Tag: Culture & Arts

  • Christian Streiff : « Ce PDG méprisant qu’incarne Luchini, ce n’était pas moi »

    Christian Streiff : « Ce PDG méprisant qu’incarne Luchini, ce n’était pas moi »

    Christian Streiff le reconnaît volontiers, il souffre encore de très légers trous de mémoire. Quelques noms qu’il peine à retrouver. Une idée qui chemine jusqu’au bout de sa langue et s’évanouit soudain. C’est pour cela, d’ailleurs, que l’ancien patron d’Airbus et de PSA Peugeot Citroën a apporté avec lui un élégant carnet rouge. « J’y note les choses importantes pour lesquelles je ne suis pas sûr de ma mémoire », sourit-il en s’installant au fond des Belles plantes, la brasserie du Jardin des plantes, à Paris, pas très loin de chez lui. Il pose le carnet sur la table en bois, passe la main sur le cuir : « Ce matin, j’y ai fait la liste de ce que je voulais vous dire… ou ne pas vous dire. »

    Il est une certitude qu’il n’a pas eu besoin d’inscrire pour s’en souvenir : bien sûr, Christian Streiff, 64 ans, aime beaucoup Un homme pressé (dHervé Mimran avec Fabrice Luchini et Leïla Bekhti), la comédie qui sortira sur grand écran le 7 novembre, inspirée de sa chute et de sa lente reconstruction. Mais « l’histoire n’a rien à voir avec la [s]ienne ». Que ce soit clair, « ce PDG très autoritaire, méprisant, ce vrai ­salaud qu’incarne Luchini au début, ce n’était pas moi, assure-t-il. Cela, c’est le patron tel que les Français aiment le détester, et c’est dur de se dire que j’ai pu avoir quelque chose en commun avec lui ».

    De même, « la maladie décrite dans le film a très peu à voir avec mon accident vasculaire cérébral », affirme-t-il en commandant un jus multivitaminé. Bien sûr, il s’est retrouvé terrassé un matin de mai 2008, comme Luchini à l’écran. Comme lui, il a failli mourir. Comme lui, il ne savait plus compter ni parler. Des mots sortaient bien de sa bouche. Mais pas toujours les bons. L’ex-major de l’Ecole des mines disait « pluance », « ancture ». « Les orthophonistes, je les appelais “mes psychopathes’’, sans m’en rendre compte, comme…

    Read More

  • « Bohemian Rhapsody » : Freddie Mercury au bord de la canonisation

    « Bohemian Rhapsody » : Freddie Mercury au bord de la canonisation

    L’avis du « Monde » – pourquoi pas

    Tout dépend de la place que Queen tient dans votre vie. Si, dans votre panthéon, le quatuor emmené par Freddie Mercury n’est qu’une divinité mineure, une bizarrerie dans l’histoire du rock, un groupe glam arrivé trop tard pour faire œuvre de pionnier – comme Bowie ou T. Rex –, devenu une machine à tubes et à remplir les stades à un moment où les Ramones et The Clash menaient le soulèvement contre le rock pompier, vous prendrez probablement un certain plaisir au spectacle de Bohemian Rhapsody. Ce long film est tour à tour artificieux, pompier, sentimental, séduisant, boursouflé, entraînant. Exactement comme Bohemian Rhapsody, plaisir coupable, éphémère et interminable (6 minutes), qui ne vaudra jamais la première mesure de Get It On.

    Ce long film est tour à tour artificieux, pompier, sentimental, séduisant, boursouflé, entraînant

    Le produit final, homogène, sans aspérité, ne révèle rien de la genèse tourmentée de la chanson. Mis en chantier en 2010 à l’initiative du producteur américain ­Graham King et de Jim Beach, qui fut le manageur de Queen, le projet fut d’abord élaboré autour de Sacha Baron Cohen, dont la ressemblance physique avec Freddie Mercury n’avait échappé à personne. Celui-ci devait être dirigé par Bryan Singer, réalisateur ­entre autres de Usual Suspects et de quelques X-Men.

