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Scandale hier à l’Assemblée nationale !

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Par Jonas Eugène KOTA

Parlementaires-congolaisA la plénière d’hier, les députés nationaux ont offert au public un spectacle de vives invectives autour de l’annonce de la démission d’un des leurs qui devraient beaucoup d’argent à certains de ses collègues
Les Députés nationaux ont habitué l’opinion tant nationale qu’internationale à bien de déconvenues qui ont souvent heurté les bonnes consciences. Des présomptions de corruption à des falsifications de documents, en passant par la surenchère politicienne pour des visées matérialistes, tout y est passé en moins d’un mandat parlementaire. Tout ? Pas si vite, puisque hier à l’hémicycle, certains élus du peuple ont livré à la salle et aux téléspectateurs un spectacle fort insolite, sans aucun rapport avec la mission qui les a amenés au Palais du peuple.
Alors que la commission chargée de l’aménagement du territoire a du mal à assurer une bonne visibilité de son rapport de travail sur le projet de loi relatif aux marchés publics, le Président du Bureau, Evariste Boshab, en profite pour lire une lettre d’un des députés annonçant sa démission en raison des multiples occupations qui ne lui permettent pas d’assumer correctement son mandat électoral. La démarche étant particulière, même si elle est prévue dans la Constitution, Boshab sollicite les avis de la plénière pour la suite à y réserver.
C’est en ce moment qu’un député, Jacques Bonyoma Falanga, profitant de la parole lui accordée, se saisit du crachoir pour lâcher l’inattendu. Il sollicite du Bureau et de ses collègues que la requête annoncée soit rejetée au motif que le requérant devrait beaucoup d’argent à lui et à bien d’autres députés.
Le propos suffit pour provoquer un véritable tollé dans la salle. Personne ne comprend ce qui arrive. Comment, en effet, un élu du peuple peut-il se permettre d’abuser de la tribune d’une Assemblée nationale pour étaler, en pleine plénière retransmise en direct à la télévision, des problèmes personnels ? Deux députés se succèdent pour exprimer leur indignation dans ce sens et solliciter que le débat ad hoc ne se poursuive pas.
Rien n’y fait. Au contraire, on sent la tension monter vite, très très vite, dans la salle ! C’est qu’on parle d’argent… que les Députés parlent d’argent. D’ordinaire, ce sujet est évoqué à huis clos lorsque les élus du peuple crient leur fauche auprès de leur Bureau. Ceux qui ont l’habitude d’y assister savent à quel point des Députés arrivent à jeter momentanément un halo sur leur honorabilité pour crier leur misère, le couteau littéralement entre les dents.
Pour autant, personne ne comprend comment l’adrénaline est montée aussi vite pour une question aussi délicate et devant la face du monde. Des députés se succèdent pour réprouver l’initiative de leur collègue qui a ainsi ouvert la boîte de Pandore. Bulambo Kilosho s’indigne que ce créancier aux abois ignore qu’en ayant souscrit à une coopérative, il en devenait sociétaire et que, de ce fait, il était lié par le sort de cette institution de micro-finance. Gilbert Kiakwama embraye dans le même sens pour supplier ses pairs de ne pas débattre des choses de faillite privée. Il prévient que ce qui se passe n’est pas bon pour l’image du député et que s’il n’y avait plus rien à faire, le Bureau pouvait lever la séance.
Qu’à cela ne tienne, Bonyoma déboule à nouveau sur le podium, cette fois plus furibard que jamais. Boshab a du mal à le calmer, mais y parvient quand même. L’infortuné souscripteur d’une coopérative en faillite ne démord pas moins et tente de s’en prendre à ses collègues qui l’ont désapprouvé, avant de se faire rappeler à l’ordre par un Boshab très à cheval sur les principes. Bonyoma réitère tout de même son exigence, puisqu’il est en train de voir s’envoler ses 10.000 dollars de souscription. Dans sa colère, il perd de vue qu’en cherchant à maintenir au Parlement le promoteur de la coopérative en faillite, il lui assure une couverture immunitaire jusqu’en fin de mandat, ce qui le soustrait des poursuites judiciaires, du moins sur le principe.
Dans tous les cas, le sujet sent mauvais, si mauvais qu’en fin de compte, Evariste Boshab clos le débat sans suite. L’hémicycle peut reprendre sa sérénité, mais trop tard. Dans la ville, en effet, ceux qui viennent de suivre la scène à la télévision n’en reviennent pas de voir des personnes affublées du titre d’honorabilité se livrer ainsi à une querelle de boutiquiers courante à travers nos cités. Alors que l’Assemblée nationale dispose d’un arsenal de mécanismes pour prendre en charge ce genre de questions, les élus du peuple ont préféré se produire sur la place publique à la face de ce même peuple pour annihiler ce qui pouvait rester encore de confiance en leur tréfonds. Voici donc des représentants du peuple délestés du moindre sens de stoïcisme pour entretenir le mythe de la fonction publique, du statut d’homme d’Etat ; choisissant la carapace de monsieur-tout- le-monde.
Exit l’élitisme qui est censé accompagner ce genre de statut, hier les députés ont offert un ultime scandale qui a fini d’assommer le peuple déjà lassé d’un mandat plus que chaotique pour ce qui est de la vie de nos institutions. Dommage, enfin, qu’ici-même, la rigueur du règlement intérieur ne soit encore jamais venue à l’appui des bonnes consciences pour redresser les choses…