J’ai couru vers le Nil (Al-Joumhouriyya Ka’anna), d’Alaa El Aswany, traduit de l’arabe (Egypte) par Gilles Gauthier, Actes Sud, 430 p., 23 €.
Une brasserie parisienne. Devant un verre de whisky écossais, Alaa El Aswany semble un géant bienveillant, attentif aux questions qu’on lui pose. On pourrait dire, au risque de paraître exagérément lyrique, qu’avec sa gentillesse bon enfant et sa distance amusée à l’égard du genre humain, il incarne quelque chose de l’âme égyptienne. Comme s’il sortait d’un roman de Naguib Mahfouz (1911-2006) ou d’un film de Youssef Chahine (1926-2008). Il fait chaud en ce début d’automne, on se croirait presque dans un café huppé du Caire en sa compagnie. Ou à Assouan, en Basse-Nubie, d’où est originaire sa famille paternelle.
C’est en partie à son père, Abbas El Aswany, que le romancier doit ce qui fait la réussite de ses livres : sa capacité à rendre la multiplicité des destins égyptiens, toutes classes sociales confondues, avec proximité et sympathie. Aswany père était avocat et écrivain lui aussi, militant socialiste, opposant à l’occupant britannique, patriote plus que nationaliste. Son fils étudiait au lycée français du Caire, mais il l’emmenait après la classe dans les quartiers populaires. Lui rejoignait ses camarades militants et l’enfant jouait dans les rues, qu’il a su si bien évoquer par la suite.
La nostalgie du cosmopolitisme cairote d’antan
« Mon père brisait les barrières entre les milieux bourgeois et le peuple », raconte Alaa El Aswanyqui, à sa suite, a su créer une porosité entre des mondes souvent antagonistes. Dans son premier roman, au succès immédiat en Egypte, L’Immeuble Yacoubian (2002 ; Actes Sud 2006), il a bâti une intrigue où se mêlent musulmans, chrétiens, juifs, hétérosexuels, homosexuels, riches bourgeois, prolétaires, paysans et sans-logis venus s’installer sur le toit de l’immeuble. On peut y lire, outre la nostalgie…
« Je ne quitterai pas la scène sans être président. » La réponse de Kad Merad au Figaro.fr sur le devenir de la série Baron noir ressemble à des propos entendus dans les coulisses d’une vraie campagne électorale. L’acteur parle pourtant d’une fiction où le suspense repose sur les ressorts, les intrigues et coups bas du monde politique. Et elle n’est pas la seule. Le Bureau des légendes, qui met en scène les arcanes des services secrets français et des intérêts stratégiques hexagonaux, a démarré, le 23 octobre sur Canal+, sa quatrième saison avec un succès non démenti.
Le film politique serait-il en train de devenir une nouvelle passion française ? Quatre manifestations en font la promotion cet automne. Le Festival du film politique s’est terminé, samedi 27 octobre, à Porto-Vecchio (Corse-du-Sud). Politikos s’ouvre à Rennes le 1er novembre. François Hollande, Aurélie Filippetti, Hubert Védrine ou encore Jean-Louis Debré y débattront.
Deux autres manifestations sont prévues dans la foulée : les Escales documentaires à La Rochelle auront lieu du 6 au 10 novembre avec pour thématique « Filmer le politique » et le Festival international du film politique se déroulera à Carcassonne du 4 au 8 décembre.
« Moins d’inhibitions »
Les Anglo-Saxons se sont emparés depuis longtemps des intrigues et des codes du monde politique pour fabriquer des fictions. Une liste de films qui font référence en atteste comme le magistral Mr Smith au Sénat de Franck Capra ou Les Hommes du président d’Alan Pakula, sortis respectivement en 1940 et 1976. Les séries ont pris le relais avec une liberté de ton saisissante. D’abord la shakespearienne House of Cards diffusée au Royaume-Uni dans les années 1990 avant d’être reprise ensuite aux Etats-Unis. Puis The West Wing d’Aaron Sorkin qui raconte le quotidien à la Maison Blanche ou encore la danoise Borgen qui narre l’arrivée…
Une partie de la presse télévisuelle s’est émue de découvrir, dans le dernier épisode du feuilleton Capitaine Marleau, Double jeu, diffusé mardi 23 sur France 3, une Corinne Masiero méconnaissable, ou presque.