    Lorsque le comique a renoncé au rôle du chanteur de Queen, en regrettant publiquement que le scénario n’évoque pas la sexualité de Mercury, son fardeau a échu d’abord à Ben Whishaw, qui a également abandonné, et finalement à Rami Malek.

    Changement de réalisateur

    A la ville, ou dans le rôle principal de la série Mr. Robot, qui l’a rendu célèbre, l’acteur américain d’origine égyptienne ne ressemble guère au rocker d’origine indienne. Heureusement, Bohemian Rhapsody est assez bien financé pour s’offrir les services des meilleurs maquilleurs et prothésistes….

    Read More

  • La sélection séries du « Monde »

    La sélection séries du « Monde »

    LES CHOIX DE LA MATINALE

    Pour cette seconde semaine de vacances, deux séries de qualité pour enfants et pré-ados, ainsi qu’une truculente création britannique sur un couple en mal d’étincelles permettront d’affronter le retour du froid avec délice.

    « Si j’étais un animal » : pour les plus jeunes, pendant les vacances

    La superbe série documentaire française Si j’étais un animal, que France 3 et France 4 rediffusent par fragments, se compose, pour chaque saison, de quatre rencontres (de cinq minutes chacune) avec une espèce animale, que l’on découvre au travers de l’un de ses petits, filmé dans son milieu naturel.

    Premiers pas, premières excursions hors du cocon familial, le corps qui change, l’apprentissage auprès des parents… Deux enfants, Emma (6 ans) et son grand frère Tim (9 ans), commentent tour à tour la naissance et l’entrée dans la vie adulte d’un chien berger, d’un papillon, d’un blaireau, d’un cygne, d’un daim ou d’un ours polaire, etc. Le tout filmé grâce aux techniques les plus avancées pour approcher le monde animalier au plus près.

    Si j’étais un animal comportant treize saisons, ce sont en tout cinquante-deux petites et grosses bêtes, exotiques ou non, auxquelles Tim et Emma familiarisent les plus jeunes, le tout ponctué de dessins animés artistiquement enfantins et d’une musique savamment humoristique. L’ensemble est disponible sur Netflix, en français, mais sous le titre If I were an animal. Martine Delahaye

    « If I were an animal », série documentaire créée par Marc du Pontavice et Frédéric Fougea (France, 2017-18, 52 x 5 minutes). A la demande sur Netflix. Rediffusions fragmentaires sur France 3 le mercredi à 8 h 55 et sur TV5 Monde Europe le samedi et le dimanche à 9 h 15.

    « Anne avec un E », une merveilleuse pré-ado du XIXe siècle qui traverse le temps

    Autre série de grande qualité, et même époustouflante dans sa première saison, Anne with an E, elle, s’adresse à un public un peu plus âgé, plus proche de l’adolescence que de la petite enfance – sans que les adultes en soient exclus pour autant, bien au contraire.

    Brillante adaptation du roman Anne… la maison aux pignons verts (Anne of Green Gables, 1908), le plus populaire de la saga écrite par la Canadienne Lucy Maud Montgomery, Anne with an E devient, sous la plume de la scénariste Moira Walley-Beckett (qui fut de l’aventure Breaking Bad), un hymne à la fiction, aux pouvoirs de l’imagination et aux rêves de l’enfance.

    Traversée par les thèmes de la recherche de son identité, de la construction d’une individualité, de l’acceptation de soi, ainsi que par ceux du harcèlement, des traitements abusifs et du déclassement social, cette version d’Anne with an E n’est en rien engluée dans le XIXe siècle canadien et s’adresse à tous.

    A-t-on connu personnage plus pétillant, optimiste, audacieux, imaginatif, romantique, idéaliste et, par moments, aussi malheureux que cette enfant de 9-10 ans ? Il faut dire qu’Anne – dont le prénom devrait s’écrire Ann dans le monde où elle vit – est orpheline et se désespère de se voir rousse comme Poil de carotte tout en se rêvant princesse. Qui plus est, sans être promise à un destin à la Dickens, la voilà envoyée par erreur dans une ferme de l’île canadienne du Prince Edouard que tiennent un vieux frère et sa soeur : ils étaient prêts à adopter un garçon qui pourrait aider aux travaux agricoles, mais une fille…

    Inutile de visionner la deuxième saison d’Anne with an E, qui s’éloigne de ce personnage magnétique et solaire qu’interprète l’impressionnante Amybeth McNulty. La première saison, en revanche, pourrait illuminer les vacances de toute la famille, que ce soit à la Toussaint ou à Noël. M. De.

