ne peut apporter de réponse à cette question. Or, c’est un secret de polichinelle : des Interahamwe recyclés au Rwanda, des démobilisés de l’armée rwandaise, des CNDP et des RCD acquis à la cause du Rwanda ont infiltré notre armée. Certains parmi eux sont aux commandes de l’opération Kimia II. (L’un de nos articles intitulé Kimya II et ses secrets avait, en son temps, cité certains noms d’Interahamwe recyclés au Rwanda et participant à cette guerre d’agression.)
Donc, il y a, à travers la façon dont l’histoire « officielle » de notre pays continue d’être écrite à partir de New-York, des essais de sa falsification préjudiciables pour les générations futures et pour les amnésiques d’entre nous.
Le site de Benilubero traitant de l’identité des tueurs, violeurs et pilleurs de ces derniers mois publie un article qui note : « L’identité des assaillants se dispute entre la population locale, pour qui les assaillants sont des militaires CNDP/FARDC (d’une part) et (d’autre part) le gouvernement, la Monuc et les Humanitaires pour qui les assaillants sont des FDLR et les Maï-Maï Pareco. »
Le modus operandi des assaillants (tuer, violer, piller, couper les membres et incendier les habitations) donne beaucoup plus raison à la population locale qu’aux officiels. « En lisant les versions officielles, note cet article, on découvre que la population est la seule capable de bien identifier les assaillants car lors des attaques les officiels du gouvernement, la Monuc et les Militaires congolais ne sont jamais présents sur le lieu du crime. Ils arrivent toujours quand le crime est déjà commis. » (Lire Lubero : 6 morts et 150 maisons incendies à Busereka)
Connaissant l’identité des assaillants, la population s’organise pour protester et résister. «Le cas de la cité de Lubero où la population a brûlé un véhicule de la Monuc et détruit certaines installations des ONG internationales est un signe que la population voit et vit autrement la paix annoncée par le régime de Kinshasa. En effet, le 28 octobre, la cité de Lubero était paralysée parce que la population ne veut pas de la présence de deux commandants anciens CNDP soupçonnés d’entretenir l’insécurité sur l’axe Kanyabayonga-Musienene. » (Ibidem)
Disons que du point de l’écriture de l’histoire « officielle » de notre pays, le mixage et le brassage des CNDP et des FARDC, dans la précipitation pour le besoin « de la paix des cimetières » vont de plus en plus être mis en parenthèse. La responsabilité des officiels « Congolais » dont Joseph Kabila et John Numbi dans cette opération de la mort semble être évacuée de cette écriture de l’histoire. Demain, nos fils et filles risquent de lire dans les archives de notre pays que l’armée congolaise a tué les populations civiles à l’est de notre pays sans que les détails concernant les Interahamwe recyclés au Rwanda, les militaires du RCD demeurés inamovibles à l’est et ceux du CNDP fidèles au Rwanda ainsi que les accords secrets signés entre le Rwanda de Kagame, Joseph Kabila et John Numbi soient mentionnés.
Et puis, suffit-il de fustiger les assaillants et leurs complices pour faire avancer l’histoire de notre pays ? Le dernier rapport de HRW soulève tout un tas de questions auxquelles, nous, Congolais(es) devrions toujours chercher à répondre. « Pourquoi la guerre se poursuit-elle à l’est de notre pays ? » Depuis le départ de Mobutu de la présidence du pays jusqu’à ce jour, l’enjeu principal n’a pas changé pour les acteurs majeurs de cette guerre d’usure : esclavagiser les populations congolaises et piller leurs matières premières stratégiques sans en payer le prix réel en prenant appui sur les sous-traitants de la région des Grands-Lacs. Tant pis si cela aboutit à la balkanisation du pays ! L’envoi des criminels de guerre à la Cour Pénal Internationale peut-il convaincre les acteurs majeurs de la guerre qui sévit chez nous d’y renoncer ? Non. Souvent, quand « les cosmocrates » se débarrassent de certains de leurs sous-traitants, c’est signe qu’ils en ont déjà préparé d’autres. Est-ce un hasard que la porte-parole de l’ex-procureur en chef du Tribunal pénal pour l’ex-Yougoslavie a sous-titré son livre publié en 2007 (Paix et châtiment) « les guerres secrètes de la politique et de la justice internationales » ? Est-ce un hasard que Florence Hartmann –parce que c’est d’elle qu’il s’agit- soit poursuivie aujourd’hui par la même justice internationale ?
C’est vrai. Il faut juger tous les criminels impliqués dans la guerre chez nous. Mais Bosco Ntanganda par exemple est-il plus criminel que Paul Kagame et les autres initiateurs des opérations Umoja Wetu, Kimia I et II ? Quand est-ce que les entreprises cotées en bourse au Canada et ayant financé cette guerre d’agression pourront-elles faire l’objet des pressions « des maîtres du monde » pour qu’elles rendent compte de nos six millions de morts devant la justice ?
Les rapports falsificateurs de notre histoire ne participent-ils pas de cette politique des pompiers pyromanes ? Cela d’autant plus que plusieurs ONG internationales sont aujourd’hui la main civile de l’impérialisme occidental !
Il est peut-être plus que temps pour que, connaissant le mode de fonctionnement de toutes ces machines de défense de droits de l’homme et autres machins, nous puissions, nous Congolais(es) assumé(e)s notre rôle de citoyens et citoyennes actifs de notre histoire en organisant, le plus que nous le pouvons, des contre-pouvoirs intellectuels, spirituels, culturels et socio-politiques pour résister (au niveau local, régional et international) contre cette guerre d’usure et d’autres qui pourront la suivre. Les multinationales occidentales qui s’en servent pour nous piller sont, pour la plupart, plus puissantes que leurs Etats. Souvent, elles se servent des hommes et femmes politiques du Nord comme garçons et filles de course pour réaliser leur profit maximal. La rhétorique sur la démocratie et le respect des droits de l’homme cache, souvent, l’hypocrisie de ceux qui, tuant par sous-traitants interposés, voudraient convaincre qu’ils croient en la capacité d’autodétermination et d’autogouvernement des peuples.
Dieu merci ! Plusieurs d’entre nous ont compris. Nos populations de l’est aussi. Elles se sont engagées dans une dynamique de lutte pour la liberté, l’égalité et la paix que plus rien ne pourra arrêter. Leurs enquêtes de terrain sont imbattables. Elles ont compris qu’il n’y a pas de pain sans paix.