Pour les besoins d’une intrigue dont les grosses ficelles sont décidément trop visibles pour être convaincantes, la capitaine de gendarmerie s’y fait passer pour sa sœur jumelle dont elle vient de découvrir l’existence dans une morgue où son corps a été déposé.
Grande gueule à l’accent ch’ti
La grande duduche nordiste au verbe haut et cru, en chapka fourrée (« un souvenir de ma dernière épilation du maillot », dit-elle), habillée comme une souillon, se métamorphose en bourgeoise maquillée sur talons aiguilles, à l’expression presque châtiée.
Mais c’est méconnaître cette actrice qui a pourtant joué des emplois très différents, notamment dans le film Louise Wimmer (2012), de Cyril Mennegun, et dans la série d’Arte Ainsi soient-ils (2012-2015), dans lesquels elle était taiseuse et bouleversante.
Puis sont venus les rôles de grande gueule à l’accent ch’ti, au cinéma et à la télévision, dont Capitaine Marleau, qui l’a véritablement fait connaître d’un très vaste public : chaque épisode fait un carton, et le dernier a rassemblé 6,63 millions de téléspectateurs, soit 28,3 % de part d’audience, son meilleur score.
Formules tordantes
Cette version féminine déjantée de l’inspecteur Columbo se fiche de la bienséance et accumule les formules tordantes (dont des pots-pourris peuvent être facilement trouvés sur YouTube) : « Les seuls concours que j’ai gagnés, c’est des concours de circonstances », « laxiste léniniste », « Economique Jagger », etc.
Mais entre la pluie de (pas toujours) bons mots de la capitaine, le surjeu permanent de son interprète, la trame parfois ténue de certains épisodes – celui-ci, comme le précédent, n’est décidément pas l’un des meilleurs de la série – et une réalisation dont la subtilité n’est pas la caractéristique permanente, il ne reste pas toujours grand-chose à sauver. Le grand public est certes au rendez-vous, mais ce feuilleton populaire gagnerait à faire une pause, la formidable Corinne Masiero à jouer autre chose que les grandes gueules ch’tis pour y revenir un jour avec une fraîcheur renouvelée.
Capitaine Marleau : Les Roseaux noirs. Série télévisée réalisée par Josée Dayan. Avec Corinne Masiero, Nicole Garcia, Hippolyte Girardot (FR, 2018, 1 h 34). www.france.tv/france-3
Dans un entretien accordé au « Monde des Religions », l’écrivain et journaliste algérien Kamel Daoud revient sur le concept de liberté et du plaisir qu’il prend à la défendre.
Il y a deux Kamel Daoud. Le journaliste, incisif et sans concession, qui ne craint pas de défendre ses convictions et sa liberté de conscience – quitte à mettre en péril sa sécurité et à s’attirer les foudres de ceux qui l’accusent de caricaturer l’islam. Et l’écrivain, prix Goncourt du premier roman pour Meursault, contre-enquête, qui fait vibrer la langue française avec amour et virtuosité, même s’il a choisi de demeurer en Algérie, envers et contre tout. Envers et contre tous ?
C’est peu dire que chacune de ses chroniques au Point, au Quotidien d’Oran ou au Monde est guettée, commentée, discutée, qu’elle déchaîne les passions. Mais le journaliste et l’écrivain se rencontrent souvent. C’est le cas dans son dernier essai, Le Peintre dévorant la femme (Stock, 2018) où Daoud confronte deux visions antinomiques de la femme : le regard de Picasso et celui d’un combattant de Daech.