    « Anne with an E », série créée par Moira Walley-Beckett. Avec Amybeth McNulty, Geraldine James, R.H. Thomson (Canada, 2017, 7 x 60 minutes). Sur Netflix.

    « Wanderlust », couple en crise cherche libido désespérément

    Joy (Toni Collette), psychanalyste de son état, constitue avec Alan (Steven Mackintosh) un couple aimant mais qui s’ennuie au lit et décide de se livrer, en toute transparence, à des expérimentations sexuelles extraconjugales. La situation met de l’huile dans les rouages mais tourne bientôt au vinaigre.

    Par cette expérience, Joy en vient, lors d’une séance avec sa psychothérapeute (Sophie Okonedo), à mettre au jour les ramifications souterraines et réprimées de sa crise identitaire, savamment masquée derrière une vie de famille « bobo », libérale, voire libertaire.

    L’actrice Toni Collette, à la virtuosité caméléonesque bien connue, domine, sans lui faire de l’ombre, une distribution d’excellents acteurs qui concourent au succès de cette très attachante série créée par le dramaturge britannique Nick Payne d’après sa pièce du même nom. L’Australienne y montre sa capacité de transformation par petites touches et incarne avec génie la grande scène dramatique et révélatrice de l’épisode 5 (elle occupe la quasi-totalité de ses 56 minutes) dans le cabinet de sa psychothérapeute.

    Cette séquence montre aussi l’extraordinaire liberté de conception et de réalisation qu’autorise le genre sériel qui permet le déplacement du poids et du rythme narratif d’une manière aussi excentrée qu’excentrique. Wanderlust, créée pour la BBC, et désormais disponible sur Netflix, s’impose comme l’une des meilleures séries de 2018, et confirme, s’il le fallait encore, l’inventivité des Britanniques en la matière. Renaud Machart

    « Wanderlust », série créée par Nick Payne. Avec Toni Collette, Steven Mackintosh, Zawe Ashton, Joe Hurst, Emma D’Arcy, Celeste Dring, Royce Pierreson, William Ash, Jeremy Swift, Anastasia Hille, Sophie Okonedo. (Royaume-Uni, 2018, 6 x 55-59 minutes) Sur Netflix.

    Read More

  • La première télé de Philippe Gildas à l’ORTF

    La première télé de Philippe Gildas à l’ORTF

    Philippe Gildas est mort dans la nuit du samedi 27 au dimanche 28 octobre. Le journaliste était notamment connu pour avoir animé l’émission « Nulle part ailleurs » sur Canal+ dans les années 1980-1990. Mais sa carrière a débuté bien avant : dans les années 1960, il est journaliste à la radio, sur RTL et, dès 1969, il fait ses débuts à la télévision, à l’ORTF. Rapidement, il présentera le journal télévisé, baptisé à l’époque « Information première ». Il tient alors ce rôle en alternance avec Etienne Mougeotte. Sans prompteur, sans cravate et avec des cheveux longs, pour cacher ses oreilles.

    LE MONDE

    L’origine de l’article >>

  • « The Walking Dead », à bout de souffle

    « The Walking Dead », à bout de souffle

    OCS Choc, lundi 29 octobre à 20 h 40, série

    La grande bataille qui a eu lieu entre le clan des sauveurs, dirigé par le fantasque Negan, et les partisans de Rick Grimes est encore dans toutes les têtes. A la fin de la saison 8, Rick (Andrew Lincoln) avait réussi à terrasser Negan, son pire ennemi. Malgré toute la haine et la rage qu’il pouvait ressentir pour cet homme dérangé qui ne sort jamais sans son Perfecto et sa batte barbelée affectueusement surnommée « Lucille », l’ancien shérif avait choisi de l’épargner.

