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Jair Bolsonaro, futur président des footballeurs brésiliens ?

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Sur l’homosexualité, la sécurité, la place des femmes ou le (non-) contrôle des armes, Jair Bolsonaro a des idées assez arrêtées. Mais quand il est question de football, celui qui pourrait devenir le prochain président du Brésil, ce dimanche 28 octobre à l’issue du second tour l’opposant à Fernando Haddad, ratisse plus large. Le candidat en tête des sondages déclare officiellement deux clubs de cœur : Palmeiras et Botafogo. Une équipe de Sao Paulo et une autre de Rio de Janeiro, histoire de ne pas faire de jaloux. Mais il a aussi été aperçu avec le maillot du Vasco de Gama et de Flamengo.

Bolsanaro aime le football et certains joueurs le lui rendent bien. Et pas des moins connus. Le 6 octobre, Ronaldinho affiche son soutien au candidat d’extrême droite sur les réseaux sociaux. « Pour un Brésil meilleur, je désire la paix, la sécurité et quelqu’un qui nous redonne de la joie. J’ai choisi de vivre au Brésil et je veux un Brésil meilleur pour tous », écrit le Ballon d’or 2005 sur son profil suivi par 18 millions d’internautes.

Sur le papier, la convergence des idées paraît étonnante entre l’ancienne vedette du FC Barcelone, connue pour son mode de vie hédoniste, et le capitaine de réserve de l’armée brésilienne de 63 ans. Mais « Ronnie » est loin d’être le seul ancien ou actuel international à rouler pour le candidat du Parti social-libéral (PSL). Cafu, double champion du monde (1994 et 2002), affiche aussi son soutien à Bolsonaro dans une vidéo, Rivaldo (Ballon d’or en 1999) évoque, lui, sa « joie de savoir que le Brésil se réveille et de constater que Jair Bolsonaro est le candidat idéal pour notre pays ».

Lucas (ancien attaquant du PSG, aujourd’hui à Tottenham) n’hésite pas de son côté à répondre sur son compte Twitter aux internautes qui le critiquent (et l’insultent parfois) pour son engagement politique : « Vous voulez faire quoi face aux bandits ? Il [Bolsonaro] ne promeut pas la violence, il promeut la justice et que les malfrats aient peur de la police. »

Un but dédié à Bolsonaro

Si ces soutiens sont récents et accompagnent la fulgurante ascension du député fédéral de Rio de Janeiro, Jadson (8 sélections) affichait ses opinions dès 2017, quand Bolsonaro n’était encore perçu que comme un épiphénomène. « J’ai déjà vu des interviews de lui sur YouTube, ça m’a l’air d’être un gars correct. S’il se présente à la présidentielle, je voterai pour lui », déclarait celui qui pourrait assister à la victoire de son favori depuis la Chine, où il poursuit sa carrière.

Le milieu international de Palmeiras Felipe Melo est même allé jusqu’à dédier son but contre Bahia, le 16 septembre, à « notre futur président Bolsonaro ». Les dirigeants de Palmeiras n’ont pas sanctionné leur joueur alors que le tribunal supérieur de la justice sportive réfléchit encore à engager une action contre celui dont le surnom de « Pitbull » colle assez bien avec ses convictions.

Le football brésilien aurait-il viré à l’extrême droite ? A travers une très longue enquête, le site UOL Esporte tente de répondre à la question et donne aussi la parole à ces footballeurs séduits par Jair Bolsonaro. En décembre, UOL avait réalisé un sondage auprès de 111 joueurs de D1 et D2 au Brésil. Le leader du PSL arrivait déjà en tête avec 22,75 % des intentions de vote, très loin devant l’ancien président Lula (qui espérait encore pouvoir se présenter) avec 5,4 %.

La corruption qui frappe la classe brésilienne depuis des années est un des arguments avancés par les joueurs pour défendre un candidat nostalgique des années de dictature (1964-1985) et dont le nom est pourtant apparu furtivement dans le scandale dit « Lava Jato » en 2017.