Dans un entretien accordé au Monde des Religions, cet homme intransigeant et entier –excessif, parfois– revient sur sa croisade contre les idéologies et les dogmes. Une croisade où le verbe est sa seule arme.
Ce qui frappe, en lisant vos écrits, c’est qu’au-delà de la vision désenchantée que vous portez sur le monde, il transparaît une inaltérable pulsion de vie, un amour du moment présent. D’où cela vous vient-il ?
Kamel Daoud Cette pulsion vient d’un manque. J’appartiens à une génération qui a été dépossédée de la vie ici-bas par deux choses : un discours religieux qui met par la vie en sursis, qui la promet pour après la mort ; et surtout, par le récit national, le poids de l’histoire de la colonisation et de la guerre d’indépendance. Le présent apparaît comme quelque chose qui n’est pas à la hauteur du passé. Ceux qui sont considérés comme vivants sont les héros de la guerre de libération. Nous sommes venus après, et en quelque sorte endettés.
Je me suis toujours senti enfermé entre ces deux mises en sursis de la vie. Quand j’étais gamin, une lecture m’a beaucoup marqué : LesNourritures terrestres d’André Gide. Cela peut sembler un peu naïf, mais cette expression d’un désir de vivre, de « sentir le sable sous ses pieds », m’a bouleversé. J’ai toujours voulu défendre comme un droit de propriété le fait de posséder sa propre vie.
Vous avez érigé la liberté en valeur cardinale de votre existence. Comment composez-vous avec le sentiment d’angoisse qui découle de la liberté ?
Je convertis cela en valeur morale. Je veux croire qu’il y a plus de dignité à assumer la liberté, la responsabilité d’être libre, qu’à vivre dans le confort de la soumission aux groupes, aux idéologies dominantes, ou dans la soumission politique.
Une autre raison, qui peut paraître simpliste, m’aide à vivre : puisque personne ne peut mourir à ma place, personne n’a le droit de vivre à ma place. Cette certitude de la solitude devant la mort me donne tous les droits. J’ai le droit de vivre ma vie comme je l’entends, sans avoir à composer outre mesure avec les idéologies, les idées ou les religions dominantes.
Précisément, vous incarnez dans les médias occidentaux la figure du résistant face aux pouvoirs établis. N’y a-t-il pas un risque de surjouer ce rôle, de tomber dans la caricature outrancière – ce qui vous est parfois reproché ?
C’est possible, mais c’est un choix qui se pose à certaines époques. Faut-il dénoncer le goulag, au risque d’être récupéré par les propagandes dites impérialistes de l’époque ? Ou faut-il le taire pour sauver le prestige du communisme ? D’autres avant moi ont vécu ce dilemme, qui m’a longtemps travaillé. Dois-je encore parler comme je l’ai toujours fait, exercer un droit et un devoir de lucidité sur mon réel, quitte à ce que mes dires soient récupérés par les extrêmes droites ? Ou dois-je me taire, fermer les yeux sur les injustices que je vois autour de moi ou que je vis personnellement ? Je ne suis pas coupable du détournement de mes propos. Je suis responsable de ma vie, de ce je dis et de mon devoir de dire les choses telles qu’elles sont. Ce n’est pas parce qu’un discours anti-islamiste peut servir un discours islamophobe que je dois me taire. Ce serait être complice.
« S’il existe, d’un côté, la fabrique du dissident à partir de figures comme la mienne, ici, au sud, il y a aussi la fabrique du traître. Entre la figure du traître et celle du dissident, il faut essayer d’exercer sa liberté. »
Que l’Occident ait besoin de figures opposantes n’est ni un vice, ni une vertu, ni une faute : on ne se représente l’autre qu’à travers soi-même. L’Occident interprète selon ses besoins, ses problématiques, ce qui est tout à fait normal. Dans ce contexte, je ne me sens pas victime. Je me sens moi-même. Et c’est en outre un jeu à double sens, puisque ce qui est dit par les intellectuels appréciés en Occident est aussi récupéré par le discours religieux dominant, ou qui essaie d’être dominant, au Maghreb. Les médias islamiques y trouvent des arguments pour leur discours sur l’effondrement moral et l’hypocrisie de l’Occident. S’il existe, d’un côté, la fabrique du dissident à partir de figures comme la mienne, ici, au sud, il y a aussi la fabrique du traître. Entre la figure du traître et celle du dissident, il faut essayer d’exercer sa liberté, et surtout de garder du plaisir à le faire.