    Lire la critique de la saison 7 :   « The Walking Dead », au-delà du gore

    Le temps a passé mais les tensions sont toujours aussi fortes. Et même si Negan (Jeffrey Dean Morgan) pourrit dans une cellule, certains sauveurs souhaitent son retour. La saison 9 de The Walking Dead, qui a démarré le 7 octobre aux Etats-Unis, montre un Rick de plus en plus isolé. Il n’est plus ce tueur impitoyable capable de découper toute personne qui se mettrait sur son chemin ; il veut coûte que coûte instaurer la paix entre son clan et celui qui était soumis à Negan. Dans ce monde apocalyptique où les « morts » (les zombies) règnent en maître, « chaque vie compte », répète-t-il.

    Scènes prévisibles et répétitives

    Le dimanche soir sur la chaîne américaine AMC, et dès le lendemain en France, à 20 h 40 sur OCS Choc ou à la demande sur OCS Go, cette série ultragore continue de mettre en scène des personnages cyniques et tourmentés qui interrogent sur la condition humaine.

    Après la diffusion des trois premiers épisodes, le récit de The Walking Dead s’essouffle cruellement. Les répliques sont d’une pauvreté affligeante et les scènes tristement prévisibles et répétitives. Côté audience, rien ne va plus : le premier épisode a été vu par quelque 6 millions d’Américains, deux fois moins que la saison dernière. Et le deuxième n’a réuni que 4,95 millions de fans, sa pire audience. Nous sommes loin des 17 millions que cette fantastique fiction a rassemblés des saisons 4 à 7.

    L’aventure télévisée de The Walking Dead est-elle arrivée à son terme ? Peut-être. D’autant que son personnage principal, Rick Grimes, doit disparaître au cours de cette saison, Andrew Lincoln ayant annoncé qu’il arrêtait d’incarner l’ancien shérif.

    Lire le post de blog :   « The Walking Dead », ce moment où le regard se détourne

    The Walking Dead, saison 9, créée par Frank Darabont et Robert Kirkman. (EU, 2018, 16 × 44 min). www.ocs.fr

    L’origine de l’article >>

  • « Traversées » : l’agence Magnum et la fondation Aperture vendent une sélection de tirages

    « Traversées » : l’agence Magnum et la fondation Aperture vendent une sélection de tirages

    L’agence de photographie Magnum s’associe à la maison d’édition américaine Aperture pour lancer la vente en ligne d’une sélection de photographies classiques et contemporaines sur la thématique « Traversées». La vente aura lieu du 29 octobre au 2 novembre 2018.

    À travers une quarantaine de photographes aussi prestigieux que Robert Capa, Stephen Shore, Nan Goldin, Antoine D’Agata, Eve Arnold, Larry Sultan, Mary Ellen Mark, c’est cette notion contemporaine de traversée qui est interrogée sous toutes ses formes possibles. Aventures documentaires ou rêveries intimes… Ces images tentent, à leur manière, de s’approcher d’un monde en perpétuelle ébullition.

    Face aux grands mouvements du monde, quel est le pouvoir de la photographie ? Capter un « moment décisif » affirmait Henri Cartier-Bresson – grand photographe et cofondateur de l’agence Magnum. Dans notre monde contemporain, tout s’accélère. Sans image fixe, nous n’aurions pas la possibilité de prendre le temps de comprendre ce qui se passe au plus près et au plus loin de nous : la mondialisation dans tous ses états, les crises migratoires, la surenchère technologique…

    « La vitesse réduit le monde à rien » écrivait le philosophe Paul Virilio récemment disparu. Ces photographies présentées aujourd’hui cherchent à lui redonner du sens.

