Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, présidera samedi 29 septembre à Cologne l’inauguration d’une des plus grandes mosquées d’Europe, un déplacement marqué par des manifestations sous haute protection policière.
Il s’agit de l’ultime étape de la visite d’Etat du président turc, qui tente de tourner la page de deux années de tension avec l’Allemagne. Vendredi, il s’est entretenu avec Angela Merkel, avant d’être l’invité d’un banquet, boudé par une partie de la classe politique allemande, dont la chancelière. Les deux dirigeants se sont toutefois retrouvés samedi matin pour un petit-déjeuner, avant que M. Erdogan gagne Cologne.
Lire aussi : Pour le président turc Erdogan, une visite d’Etat en Allemagne sans « normalisation » des relations
Rassemblements de protestation attendus
Le dirigeant turc, doté de pouvoirs accrus depuis le début de son nouveau mandat, en juillet, doit y inaugurer cette mosquée, financée par l’Union des affaires turco-islamiques (Ditib), étroitement liée au pouvoir turc. Une inauguration à laquelle ne participera pas une partie des dirigeants politiques du Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, dont la maire de la ville, Henriette Recker, et le chef du gouvernement régional.
La première magistrate de la ville reproche à Ditib l’opacité qui a entouré le déroulement du chantier et le fonctionnement de la mosquée. Des élus accusent aussi cet organisme d’être un bras du régime de M. Erdogan, car elle gère neuf cents lieux de culte en Allemagne avec des imams venus de Turquie. L’organisation est aussi accusée par ses détracteurs d’espionner les opposants au président turc.
Plusieurs centaines de personnes étaient déjà rassemblées samedi matin à Cologne derrière une banderole « Erdogan n’est pas le bienvenu » , mot d’ordre des manifestations. « Je veux être la voix des gens qui ne peuvent pas descendre dans la rue en Turquie » , explique un manifestant, Cansu, venu de Suisse pour ce rassemblement. « Erdogan pense que tout ce qui diffère de son opinion est du terrorisme. Je suis ici pour montrer ma solidarité » avec les opposants.
Au moins deux manifestations sont prévues dans la cité rhénane. Plusieurs milliers de policiers seront mobilisés pour ce que le chef de la police locale, Uwe Jacob, présente comme un des plus grands déploiements policiers dans l’histoire de la ville.
Tentative de rapprochement
Le chantier avait débuté en 2009 et, malgré de nombreuses oppositions et controverses locales, de premiers fidèles ont pu y prier dès 2017. Les opposants à la mosquée, en particulier l’extrême droite, craignant un afflux de musulmans qui aurait fait de Cologne une réplique du « Londonistan » , avaient intenté des recours contre la construction qui ont finalement échoué.
Avec ses minarets de 55 mètres de haut et une coupole de 36 mètres, l’édifice de béton et de verre, censé incarner l’ouverture, selon son architecte, Paul Böhm, est une des plus imposantes mosquées d’Europe. Sa superficie est de 4 500 mètres carrés. Sise dans le quartier d’Ehrenfeld, non loin de la tour de télévision de Cologne, elle est susceptible d’accueillir des milliers de fidèles. La police veut en limiter l’accès samedi à 5 000 personnes, mais l’Union des affaires turco-islamiques en attend beaucoup plus.
Avec cette visite d’Etat, la Turquie, minée par une crise économique aiguë et en froid avec les Etats-Unis de Donald Trump, tente un rapprochement avec l’Allemagne, où vivent 3 millions de personnes de nationalité ou d’origine turque. Le gouvernement allemand, dont M. Erdogan dénonçait en 2017 de supposées « pratiques nazies » , se montre ouvert à ce réchauffement, malgré les « différences profondes » qui subsistent, selon les termes de Mme Merkel. Elle a ainsi rejeté la demande de classer comme « terroriste » l’organisation de M. Güllen, qui vit en exil aux Etats-Unis, et a mis en avant les atteintes aux libertés en Turquie.