Justement, n’êtes-vous pas un peu las de ces combats ? En d’autres termes – et je m’adresse ici davantage au chroniqueur qu’à l’écrivain – ressentez-vous encore un bonheur à faire ce métier ?
Je suis chroniqueur depuis vingt ans, mais j’ai toujours mal au ventre quand je dois écrire une chronique : est-ce que je vais être bon, le sujet va-t-il être pertinent ? Il y a un peu d’épuisement dans le sens où nous sommes dans un monde où la surmédiatisation tue l’information.
Ce que vous dites est systématiquement surinterprété, que ce soit de ce côté de la Méditerranée ou de l’autre. Vous n’avez plus droit au plaisir gratuit. Mais, croyez-moi, j’essaie de préserver ce rapport d’innocence et de jeu qu’on doit avoir avec l’écrit. Je lis ce que j’ai envie de lire, et j’écris parfois sur des sujets à ma manière, c’est-à-dire en essayant de conserver un rapport ludique et original au thème.
Qu’est-ce qui fait que vous restez en Algérie, malgré le regard sévère que vous portez sur votre pays, sans compter les menaces qui pèsent sur votre sécurité ?
C’est une question qu’on me pose souvent. Je vais peut-être tenter, un jour, d’y répondre par un livre (rires) ! On reste dans un endroit pour trois ou quatre raisons affectives et intimes. J’y reste aussi parce que l’adversité me nourrit et que le paradis, chez vous, est tout à fait ennuyeux, peut-être. J’y reste également parce que je redoute la figure de l’intellectuel exilé.
Un exilé écrit souvent sur son exil, ce qui est une manière de se suicider lentement. J’ai peur de l’exil. Il faut beaucoup de courage pour partir. J’espère ne pas être forcé à le faire. En ce moment, je relis des ouvrages d’Orhan Pamuk, tellement nourri de ce lien qu’il a avec Istanbul…
C’est la terreur de l’écrivain de quitter ce lieu qui est à la fois celui de l’adversité, mais aussi celui de la passion. On y perd beaucoup. Et puis, ici, j’ai l’impression que ma vie a du sens. Cela m’a pris beaucoup de temps d’y bâtir une maison, une vie. Je n’ai pas envie de repartir de zéro. Paradoxalement, c’est le lieu qui me permet – parce que j’en suis dépossédé quotidiennement – de défendre ma liberté. Elle me serait offerte totalement en Occident, que j’y perdrais peut-être le goût de la défendre.
Votre goût du combat ne vous donne-t-il pas envie de vous lancer en politique ?
Ce serait suicidaire. Quand le jeu est ouvert, quand on ne connaît pas la fin du film, pourquoi pas… Mais quand vous savez d’avance qui sera le seul survivant… Ce serait idiot de jouer le second rôle.
Arte.tv, mardi 30 octobre à la demande, websérie d’animation
Il s’appelle Feurat Alani. Il est français et irakien ou irakien et français. Peu importe l’ordre, il est les deux à la fois. Comme souvent, c’est enfant, lors des longues vacances d’été, qu’il découvre le pays natal de ses parents. Son « bled » à lui, c’est l’Irak, qu’il visite pour la première fois en 1989. Il a 9 ans lorsqu’il atterrit à Bagdad, il se rappelle porter une cravate bleue. L’un de ses premiers souvenirs ? Une glace à l’abricot au goût exquis ; il n’en léchera plus jamais une autre aussi bonne de toute sa vie.