« Ce qui m’a séduit, c’est qu’on parle d’un candidat propre », s’avance l’attaquant Carlos Alberto. Ephémère espoir quand il remportait la Ligue des champions avec Porto en 2004, l’actuel joueur de Paranaense développe :

« Bolsonaro n’est à la solde de personne, il est le seul à pouvoir faire bouger les choses. Il ne va pas tout résoudre d’un claquement de doigts et a des faiblesses sur certains sujets, mais il sera appuyé par des spécialistes comme le grand économiste Paulo Guedes. Il est le seul capable de se battre contre le système en place. »

Ordre, sécurité et religion

Le discours sécuritaire de Bolsonaro touche aussi des joueurs pour certains issus des « favelas », qui ont vécu de près ce mal brésilien qu’est la violence urbaine. Sa phrase choc « un bon bandit est un bandit mort » trouve un certain écho chez des footballeurs comme Felipe Melo, « qui a vécu pendant des années loin du Brésil, en Europe où le sentiment de sécurité est plus important et le retour au pays l’a confronté de nouveau à une réalité bien différente », analyse la journaliste d’UOL Luiza Oliveira. « La majorité des joueurs ici viennent des classes défavorisées et nous voyons bien que les gens sont fatigués de subir certaines choses », poursuit Carlos Alberto.

La question religieuse porte aussi dans un milieu où le courant évangéliste est très bien implanté. « Les joueurs y attachent beaucoup d’importance, ils s’identifient à ce genre de discours, observe le sociologue Marcel Diego Tonini, interrogé par 20 Minutes. Bolsonaro a aussi un programme machiste qui rencontre un franc succès dans un milieu trèsviriliste”, où sa violence verbale est aussi très bien vue»

L’esprit de Socrates paraît bien loin. En 1983 alors que l’armée dirige encore le pays, la star des Corinthians (Sao Paulo) instaure avec ses camarades « la démocratie corinthienne ». Chaque décision – à commencer par le choix de l’entraîneur – est prise à main levée par des joueurs qui affichent leur soutien au mouvement Diretas Jà en faveur d’élections démocratiques.

« Les temps ont changé. C’était il y a trente-cinq ans et ce fut une parenthèse qui ne s’est jamais reproduite. Le foot a finalement toujours été très conservateur ici », déplorait dans un entretien à L’Equipe Tostao, homme de gauche et champion du monde en 1970.

Disparu en 2011, Socrates n’est pas là pour voir son pays se jeter – peut-être – dans les bras d’un militaire pro-torture. Mais son esprit vit encore à travers les Gavioes da Fiel. Le principal groupe de supporteurs des Corinthians (100 000 membres) profite de tous les matchs pour manifester son hostilité à Bolsonaro. Il a été rejoint depuis par des groupes rivaux comme ceux des clubs de Santos, Flamengo ou Palmeiras.

L’exception Juninho

« Les joueurs sont aujourd’hui rares à parler politique. Mais ceux qui le font sont à l’image du reste de société brésilienne », analysait pour Le Monde le 6 juillet Marco Antonio Carvalho Teixeira, professeur de sciences politiques à la Fondation Getulio-Vargas de Sao Paulo. Un ancien international a pris depuis position pour appeler à faire barrage à celui qu’on surnomme « le Trump brésilien ». Légende de Gerland depuis son passage à Lyon entre 2001 à 2009, Juninho appelle à voter pour Fernando Haddad, le candidat du Parti des travailleurs, pour faire barrage à Bolsonaro.

Dans un entretien à El Pais, le roi du coup franc direct s’adressait aux joueurs séduits par les sirènes du « bolsonarisme ».

« Beaucoup de Brésiliens ignorent que d’autres ont été torturés et assassinés pendant la dictature. C’est désespérant de voir des gens soutenir les interventions militaires. L’armée existe pour défendre le pays, protéger les frontières, mais pas pour tuer les Brésiliens dans les favelas. Ils n’ont pas été formés pour cela. Ils disent que je défends le voleur. Mais le peuple doit arrêter avec cette manière de penser que tout crime est égal. L’assassinat est une chose, le vol en est une autre. Je ne peux pas mettre un jeune de 18 ans qui a volé dans une prison. Car quand le mec sort de prison, il veut se venger de la société. C’est pour cela que je m’énerve quand je vois un ex-joueur de football voter pour l’extrême droite. Nous venons d’en bas, nous avons été élevés au sein du peuple. Comment l’oublier ? Comment être de ce côté ? Tu vas soutenir Bolsonaro, mon frère ? »

Réponse ce dimanche 28 octobre après le match le plus important auquel le Brésil va assister – et participer – depuis la fin de la dictature.

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