    Accédez à la vente des tirages de l’agence Magnum

    L’origine de l’article >>

  • La résilience du cinéma portugais

    La résilience du cinéma portugais

    Jamais, même dans ces dernières années où la politique culturelle fut des plus hasardeuses, le cinéma portugais ne s’est laissé abattre. Que la droite réforme son mode de financement et le laisse exsangue en 2012 – qualifiée d’« année zéro » – ou que les opérateurs du câble usent de leur pouvoir pour orienter les choix en 2014, les réalisateurs portugais ont su préserver leur « artisanat », si prisé dans les grands festivals étrangers. L’édition 2018 de DocLisboa, festival de films documentaires qui s’est achevé le 28 octobre, n’a pas dérogé à la règle : la compétition internationale comptait plusieurs premières mondiales, « signe que les cinéastes nous font confiance et veulent dévoiler ici leurs œuvres », se réjouit Cintia Gil, codirectrice du festival avec Davide Oberto.

    Quant à la compétition de films portugais, elle portait la marque d’une résistance à l’industrie culturelle que promeut la gauche, au pouvoir depuis 2015. « Dans le budget culture présenté il y a quelques jours, le mot “tourisme” apparaît autant que le mot “cinéma”, poursuit Cintia Gil. L’idée de la circulation des films est corrélée au désir d’exporter une image du Portugal, et d’attirer des investissements. » Le codirecteur de DocLisboa ironise : « C’est comme une publicité, en moins cher ! On attend juste une véritable politique du cinéma… » Comme un clin d’œil, l’un des films de la compétition, Alis Ubbo, de Paulo Abreu, est une plongée hypnotisante dans la frénésie touristique de la capitale : omniprésents, les audioguides fournissent la bande sonore à cet étrange film en forme de clip.

    La fréquentation en salle n’est que de 15,6 millions d’entrées pour 10,3 millions d’habitants

    De fait, Lisbonne a changé. Le quartier tranquille où Joao Cesar Monteiro (1939-2003) a tourné son dernier film, Va et vient (2003), est devenu un lieu de promenade chic et branché avec son bar à glaces gastronomique, d’un…

    L’origine de l’article >>

  • Joao Matos, producteur : « Le public a perdu la culture d’aller en salle »

    Joao Matos, producteur : « Le public a perdu la culture d’aller en salle »

    Joao Matos, cofondateur de Terratreme et producteur de films d’auteur depuis 2000, déplore le rétrécissement du public portugais.

    2012 a été « l’année zéro » pour le cinéma portugais, à court de financement. En six ans, la situation s’est-elle améliorée ?

    Au Portugal, le cinéma est désormais financé par une taxe acquittée par les opérateurs du câble et les chaînes de télévision. Ceux-ci ont d’abord revendiqué un droit de regard en contrepartie de leur financement : en 2014, la commission chargée de sélectionner les films était sous l’influence de lobbys qui considèrent le cinéma comme un produit. La profession s’est battue pour que l’ICA, l’équivalent du Centre national du cinéma français, retrouve son indépendance et désigne les membres de cette commission. Mais nous devons rester vigilants. Par ailleurs, la politique de la télévision publique portugaise, la RTP, n’est pas lisible : une année, elle peut soutenir huit longs-métrages, et une autre, elle peut mettre 2 millions d’euros dans un seul projet.

    L’argent de l’Etat ne suffit pas ?

    Non, et nous nous tournons souvent vers des coproductions à l’étranger. Les films gagnent en visibilité dans les festivals. Mais cet artisanat prend du temps : un film de Tiago Hespanha, Campo, vainqueur du prix First Look à Locarno cette année, est en développement depuis 2014 et sortira en 2019. L’une de mes associées, Susana Nobre, qui est aussi réalisatrice, a travaillé comme formatrice auprès de demandeurs d’emploi pendant qu’elle tournait un documentaire sur les chômeurs, Active Life (2013) : son salaire lui a permis de finaliser son film.

    Quelle est la visibilité de vos films au Portugal ?