Feurat – prénom en hommage à l’Euphrate, du nom de ce fleuve aimé par son père qui borde Fallouja – fait connaissance avec ses oncles, tantes et autres cousins. La guerre contre l’ennemi iranien a pris fin après huit années de combats (1980-1988). La vie est enfin belle, les jeunes flirtent dans les rues, les cafés sont bondés… Bref, Bagdad rayonne, même si le pays est sous le contrôle absolu de Saddam Hussein. Tout le monde le craint au point que les proches de Feurat lui implorent de ne jamais prononcer le nom du dictateur en public. Comment ne pas transgresser cet interdit ? Trop tentant pour lui et sa petite sœur, même s’il ne comprend pas encore pourquoi.
L’invasion du Koweït (1990-1991), l’occupation américaine (2003-2011) et une décennie d’embargo ont fini par asphyxier sa seconde patrie
Son père n’est pas du voyage, il a préféré rester en France. Opposant politique dans sa jeunesse, il avait été torturé par les « chiens de garde » de l’autocrate dans une prison d’où on ne sortait pas vivant. Son père, lui, allait pourtant être libéré, puis reçu avec d’autres adversaires par… Saddam Hussein en personne : il souhaitait leur montrer à quel point il pouvait être d’une immense clémence…
Au fil des étés, Feurat tombe amoureux de l’Irak ; mais le pays de ses parents va sombrer et se perdre dans des guerres sans fin. L’invasion du Koweït (1990-1991), l’occupation américaine (2003-2011) et une décennie d’embargo ont fini par asphyxier sa seconde patrie. Le sucre, onéreux et rare, devient un produit de contrebande telle une vulgaire drogue. Les hôpitaux manquent de tout, et, lorsque Feurat Alani se fera recoudre une plaie à la tête, son oncle devra soudoyer chèrement le docteur pour obtenir une anesthésie.
Guerres sans fin
Feurat voit la misère et le désespoir s’installer dans le pays. Il constate qu’une partie de sa famille, autrefois laïque, a trouvé du réconfort auprès d’Allah comme beaucoup de compatriotes. Plus grand, devenu journaliste, il décide de s’installer à Bagdad, chez sa tante. Agé de 24 ans, il couvre pour la presse française l’invasion américaine et le chaos qui arrive avec les djihadistes d’Al-Qaida et de l’organisation Etat islamique (EI). Le reporter reconnaît désormais chaque bruit de balle ou d’obus. Il explique comment ses « frères » irakiens sont humiliés par les GI et se dit qu’il aurait pu être l’un d’eux ; mais il a eu la chance de naître en France.
L’animation puissante et poétique est réalisée par le dessinateur Léonard Cohen
Feurat Alani a choisi de se livrer dans une sublime websérie qu’il a affectueusement appelée Le Parfum d’Irak. En vingt épisodes (de deux à trois minutes), il décrit ses vacances où, été après été, il se rend compte – impuissant – que, dans le pays de ses parents, se succèdent les tragédies.
Mélancolique, poétique, chacun des volets raconte un souvenir précis illustré par une animation puissante et poétique, réalisée par le dessinateur Léonard Cohen. Le Parfum d’Irak dépeint majestueusement une vision oubliée du monde arabe, généreuse et riche, joyeuse et libre. « J’ai vu disparaître l’Irak que j’ai rencontré en 1989 », confie-t-il. C’est un conte qui finit mal…
Le Parfum d’Irak, de Feurat Alani et Léonard Cohen (France, 2018, 20 × 2 à 3 min). Disponible en livre (Arte Editions/Editions Nova, 176 p., 19 €). www.arte.tv
Ils exigent des plates-formes américaines de streaming qu’elles respectent les accords collectifs, qui prévoient le versement de royalties, faute de quoi aucun contrat ne sera signé jusqu’à nouvel ordre.
Par Anne-Françoise HivertPublié aujourd’hui à 10h34, mis à jour à 10h34
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Face aux plates-formes américaines de streaming (lecture sans téléchargement) – dont, assurent-ils, l’intérêt pour leur pays les ravit –, les acteurs, scénaristes et réalisateurs danois n’ont vu qu’une solution : s’allier pour espérer se faire entendre. A en croire Benjamin Boe Rasmussen, le président du syndicat des acteurs, il y va de l’avenir du« modèle danois »de rémunération dans le cinéma et la télévision, tel qu’il est défini par les accords collectifs.
Mercredi 24 octobre, les trois professions ont fait savoir que si Netflix et HBO voulaient dorénavant recruter un acteur, un scénariste ou un réalisateur danois, elles devraient d’abord trouver un compromis avec l’organisation « Create Denmark », fondée en 2016 pour défendre les droits d’auteur des artistes nationaux. Pas question d’être les « ouvriers polonais » d’un secteur en pleine expansion, tonnent les syndicats.
En cause : le refus des deux mastodontes américains, impliqués dans plusieurs productions locales, de respecter le modèle de rémunération danois, qui combine salaire et royalties. « Au Danemark, nos cachets sont relativement bas, explique Benjamin Boe Rasmussen. Mais ils sont compensés par les droits que nous touchons ensuite sur chaque diffusion. » Acteur, il a figuré au casting de deux épisodes de la série The Killing, produite par la chaîne danoise DR. « Depuis, j’ai perçu l’équivalent de 130 % de mon salaire en royalties », précise-t-il.
A cela, Netflix et HBO opposent une fin de non-recevoir, exigeant l’application d’un système de « buy-out », qui prévoit, en plus du salaire, une avance sur droits, dont le montant varie de 15 % à 25 % du salaire initial. Une compensation jugée insuffisante par les syndicats, sachant que la somme des royalties touchée sur dix ans peut doubler le montant du cachet.
En place depuis des décennies, ce modèle a façonné l’écosystème danois, observe Benjamin Boe Rasmussen : « Les producteurs n’ont pas besoin d’avancer des sommes énormes en amont, ce qui donne leur chance à de petits projets qui, autrement, n’auraient pas vu le jour. » Les syndicats soulignent également qu’il est important qu’une partie des bénéfices générés reste au Danemark pour y être réinvestie.
Au fond de la salle, un jeune homme arbore une cravate d’un rouge éclatant. Aurait-il préféré avoir une rose à la main ? A quelques rangées de lui, une femme a, elle, laissé dépasser de son sac Destin français, le dernier pamphlet d’Eric Zemmour. Serait-elle aussi lectrice du nationaliste Maurice Barrès ? Lundi 29 octobre, la très chic maison Piasa, sise 118, rue du Faubourg-Saint-Honoré, organisait la première journée de vente aux enchères de la bibliothèque de François Mitterrand. Elle fut le théâtre d’une étonnante cohabitation politique entre acheteurs passionnés.
Seul l’ancien chef de l’Etat socialiste pouvait réussir un tel tour de force posthume, lui le Florentin qui aimait tant brouiller les pistes. Dans une vidéo publiée sur le site de Piasa, Régis Debray, un intime de la famille, avait averti : « Cette vente va révéler François plutôt que Mitterrand. Le premier était un homme de droite, le second un homme de gauche et les deux coexistaient fort bien. »
De tous les présidents de la Ve République, François Mitterrand est le seul à poser un livre à la main, Les Essais de Montaigne, lors du rituel de la photo officielle. Bibliophile averti, il collectionne les éditions originales au gré de ses promenades littéraires à Saint-Germain-des-Prés. Rue de Bièvre, sur les rayonnages consacrés aux auteurs modernes, le communiste Aragon voisine avec l’antisémite Robert Brasillach, Albert Camus avec l’écrivain pétainiste Jacques Chardonne et Marguerite Duras avec le collaborationniste Pierre Drieu La Rochelle. Et parmi les écrivains de droite, on découvre aussi Maurice Barrès et Michel Déon. C’est ce fonds littéraire du XXe siècle qui est mis à l’encan par Gilbert Mitterrand, le fils cadet de l’ancien chef de l’Etat.