    Faible. Le public a un peu perdu la culture d’aller en salle pour les films d’auteur. Et l’école ne fait pas le travail d’emmener les élèves au cinéma. Avant, à Terratreme, on montrait nos films à des jeunes, dans…

    L’origine de l’article >>

  • Silence pour « la maison des sons » du compositeur Pierre Henry

    Silence pour « la maison des sons » du compositeur Pierre Henry

    Vue de l’extérieur, la grande maison sise au 32, rue de Toul, dans le 12e arrondissement de Paris, ne se distingue guère des autres bâtisses érigées dans le quartier au début du XXe siècle. Pourtant, au-dessus de la sonnette, à gauche d’un portail noir, une petite plaque prend aujourd’hui une valeur historique : « SON-RE Pierre Henry ». Quinze mois après la mort du compositeur (le 5 juillet 2017, à l’âge de 89 ans), elle constitue toujours la seule indication du lieu qui fut à la fois sa demeure et son studio (« SON-RE » signifiant « son et recherche électro-acoustique »).

    Une plaque nullement commémorative, comme on en trouve à Paris pour perpétuer le séjour d’un artiste de renom ; juste une adresse pour La Poste. Enfin, plus pour longtemps. Dans la cour et dans la maison, les cartons sont légion. Le 31 octobre, Isabelle ­Warnier – veuve de Pierre Henry – rendra les clés de la demeure louée depuis 1971. Ensuite, le bâtiment sera sans doute rasé pour faire place à un immeuble.

    Déco très spéciale

    Partout, on s’active. Bernadette Mangin, l’assistante musicale de Pierre Henry pendant trente-cinq ans, a aménagé la bibliothèque en bureau de la dernière heure. Près d’elle, une jeune femme dresse un inventaire sur ordinateur. Ailleurs, d’autres auxiliaires du déménagement emballent les créations plastiques du compositeur, ces tableaux hétérogènes à la Arman confectionnés avec diverses pièces, liées ou non à la musique.

    Quelques vestiges de cette déco très spéciale subsistent dans l’escalier (collage avec les différents membres de la famille de Pierre Schaeffer, l’inventeur de la musique concrète), sur un mur (chaussons utilisés par Isabelle Warnier, du temps où elle dansait dans la compagnie de Janine Charrat) ou sur un plafond (affiches de concerts). Et, témoignage plus précieux encore de sa frénésie créatrice, la sonothèque du musicien trône toujours dans plusieurs pièces, en attendant son transfert à…

    L’origine de l’article >>

  • Plus de 3000 participants pour la première édition du Monde Festival à Montréal

    Plus de 3000 participants pour la première édition du Monde Festival à Montréal

    Faire dialoguer Français et Québécois à propos de quelques-unes des thématiques qui animent le débat public des deux côtés de l’Atlantique ; confronter les points de vue : tel était l’objectif du premier Monde Festival Montréal organisé conjointement par Le Monde et Le Devoir. Pari réussi : vendredi 26 octobre, donc en une journée, plus de 3 000 personnes ont rempli deux salles du splendide Musée des beaux-arts, pour assister à une dizaine de tables rondes portant sur des sujets comme la laïcité, le féminisme, les musées, l’intelligence artificielle, le passé colonial, l’exception culturelle, le climat, l’éducation. Les discussions ont été denses et joyeuses. Parfois âpres.

    Consensuels, les Québécois ? « Nous aussi on s’engueule ! », revendique une festivalière de 47 ans. Lors de la première table ronde de la journée, consacrée aux réformes sociétales, l’ex-ministre Christiane Taubira a d’ailleurs démontré qu’au niveau institutionnel, le « dissensus français » est aussi très québécois : la loi sur le mariage pour les couples de même sexe a été adoptée ici par 158 voix contre 133 en 2005, et en France par 331 voix contre 225 en 2013. Seule différence notable : les opposants au projet de loi ne sont pas descendus dans la rue. « On ne peut pas manifester au Québec, il fait trop froid pendant six mois de l’année ! Que pensez-vous de cet aspect météo du débat ? », se risque un homme dans le public, faisant éclater de rire l’ancienne garde des sceaux. Elle aussi assure le spectacle avec son sens de la formule : « Mon utérus n’a rien à voir avec mes choix politiques ! » Le public montréalais n’est pas en reste quand il s’agit d’applaudir ou de désapprouver les interventions.