« Il en avait hérité, mais ce n’est pas un collectionneur, témoigne Jean-Baptiste de Proyart, libraire et expert de la vente pour Piasa. Les ouvrages végétaient dans des…
Le 30 octobre 1938, CBS diffuse « La Guerre des mondes », une pièce radiophonique inspirée du célèbre roman de l’écrivain britannique H.G. Wells. Au micro et à la mise en scène, son presque homonyme, Orson Welles, 23 ans, un metteur en scène alors quasi inconnu du grand public. Pour donner un caractère réaliste à la pièce, Welles décide d’y inclure de faux flashs d’information qui évoquent le débarquement des Martiens dans la région de New York.
Selon les journaux de l’époque, cette version de la « Guerre des mondes » aurait déclenché une panique générale à travers le pays. Problème : cette panique générale n’a pas eu lieu. En effet, l’émission était clairement annoncée dans les programmes et un générique marquait le début et la fin de cette mise en scène radiophonique de « La Guerre des mondes » sur l’antenne de CBS.
C’est l’une des voix les plus séduisantes de la jeune chanson française. Son succès est fulgurant. Depuis la sortie de son premier album, Petite Amie, en 2017, Juliette Armanet a chanté sur toutes les scènes ou presque. Beaucoup l’ont d’ailleurs découverte lorsqu’elle a magnifiquement repris Les Moulins de mon cœur, le classique de Michel Legrand, en ouverture du dernier Festival de Cannes.
Pour Le Monde Festival, samedi 6 octobre, au Théâtre des Bouffes du Nord, cette fille de libraires de banlieue parisienne est revenue sur les amours artistiques qui ont scandé son parcours et montré qu’elle n’est avare ni de voix ni de cœur.
Le livre. Sommes-nous en train de glisser de façon indolore vers une société où la liberté d’expression ne serait plus un principe cardinal ? A lire l’avocat Emmanuel Pierrat, on prend conscience que ce péril n’est pas théorique. Ce spécialiste du droit de la culture et des affaires de censure recense les multiples coups que nous portons à la liberté de création artistique, à celles d’éditer ou d’exposer une œuvre.
Ce n’est pas sous le joug de gouvernements autoritaires mais au nom de la morale qu’émerge une insidieuse « censure privatisée ». Parfois au nom de buts louables, comme la lutte contre le racisme ou contre les violences faites aux femmes, on parvient à interdire, bannir, censurer ou même réécrire l’histoire.
Sans revenir sur les arguments juridiques débattus autour de la publication des pamphlets antisémites de Céline ou de la réédition de Mein Kampf de Hitler, M. Pierrat s’inquiète pour « la mémoire d’une société qui ne saura rien des errements de son passé ». Fallait-il déboulonner les statues de Lénine après la chute du mur de Berlin ? La mairie de San Francisco a-t-elle eu raison de retirer en 2018 une statue représentant un Amérindien à moitié nu aux pieds de deux missionnaires catholiques ?
Censurer l’expression du racisme, une erreur
Censurer l’expression du racisme des générations précédentes n’aide pas à le combattre aujourd’hui. Au contraire ! « Nous n’aurons plus les moyens intellectuels de savoir ce qui a été peint, lu, admiré ou conspué. Le public du futur sera anesthésié », prévient l’avocat. Mais invoquer les traditions n’autorise pas tout. L’auteur dénonce la perpétuation d’une manifestation raciste comme la « Nuit des Noirs » au carnaval de Dunkerque, pendant laquelle des Blancs se noircissent le visage.
La censure bien-pensante ne s’applique pas qu’au passé. Au Teatro del Maggio de Florence, la scène finale de l’opéra Carmen a…