    Différences culturelles

    A la sortie de la magnifique salle Bourgie du musée, les festivaliers échangent leurs impressions. Maxime, qui cherche un emploi après avoir terminé ses études de communication, a la double-nationalité franco-québécoise : « Je trouve ça fascinant de voir comment nos différences culturelles se traduisent dans la politique. » La longue file d’attente qui serpente avant le débat sur la laïcité démontre qu’il n’est pas le seul.

    Maryse, la soixantaine, « fervente lectrice du Devoir », sort de la table ronde sur « le féminisme après #metoo. » « #moiaussi ! », nous reprend-elle. Ici, on ne rigole pas avec les anglicismes. « Les Français se battent moins que les Québécois pour leur langue », résume Claudine Lepage, la sénatrice représentant les Français établis hors de France, lors de la table ronde consacrée à l’exception culturelle francophone.

    Autre différence apparue lors du débat « A quoi ça sert un musée ? » opposant l’hôte de ces lieux, Nathalie Bondil, la directrice du Musée des beaux-arts, au président du MuCEM de Marseille, Jean-François Chougnet. « Au départ, explique ce dernier, je regardais bizarrement le concept d’“art thérapie” créé par Nathalie. Mais si vous aviez vu la tête de nos collègues français du Louvre quand elle le leur a présenté ! Ça m’a donné envie de m’y intéresser. » Le grain de folie québécois allégerait ainsi la lourdeur des institutions.

    Pas de critique publique du mouvement #metoo au Québec, pas de « tribune Deneuve », allusion à la tribune publiée dans Le Monde en janvier dernier et cosignée par cent femmes défendant « la liberté d’importuner ». Ici, une pétition intitulée « Et maintenant » exhortait au contraire les Québécois à aller plus loin. « Il ne faut pas s’arrêter à : est-ce qu’elle a dit oui ou non ?, expose la jeune Mélanie Lemay, qui a fondé, bien avant #metoo, le mouvement Québec contre les violences sexuelles. Il faut que les jeunes filles puissent se percevoir comme des puissances désirantes. » A quoi Diane Guilbault, la présidente de l’organisme Pour les droits des femmes du Québec, ajoutait : « La tribune Deneuve a beaucoup fait rigoler ici. On se disait ah ben ça, c’est bien la France. »

    Ensemble

    Certains sujets, comme le climat, n’ont pas fait débat. « L’accord de Paris, s’il était respecté, nous conduirait à une augmentation de la température de trois degrés. Même pas le minimum vital pour garantir la survie de l’humanité », alertait Delphine Batho, ancienne ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie et aujourd’hui présidente de Génération écologie. « Peut-on faire confiance au marché pour s’autoréguler ? » s’interrogeait François Delorme, professeur à l’université de Sherbrooke et expert du GIEC, avant de conclure : « On est sur un bateau en fin de croisière, avec des gens sur le pont qui boivent du champagne. Le capitaine du bateau voit le glacier dans lequel on se dirige. C’est lui, le garant du bien commun. Si le capitaine ne fait pas son travail, il faut changer de capitaine, faire pression sur lui, ou descendre dans les bateaux pneumatiques et prendre les choses en main. »

    Marie-Françoise, une festivalière française retraitée, venue rendre visite à des amis québécois, fait la queue pour la conférence sur le passé colonial : « C’est agréable d’être débarrassée du climat sécuritaire qui règne en France. Regardez : il n’y a pas cinquante portiques pour entrer dans la salle ! » Elle est pressée d’entendre l’écrivaine Alice Zeniter et l’historien Benjamin Stora. Ses amis, au contraire, trépignent d’entendre les militants autochtones Michèle Audette et Stanley Vollant, que Marie-Françoise ne connaît pas même de nom. C’est bien là l’une des premières vertus de ce Monde Festival Montréal : faire découvrir, aux uns et aux autres, des grandes voix. Et tirer des fils, de part et d’autre de l’Atlantique, entre deux peuples qui ont, décidément, beaucoup à apprendre l’un de l’autre.

    Sur le Web : www.lemonde.fr/festival/montreal.html

    L’origine de l’article >>